Chapitre 3.
La lumière m'aveugle, c'est très désagréable. Je tends ma main libre devant mon visage pour faire barrière. Je cligne des paupières. Une fois que j'arrive enfin à me faire à cette soudaine clarté, je baisse mon bras et apprécie de mieux voir mon environnement. Je ne traîne pas. Je reprends le fil de ma marche en allant tout droit vers l'une des deux fenêtres de la pièce. Il y a dessous un fauteuil sur lequel je prends appuie en m'aidant de mon genou gauche. Ainsi, j'arrive à accéder aux rideaux et à les écarter de mes mains gantées.
Je veux être sûr d'être tranquille. Je ne souhaite aucune mauvaise surprise. Il est hors de question de me faire avoir, car j'aurai manqué de prudence.
Pour l'instant, je peux rester détendu, rien a bougé. Ma voiture se confond avec les autres du voisinage. Personne ne peut se douter que celle-ci n'ait rien à faire là. Sa couleur noire la rend banale. Elle est parfaite pour ce que j'en fais. Principalement de la surveillance, où plutôt, de l'espionnage. J'épie, je décrypte, je prends note de tout ce qui se passe pendant des jours avant de me décider d'aller voir mes victimes. En vérité, cette bagnole est comme ma seconde maison. C'est là aussi que je stock tous les matériaux que je ne peux pas ramener dans mon vrai lieu d'habitation. Faut dire que je me vois mal faire des allers-retours avec des grands sacs poubelle, des couteaux, de l'eau de javel, du scotch, des vêtements de rechange, et tout un tas d'autres choses sans que ça ne paraisse un brin suspect. Tout ça pour dire qu'il n'y a qu'un chat noir qui se balade sur le trottoir tout près.
Il a l'air d'aimer la voiture rouge juste devant la mienne, car il part se frotter plusieurs fois sur les roues côtés conducteur. Il s'éclipse ensuite par-derrière le véhicule, de sorte que je ne le vois plus. Du coup, au lieu de continuer à regarder un animal qui n'est plus là, je détourne mon attention pour scanner les alentours. J'ai l'impression de régner sur la ville en étant le seul debout.
Mon regard est attiré par un lampadaire. Le seul qui illumine le coin. Il est au bout de la rue, assez éloigné de là où je suis, et son ampoule vacille. À moins que je ne me trompe, il ne tiendra plus très longtemps.
Dans la nuit, des warnings se mettent à clignoter. Je cherche d'où ça vient en revenant vers la file d'automobiles, car cela attire l'attention. Et merde ! Il fallait que ça soit les miens. Je jure à voix basse. Distrait par la fameuse ampoule, je n'ai pas vu le chat bondir sur mon capot. Celui-ci est en train de tourner en rond dessus pour trouver comment s'allonger. Serait-il en train de me narguer ? En vérité, il me fait super chier. J'ai une envie subite de lui tordre le cou. Ce bâtard de chat a créé un contre-temps que je n'ai pas prévu. J'enrage et pince ma lèvre avec mes dents. J'espère pour lui que personne ne s'en est rendu compte. Pour en être sûr, je rejette un œil sur chaque fenêtre que je peux voir d'ici. Je veux observer si une lumière qui était éteinte plutôt s'allume. Après constat, je lâche le rideau, il vient à nouveau recouvrir la vitre. Je cherche ma clef dans ma poche droite de pantalon sans plus de panique, mais cet épisode m'a contrarié. Lorsque je l'ai, je la sors et écarte le voile.
J'appuie sur le déverrouillage centralisé. Ça ne marche pas. Je fulmine. Je suis sûrement trop loin de mon véhicule. L'autre fenêtre étant plus près, je choisis d'y aller. Là, pas de mobilier pour me gêner. Je réitère ma démarche. Cette fois, ça fonctionne. Les clignotants simultanés s'arrêtent. Je suis content d'avoir réussi.
Putain, mais quel con de chat ! Heureusement, que j'avais eu l'initiative de trafiquer l'alarme pour qu'elle ne se déclenche pas.
Lorsque j'ai résolu mon souci, je vérifie la bonne fermeture de la fenêtre. Je me retourne et envisage de quitter la pièce avant de devoir y revenir tout à l'heure.
Je fais d'abord un petit détour par le meuble de la télé. Je l'ouvre. Je récupère la lampe-torche que j'avais dissimulée là lors de ma dernière visite. Par chance, elle est n'a pas bougé. C'est comme si, elle avait toujours été là. Comme si c'était sa place. Je pars éteindre la petite lampe et l'allume. Il fait tout de suite plus noir, exception faite de la partie éclairée par le faisceau lumineux. Je distingue où je dois aller pour retourner à mon point de départ avec moins de difficultés. Je continue de marcher sans bruit. Un félin, je crois ne saurait être plus furtif que ne le suis. En fait, si je repars là-bas, c'est parce que je n'en ai pas terminé. J'ai besoin d'autres bricoles dont je ne peux pas me passer.
La vie n'a pas était assez correcte avec le genre humain. Elle ne l'a pas conçu avec assez de membres pour faire tout en une fois. Ce qui contraint à mon sens, à une perte de temps supplémentaire.
Pour être plus libre de mes mouvements, je dépose tout ce que j'ai, ma corde et ma lampe, sur un tabouret entourant l'îlot central. Dessus, se trouve une tasse à café vide, un sachet de thé et un pot de sucre roux. Me viens alors en image dans ma mémoire, ma belle Clémentine et cette habitude hebdomadaire. J'avais noté qu'elle en buvait toujours avant de se coucher puis attendait le lendemain matin pour tout remettre au propre.
Je m'oriente près des tiroirs. Le premier contient des couverts. J'en prends une partie que je mets dans un chiffon que je trouve suspendu à la porte du four. Je fais un nœud basique, simple, ainsi impossible d'en perdre. Je les case dans ma poche arrière. Je jette un coup d’œil au réveil que j'ai laissé tout à l'heure. Trente minutes sont déjà passées. Je n'en reviens pas que le temps file à cette vitesse. J'aimerais avoir ce pouvoir de savoir le maîtriser. Si je pouvais, j'en profiterais pour rallonger la nuit et éloigner le début du jour. Ainsi, je jouirai plus de ma captive et assouvirai toutes mes sombres pulsions.
Je dois me dépêcher d'aller de la rejoindre. Je passe une main dans mes cheveux, lève la tête, visualise mon reflet dans une des vitres qui compose les meubles de la cuisine et pense au mari. L'éclat meurtrier que j'aperçois dans mes yeux me plaît. Je m'imagine sa détresse en me voyant faire son pire cauchemar. Je visualise ses prières et après son corps ensanglanté. Je souris et reprends mes esprits.
J'ai un tout dernier impératif avant de m'annoncer. Je me saisis de deux autres verres d'une main et reprends mon attirail de l'autre. Je me barre vers les autres pièces du rez-de-chaussée contenant encore des ouvertures. Je ne dois pas en oublier. Je file du couloir au bureau en empruntant un stylo, puis passe par la bibliothèque et les places devants les fenêtres.
J'observe les différentes piles de livres. De ma main disponible, je sélectionne le plus abîmé. Si je ne me trompe pas, ce doit être le préféré de ma victime féminine. Manipulé tellement de fois qu'il en a gardé des traces. Je m'aide de mon poignée pour faire une sorte de support pour le dédicacer et le remets à sa place. Se sera un autre de mes cadeaux privilégiés.
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