9. A l'hôpital
J’ouvris brutalement les yeux, la lumière qui régnait dans ces lieux m’agressa immédiatement. Je me débattis. Où étais-je ? Que s’était-il passé ? J’étais attaché sur un lit, prisonnier de ce monstre ! Une voix calme et paisible se fit entendre à quelques pas de moi.
- Calmez-vous, déclara-t-elle. Vous êtes à l’hôpital. Vous avez fait une crise psychotique. Comment vous appelez-vous ?
Je répondis tout en essayant de faire le point sur ce qui s’était passé. J’avais beau fouiller dans ma mémoire, le seul souvenir qu’il me restait était le bar et la créature qui se cachait sous la peau de M. La dame à mes côtés me posa de nombreuses questions afin de contrôler mon état mental et voyant que j’étais, certes agité, mais totalement cohérent, elle consentit à me détacher. Je me redressai immédiatement et exposa la pensée qui hantait mon esprit depuis mon réveil :
- Comment suis-je arrivé ici ?
Elle me raconta que je déambulais dans les rues de Paradise Corner. Une sorte de paranoïa aiguë me poussait à hurler comme un dément. Je menaçai quiconque m’approchait plaçant mes bras devant moi comme si je tenais une arme à feu. Je n’avais pas le moindre souvenir de cet épisode, on aurait dit que quelqu’un d’autre avait été aux commandes de mon corps durant ces heures. Une seule certitude ne cessait de revenir dans mon esprit : M y était pour quelque chose. Je cherchais des yeux mes effets personnels :
- Où est mon arme de service ? demandai-je.
La jeune femme m’avoua que j’avais été trouvé sans aucun pistolet et encore heureux, car je l’aurai clairement utilisée durant ma folie.
***
Je bataillai de longues heures durant avec le médecin afin qu’il accepte de me laisser quitter l’hôpital. Le jour déclinait lorsque je pus enfin sortir. Deux jours ! J’avais perdu deux jours entre folie et lamentations. Il fallait que je me reprenne, que je boucle cette enquête avant de sombrer définitivement dans la démence. Mon esprit cartésien avait analysé ces dernières heures et j’étais parvenu à la conclusion suivante : j’avais tout inventé ! Le dossier, la visite au Paradis Perdu, rien de tout ça n’était réel !
Tandis que je purgeai mes poumons de l’air chargé de mort et de produit chimique à grand renfort de nicotine, mon regard capta un type suspect. L’homme regardait partout autour de lui avant de s’engouffrer dans une ruelle sur le côté de l’hôpital. Mon instinct de chasseur reprit brusquement le dessus et je décidai de le suivre. Je surpris alors une étrange transaction : l’inconnu frappa à une porte et une infirmière en sortit, lui tendant un petit sac. C’était le moment d’agir. Je quittai mon poste d’observation pour dévoiler ma carte officielle et déclarer :
- FBI ! Agent Ambrose. Puis-je savoir ce que vous faites ici ?
L’homme paniqua, tournant un regard effrayé vers moi, mais la femme ne se laissa pas impressionner. Elle chuchota quelques paroles réconfortantes à son client puis me toisa d’un air de défi et avoua avec une simplicité déconcertante :
- Livraison de sang frais pour ce vampire. C’est le moins que l’on puisse faire pour les protecteurs de notre ville.
Le docteur avait peut-être raison, mon cerveau n’était sans doute pas intégralement remis ! Je m’approchai du couple et malgré tous mes efforts pour essayer de trouver les mots que mon ouïe avait mal analysés, je ne parviens pas à décoder la phrase qui avait été prononcée. Ma raison poursuivit alors sa folie ; et si les paroles proférées étaient bien celles que j’avais comprises ? Le sac contenait bel et bien une poche de sang frais ! Je me tournai vers l’infirmière et lui dit d’un ton chargé de reproches :
- Vous êtes-vous déjà demandée combien de blessés meurent à cause de votre trafic !
Elle me dévisagea avec un sourire amusé.
- Laissez-moi deviner, déclara-t-elle ; vous venez d’arriver en ville ? Vous n’êtes pas encore au courant que la majorité de la population donne régulièrement leur sang afin de subvenir aux besoins des hôpitaux et également fournir les créatures qui protègent notre cité. C’est notre façon de les remercier pour les services qu’ils rendent : taux de criminalité quasi inexistant.
Je me trouvais soudain stupide, incapable de contrer cet argumentaire. Je gardai le silence une longue minute, essayant d’analyser les informations qui chahutaient mon esprit. L’infirmière s’excusa et, prétextant qu’elle avait du travail, retourna dans les locaux. L’inconnu profita de mon mutisme pour s’éclipser à son tour. Je restai là, les bras ballants, incapable de comprendre ce qui se passait dans cette ville.
***
Je pense que je perdis totalement la raison en rentant au Motel. Le dossier d’Elizabeth Sue était posé sur la table, mon arme de service juste à côté. Une lettre de M accompagnait le tout. Le colosse s’excusait de ce qui s’était passé au Paradis Perdu. Il jurait qu’il ferait tout pour m’aider dans mes investigations. Il m’exhortait de faire analyser le cadeau qu’il avait ajouté à la missive et de fouiller le passé d’un type dénommé Gilles Moore. Je restais des heures à contempler ce morceau de griffe sombre tout en me demandant de quel animal il pouvait provenir. Mon esprit ne cessait de me susurrer des choses qui dépassaient l’entendement. Je finis par pousser un soupir résigné : et si finalement toute cette histoire incroyable était vraie.
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