Don't mind me
" Je veux plus, beaucoup plus. Je le lui ai dit, pourtant, pensa Sophia en s’essuyant les mains. Il n’a pas compris. ça m'est égal. Il n’avait qu’à mieux écouter."
Oui, Alex aurait dû écouter. Le râle de Sophia pendant l’étreinte. Ses pas sur le parquet en bois ciré. Le subtil grincement du tiroir dans la cuisine. Le chuintement du matelas lorsque Sophia le chevaucha une seconde fois. Grisé par le désir et la perspective de se sentir à nouveau en elle, il n’entendit pas la profonde inspiration qu’elle prit avant de lui enfoncer violemment le couteau dans le ventre.
Sophia, elle, avait prêté l’oreille. La respiration apaisée d’Alex après l’amour. Le froissement du drap qu’il remonta sur son épaule. Le robinet qui gouttait dans la salle de bains. Le déchirement feutré des chairs abdominales. Le cri de surprise et de douleur. Le contact de la lame qui heurtait les côtes. L’écoulement du sang épais jusqu’au sol. Le grincement des mâchoires de son dernier amant.
Alex tenta de se débattre, mais déjà la lame le transperçait à nouveau, déchirant l’aorte.
Le silence se fit. Un silence presque parfait. Sophia n’avait plus qu’à prendre ce qui lui revenait.
"Ne m'en veux pas. J'ai seulement besoin de ce qui m'est nécessaire."
Elle glissa ses doigts dans la plaie béante, plongea sa main dans l’abdomen de celui qui gisait, sentit avec délectation la chaleur des organes, leur consistance molle et la viscosité du sang. Elle souleva presque délicatement les intestins, renifla leur odeur âpre, tandis que l’hémoglobine gouttait de son poignet. Sophia relâcha sa prise, concentrée sur son prochain objectif. C’était le cœur qu’elle voulait, et elle irait le chercher.
La main de Sophia pénétra encore un peu plus profondément dans le tronc, ses doigts se faufilèrent parmi les tissus jusqu'à atteindre le poumon, qu'elle souleva puissamment. Elle y était. Une jubilation intense l'envahit : Sophia tenait désormais le coeur de l'Autre au creux de sa paume. Elle l'y garda quelques instants, les sens à vif. Puis elle se retira.
"Aimer n'est pas un crime, se dit-elle, le criminel est celui qui n'aime pas assez".
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