LE PREMIER VOYAGE
Où les poissons se disputent pour la science de grande merveille du monde des humains qu’Henric sur Deux Jambes avait amenée et le laisser rentrer ne se décident pas. Et en voulant l’aider, Alimina sans peur, dans le monde des ombres avec Henric est prise. Où on voit qu’Alimina tient parole et au conseil du roi des humains avec grande honneur est reçue.
Cette année-là grand étonnement fut-il entre les poissons, car un humain s’était retrouvé parmi les clans de la reine Zentaïde, sur la rivière de Réhoux. Les poissons se rassemblèrent autour de lui car personne n’avait jamais vu une telle créature. Ni voler pouvait-il, car bête sans ailes, et trop grande, ni courir sur quatre pattes, comme d’autres que nous avions déjà rencontrées, mais sur deux jambes seulement il marchait. Et tous les buissons le blessaient et la foule de poissons et de peuples parlants le terrifiaient. Il est étonnant qu’une créature si fragile puisse faire tant de dégâts comme on apprend des livres des anciens.
La reine Zentaïde, avec grande pompe le reçut, comme pour un visiteur et invité de grand honneur, tel qu’il était. Et après moult cris d’étonnement qu’il sortit à la vue des travaux des poissons, et encore d’autres en les entendant, alors que les vieux poissons autour de la reine hochaient la tête par pitié pour un pauvre d’esprit, il se mit finalement à parler.
Et quelles merveilles il ne raconta alors, combien de choses en secret pour les oreilles de la reine et du conseil du clan il n’en déroula : faits de guerre avec des balles de feu et grande destruction, pierre sur pierre s’élevant en tours plus délicates que les branches d’un tilleul en fleurs, des tissus en fil d’herbes plus doux que les longues feuilles des algues à la surface de l’eau. Et encore combien d’autres, qui en grand secret restèrent.
Et après le premier mois, Henric, car c’est ainsi qu’il s’appelait, Henric sur Deux Jambes, enseigna aux poissons de la Rivière de Réhoux le secret des maçons et des charpentiers, et des palais commencèrent à pousser entre les eaux de la rivière, effrayant les oiseaux et amenant des foules de poissons de partout à les regarder.
Et tellement fière en était Zentaïde, que même au conseil des poissons elle ne venait plus seule, mais avec Henric toujours elle était à côté. Et Alimina la Juste, en connaissant les caprices des portes entre les mondes, à Henric plein de questions posait pour voir comment c’était arrivé pour qu’il se retrouve dans le monde des poissons. Mais à Zentaïde tout cela ne lui plut pas et le conseil en grand vacarme se finit.
Alimina n’eut pas peur de si peu, car si le voile du ciel venait à se gâter, le monde des poissons tout entier s’aurait été gâté. Et en grand secret elle vint, avec quelques poissons seulement après elle, pour voir par où il était passé. Et lorsqu’elle y arriva, elle trouva une crête de colline avec quelques arbres, des rochers éparpillés et cailloux. Et toute l’herbe dessus était brûlée. Et en son centre, du haut de la voute et jusqu’à la poussière de la terre, le voile du ciel respirait dans la brise de la nuit. Et Henric lui-même chaque soir y venait pleurer ses compagnons et ses enfants.
Grande miséricorde sentit alors Alimina à son égard, car, sans rechigner, les poissons il les avait aidés et eux en retour rien ne lui avaient offert. Et le prit alors avec elle en lui disant que dans son monde de retour elle essayerait de l’amener. Mais lorsqu’Alimina ouvrit les voiles de la Membrane et qu'ensemble passèrent entre ses eaux, grande agitation se fit derrière eux. Zentaïde avait appris qu’Alimina Henric essaierait de le lui enlever et avec de nombreuses gardes et armes elle leur courrait derrière.
Ah, malheur ! Vanité ! Car au nom de l’envie sans modération, Zentaïde avec beaucoup de bruits en les effrayant, entre les mondes elle les bloqua, d’où personne n’y sut retourner. Les gardes d’Alimina au lieu de se frapper et insulter avec les zentaïdiens, par terre se jetaient et maudissaient. Et Zentaïde en apprenant ce qu’elle avait fait, grande tristesse la saisit et devant le voile du monde se mit à pleurer.
Et Alimina et Henric sur Deux Jambes longtemps par le monde des ombres errèrent et par où ils passèrent, ils mirent des signes pour ne pas mélanger leurs pas. La Membrane leur apportait nourriture et eau en abondance en leur montrant le visage des mondes en perpétuel changement. Car, ô merveille, rien ne demeure tel qu’il était, ni dans notre monde des poissons, ni dans celui dangereux et maudit des humains, mais seulement le monde des ombres éternellement bercé dans les bras de la Membrane, seulement lui ne change pas.
Mais comment saurions-nous, les malheureux, vous raconter tout ce qu’ils virent et vécurent entre les mondes, car cette science avec grand secret uniquement parmi les gardiens de la Membrane se trouve. Ce que nous savons, voici, nous vous le disons entier, et avec grande fierté, car Alimina, celle aimée par la Membrane comme un de ses enfants, vit la sortie comme un pan de voile détaché de l’habit du monde et tint parole envers Henric sur Deux Jambes et dans son monde l’amena.
Et avec belle joie celui-là organisa grande fête pour retour parmi les siens, mais Alimina en cachette restait car elle peu de confiance faisait aux autres humains venus en foule pour l’accueillir. Et on dit qu’en grand secret le roi de ce pays elle l’aurait conseillé. Et celui-là à son conseil ne partit pas en guerre, mais quarante années de paix et prospérité à son pays apporta. Et voulut ce roi garder Alimina auprès de lui, car sa sagesse de grand besoin lui aurait été.
Mais Alimina, adieu prenant, dans sa chère Marara revint. Et à son retour, immense joie à son clan elle amena, ainsi qu’une sagesse sans peur et grande connaissance des faiblesses et tromperies des humains. Et les poissons simples partout la saluaient en disant : « Bien revenue Alimine, notre reine, celle bien-aimée par la Membrane ».
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