6. Miguel
Jamais je n’avais roulé aussi vite. J’avais déposé Lauren à la morgue et filai vers le motel. Le périmètre avait été bouclé, il y avait des gyrophares partout et un attroupement de badauds s’était formé. J’exhibai ma carte afin de pouvoir passer le cordon de sécurité et me précipitai vers le corps sans vie de mon coéquipier. Il gisait comme une poupée grotesque dans une flaque de sang, les yeux grands ouverts. Une amère culpabilité m’envahit, s’il n’avait pas été saoul, il aurait pu se défendre contre son agresseur. J’avais scellé son destin en voulant l’écarter de ma soirée. Comment allais-je annoncer ça à sa femme et sa marmaille ? Aurai-je le courage de leur rendre visite ? Je fermai à jamais les yeux de Miguel. Cette enquête devenait une affaire personnelle à présent. J’inspectai ensuite la scène de crime. Les flics du coin ne devaient pas être formés convenablement, il y avait des empreintes sanguinolentes de chaussures partout.
- Quelqu’un a-t-il pris des photos de la victime avant de pourrir tous les indices, hurlai-je à bout de nerfs ?
Le « non » que je reçus me fit, littéralement, exploser de colère. Je déversai ma morgue sur ces incompétentes lorsqu’un inspecteur m’avoua :
- Eh ! Doucement, petit. Ce n’était pas encore un crime lorsqu’on est arrivé.
Je me retrouvai sans voix. Miguel était vivant lorsqu’il avait été découvert. Ils avaient tout fait pour tenter de le sauver. Radouci, je demandai :
- A-t-il dit quelque chose avant de…
J’en avais vu des morts, mais ça ne m’avait jamais touché personnellement. Le commissaire me posa une main paternelle sur l’épaule et me répondit :
- Il débitait des inepties de mec bourré. Des choses qui n’avaient ni queue ni tête.
Je me maudis intérieurement. Si j’avais été là, peut-être aurais-je compris ce qu’il voulait dire. Je serrai les poings tout en détaillant les alentours. La troupe de vautours amassés à quelques pas, avides de sang me dégoûta. Je m’apprêtais à ordonner qu’on fasse dégager ces badauds lorsque mon regard se posa sur un type que j’avais déjà vu plus tôt dans la soirée. Il était facile à reconnaître avec son teint pâle et ses cheveux argentés coupés court. Il n’y avait aucun doute, ce gars bossait pour M. Mais qu’est-ce qu’il foutait ici ? Il rudoyait une jeune femme, l’entrainant loin de la foule.
Mon esprit de chasseur me souffla que quelque chose se tramait à quelques pas de moi. Tandis que le sbire trainait littéralement la fille vers une ruelle à l’écart, je les pris en filature. J’eus beaucoup de mal à traverser la foule qui me pressa de questions sordides. Je fus donc obligé de jouer des coudes pour atteindre le renfoncement dans lequel le couple s’était engouffré. Je grognai de rage en voyant le type réapparaître. Je ne pus ni le héler ni lui parler. J’étais bien trop loin. Une fois libérés des curieux, je me précipitai vers la ruelle, certain d’y retrouver un nouveau cadavre.
Je fus des plus surpris. Il n’y avait rien. L’impasse était totalement vide. Je fouillai les poubelles amassées là, espérant découvrir ce qui était advenu de la fille, mais sans succès. Elle s’était purement et simplement volatilisée. Mon regard se posa sur un petit tas d’immondices qui ressemblait à des cendres. Une idée stupide me traversa l’esprit, mais je la repoussais avec violence, il est impossible de réduire un corps en poussière si rapidement. Je ne les avais perdus de vue qu’une fraction de seconde. Cependant, mon instinct me soufflait d’en prendre un échantillon. J’ai pour habitude de toujours écouter cette petite voix, donc, aussi idiot que ça puisse paraître, je déposai un peu de ma découverte dans un sac scellé, Lauren m’aiderait certainement à son analyse.
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