Ils jouent

Une minute de lecture

Absorbés, tous les deux.

Pris par leur jeu de cailloux, ils en oublient leur faiblesse, le froid qui rôde. Il ne saurait tarder.

Mais ils n'en ont cure. Au centre de leur refuge, entre ces quelques pierres dressées pour les abriter, règne le jeu. L'atout de l'enfant, maître du monde, roi de l'illusion, prince du temps. Rien ne peut l'atteindre dans cette arène hors du règne de l'adulte.

Malgré tout leur dénuement, ici, ils s'occupent, se distraient, savourent l'instant. Ils se posent à même la terre, les pierres. Oh, elles ne sont pas bien vaillantes non plus, cependant, elles leur offrent une assise, un dossier, une ombre protectrice des possibles prédateurs. Le lierre et la crasse les recouvrent, c'est leur coin, leur repère. Ils y sont tranquilles. Chez eux.

Leurs guenilles trahissent leur misère ? Mais leur panier est plein. Ce ne sont que pauvres agrumes ? Mais ils sont si bons et si colorés ! Rien de bien consistant à se mettre sous la dent, pourtant ils restent ensemble. Le troisième compère réfléchit, debout, les yeux dans le vague, grigognant le dernier bout de pain.

Ils ont bien mendié, à grand renfort de mains tendues. Il cèdera la dernière miette à son ami qui attend toujours, assis sagement, tête levée, museau suppliant. Il est trop peureux. Cela fait trop peu de jours qu'il est avec eux. Il ne sait pas encore. Bientôt. Il le faut, il prendra l'habitude et saura qu'ici, on doit parfois s'enfuir, oui, et néanmoins combattre, défendre.

Leur cruche à terre, ébrechée, vide, en témoigne. Leurs souliers, sans semelle racontent leurs cavalcades éperdues devant les plus grands, plus forts, plus méchants. Ils ne tiendront plus longtemps à ce rythme. Il leur faudrait un protecteur, ils n'en ont pas. Lui, le chien, pourrait les aider.

Alors, il mastique en rêvassant ; les autres s'illusionnent en jouant. Il va les rejoindre, c'est toujours mieux que de ruminer, jouer quand on n'a plus rien à manger, jouer quand on n'a plus rien à boire. Même un jeu pour rire, un jeu pour de faux, c'est toujours mieux que le désespoir.

C'est toujours mieux, que rien.

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