Chapitre 15 Un retour possible ? - Partie 2
La jeune femme s'agenouilla et enfonça ses mains dans le sable mouillé. Elle préférait avoir un contact direct avec la matière pour réaliser un sort de cette envergure. Le sable tressaillit autour d'eux, comme si une vague l'avait parcouru, puis s'assombrit sur la surface d'un cercle de moins de deux mètres de diamètre. Hank sentit sous ses pieds que le sable avait changé de consistance. Il était maintenant dur comme de la pierre, suffisamment solide pour les porter tous les deux. Il y eut un craquement et la plateforme sur laquelle ils se tenaient commença à s'élever.
La tâche était ardue pour Sin fo. Elle devait à la fois maintenir la densité de la plateforme afin d'éviter que Hank et elle ne passent au travers, et mettre en mouvement suffisamment de sable pour les soulever jusqu'à la surface. Hank pouvait lire sur le visage de sa compagne combien elle était concentrée. Mais il était loin d'imaginer ce que cela lui coûtait. Pour accomplir un acte magique aussi poussé, elle ne pouvait se contenter des effluves magiques présentes autour d'elle, surtout dans un endroit aussi désolé et dénué de toute vie, animale ou végétale. Elle devait puiser dans ses propres forces vitales, si bien que chaque seconde qui passait l'éprouvait un peu plus.
Son front était en sueur, tous ses muscles étaient tendus, et une douleur diffuse lui parcourait tout le corps. Elle ne pourrait plus tenir son incantation beaucoup plus longtemps. Soudain elle sentit qu'il faisait plus frais, et aussi plus humide. Elle ne voulait pas lever les yeux pour ne pas se déconcentrer, et elle n'en eut pas besoin, car Hank lui dit doucement :
– Nous traversons les nuages. Tiens bon Sin fo nous y sommes presque.
– Prépare-toi à sauter quand je te le dirai.
– Sauter ? Mais pourquoi ?
– Fais ce que je te demande et ne me pose plus de questions je t'en prie.
Rapidement une masse sombre se dressa devant eux. Enfin ils émergèrent de sous les nuages et se retrouvèrent en pleins soleils. En face flottait une île verdoyante, avec une étendue d'herbe s'avançant depuis un bosquet d'arbres jusqu'au bord de la falaise. Sin fo fit s'élever la colonne de sable encore quelques mètres, puis elle cria :
– Saute !
Hank s'exécuta sans réfléchir. Sin fo sortit ses mains du sable dès qu'il ne fut plus sur la plateforme. Elle n'eut que le temps de sauter à son tour avant que la plateforme ne se désagrège, et que la colonne de sable ne retombe sous la voûte des nuages. Elle heurta le sol herbeux au bord de la falaise et roula sur elle-même avant de s'immobiliser à côté de Hank. Celui-ci s'était déjà relevé, mais la jeune femme resta étendue, les bras en croix, la poitrine se soulevant au rythme de sa respiration saccadée, exténuée par l'effort qu'elle venait d'accomplir. Hank se posta au dessus de la tête de Sin fo et s'accroupit. Il approcha son visage de celui de la jeune femme et l'embrassa avant de lui dire :
– Tu es formidable, tu nous as ramenés au pays.
Sin fo sourit et lui caressa la joue du plat de la main, puis elle laissa retomber son bras, et ne bougea plus pendant de longues minutes. Hank se redressa et regarda autour de lui. Le paysage ne lui évoquait absolument rien. Bien sûr, la végétation pouvait avoir changé en cinq ans, mais il en était presque sûr, cette île n'était pas celle sur laquelle il avait tué Reg'liss. Il poussa un soupir de soulagement. Sin fo s'en rendit compte et lui demanda :
– Tout va bien ?
– Oui oui, ne t'inquiète pas.
– Que regardes-tu comme cela ?
– J'essaie de savoir où nous sommes, prétendit Hank en mettant une de ses mains en visière. J'espère que cette île n'est pas vierge.
– Tu plaisantes ? Presque toutes les îles de Vadkraam sont habitées.
– Quoi ? Depuis quand ?
– Depuis longtemps ! Ah, mais peut-être qu'à ton époque, ce n'est pas le cas.
– Écoute Sin fo, je ne suis pas encore très à l'aise avec cette théorie de voyage dans le temps, alors s'il te plaît, évitons d'en parler avant d'en être totalement sûrs.
Sin fo fit la moue et se redressa en prenant appui sur ses coudes.
– Très bien, alors ne perdons pas de temps. En route pour Incuna, et là je pourrai te prouver que j'ai raison.
Elle se releva lentement, et ses jambes chancelantes manquèrent de la faire tomber à la renverse, mais Hank la rattrapa à temps.
– Tu es sûre que ça va ?
– Oui, ne t'en fais pas. J'ai simplement besoin de repos. Cela tombe bien, les soleils se couchent. Passons la nuit ici.
– Tu as raison, il fait déjà presque nuit. Pourtant il ne doit pas être plus de midi dans le monde des revanis. J'avais déjà remarqué ce décalage il y a cinq ans. Tu ne trouves pas ça étrange ?
– Je t'avoue que ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus à l'heure actuelle. Nous parlerons de cela demain si tu le veux bien.
À peine eut-elle fini sa phrase que sa tête se posa doucement sur l'épaule de Hank, et elle s'endormit. Il l'allongea dans l'herbe en prenant garde à ne pas la réveiller, puis il fouilla son sac à la recherche d'une couverture. Il lâcha un juron à voix basse en réalisant que toutes ses affaires étaient détrempées par son séjour dans l'eau, et que celles de Sin fo avaient subi le même sort. Fort heureusement, une partie de leurs provisions avaient été protégées par l'étanchéité des boites dans lesquelles elles étaient stockées, mais ce n'était pas le cas de tous leurs vêtements. Hank entreprit donc de trouver des branches sèches pour faire rapidement un feu, afin que Sin fo ne prenne pas froid. Lui-même sentait ses habits humides lui coller à la peau et il ne put s'empêcher de frissonner. Les nuits étaient fraîches sur Vadkraam, et maintenant que deux des trois soleils avaient glissé sous l'horizon, la température avait déjà chuté de plusieurs degrés.
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