Chapitre 24 Les hembras - Partie 3
Ils avaient pris le même chemin qu'à l'aller. La nuit déclinait, et l'hembra tourna le regard vers le lac au moment où le premier des trois soleils l'éclairait de ses rayons. Il s'arrêta net et saisit Hank par l'épaule.
– Hé, qu'est-ce que vous faites ?
– Cette île, d'où vient-elle, demanda fébrilement l'hembra.
– Quoi ?
– Cette île n'a jamais été là, s'impatienta-t-il, et hier soir encore il n'y avait rien au centre du lac, alors d'où vient cette île ?
– C'est ma femme qui l'a fait apparaître.
– Comment ?
– Vous vous fichez de moi ? De la même manière que le petit a enflammé son bâton j'imagine. C'est vous qui êtes calés pour ces choses-là.
– Vous êtes capables de maîtriser les forces de la nature ?
– Moi non. Personne d'autre en fait, il n'y a que Sin fo. Je ne comprends pas que ça vous surprenne à ce point, vous devez être habitués à ce genre de choses.
– La maîtrise des forces de la nature est un art séculaire hembra. Jamais les humains n'y ont eu accès.
– Il faut croire que certains ont réussi, répliqua Hank.
– D'où tient-elle son pouvoir ? Dites-moi ce que vous savez d'elle.
– Dites donc mon vieux, j'ai décidé de vous faire confiance, mais il y a tout de même des limites. Si vous voulez savoir quelque chose sur Sin fo, demandez-lui. Je refuse de vous raconter ce qu'elle voudrait peut être garder secret.
– C'est très important !
– Ça devra attendre qu'elle veuille bien vous adresser la parole, trancha Hank. Nous arrivons au camp de toute façon. Votre problème le plus grave pour le moment est de savoir si mes amis partageront mon sentiment vous concernant.
Au vu de leurs visages surpris et des regards qu'ils lui lancèrent, les amis de Hank n'étaient pas d'accord avec sa décision de relâcher l'hembra. En passant devant Maxou, il lui demanda de réunir tout le monde à l’abri le plus vite possible. Hank rentra le premier dans la hutte de pierre, afin que Tabatha et Jacob n'interprètent pas mal le fait que l'hembra soit libre de ses mouvements. Il leur expliqua la situation en quelques mots, puis il fit entrer l'hembra et tous les petits, ce qui provoqua un vacarme incroyable. En voyant leurs parents attachés, les petits se mirent à pleurer, et les parents hurlèrent dans les deux langues qu'on les libère et qu'on ne fasse pas de mal à leurs enfants. Hank dut pratiquement hurler pour couvrir le tumulte. Dès que tout le monde se fut tu - ou tout du moins les adultes, car certains petits avaient redoublés leurs cris - Hank demanda si tout le monde le comprenait, et comme c'était le cas, il enchaîna :
– Écoutez-moi tous. Je comprends ce que vous ressentez. Rassurez-vous, aucun de vos enfants n'a été blessé. Nous allons vous détacher, si vous me promettez de vous tenir tranquilles.
Hank laissa passer un silence, et comme personne ne dit rien, il poursuivit :
– Comme vous le voyez, l'un des vôtres est déjà libre, ce qui prouve ma bonne foi. J'aimerais que vous restiez dans cet abri pour le moment. Votre ami vous donnera les détails. Je vais vous faire porter de l'eau et de la nourriture.
– Nous sommes toujours vos prisonniers ?
– Disons que vous êtes nos invités permanents jusqu'à nouvel ordre.
Hank sortit de la hutte en laissant le soin à Tabatha et Jacob de libérer les hembras. Comme d'habitude, Tabatha s'exécuta en râlant, et Jacob sans rien dire. Un des hembras interpella Jacob :
– Eh toi le grand chauve, on va rester là longtemps ?
– Jusqu'à nouvel ordre.
– Ça j'avais entendu. Il va falloir l'attendre longtemps ce nouvel ordre ?
– Jusqu'à ce qu'on ait décidé quoi faire de vous.
– C'est à dire ?
– C'est à dire si on vous autorise à rester là, où si on vous chasse de l'île à coups de pieds au cul, répondit Jacob en haussant le ton.
Tabatha commença par sourire en l’entendant jurer, mais son sourire s’effaça quand elle vit son visage rigide.
– On a notre mot à dire, tu ne crois pas, continua l’hembra.
– Vous avez choisi de livrer bataille, et vous avez perdu. Donc non, vous n'avez plus votre mot à dire.
– Qui es-tu pour parler de la sorte ? Un soldat ?
– Ma vie ne te regarde pas.
– Pourquoi es-tu sur la défensive ? J'ai raison, c'est ça ? Et la petite blonde, c'est ta fille ?
Jacob s'approcha de l'hembra, le souleva du sol, défit ses liens et le plaqua contre le mur.
– Tu ne parles pas d'elle, tu ne lui adresses pas la parole, tu ne la regardes même pas, c'est compris ?
L'hembra hocha plusieurs fois la tête avant que Jacob ne le rejette par terre. Ce dernier s'éloigna ensuite en direction de Tabatha et la prit par le bras.
– Que fais-tu ?
– J'en ai assez d'exécuter les basses besognes de Sin fo et Hank.
– Mais... Les hembras ?
– Qu'ils se débrouillent entre eux.
Jacob traîna Tabatha jusqu'à la sortie. Là, ils tombèrent nez à nez avec Hank.
– Jacob, où allez-vous ?
– Écarte-toi.
– Quoi ?
En un éclair, Jacob lança son poing et frappa Hank au visage. Déséquilibré par le choc et la surprise, celui-ci tomba à plat ventre. Tabatha se défit de l'emprise de Jacob et aida le jeune homme à se relever. Ce dernier porta ses doigts au filet de sang qui coulait de sa lèvre fendue. Tout le monde regardait Jacob comme s'il s'agissait d'un autre, un homme dangereux qu'ils n'avaient jamais vu.
– Jacob, mais qu'est-ce qui te prend, demanda Tabatha avec un sanglot dans la voix.
– Je ne les supporte plus, lui et sa femme, répondit Jacob avec un revers de bras. Ils se croient supérieurs, mais je n'ai pas d'ordres à recevoir d'eux.
– Calmez-vous Jacob, tenta de l'apaiser Hank. Nous sommes amis.
– Nous ne l'avons jamais été, aboya Jacob. Je n'ai pas confiance en toi gamin ! Tabatha, tu viens avec moi, on s'en va.
– Non.
– Viens je t'ai dit !
– Non. Tu me fais peur, Jacob. Je veux rester avec Hank.
Une nouvelle fois, la main de Jacob fendit l'air et vint s'abattre sur la joue de Tabatha.
– Cet homme est dangereux ! Je ne te laisserai pas avec lui !
Il voulut l'attraper par le bras, mais Hank l'en empêcha.
– Ne te mêle pas de ça. J'ai été chargé de prendre soin de cette petite, et c'est moi qui prend les décisions la concernant.
– Je ne vous laisserai pas l'emmener Jacob. Vous n'êtes même pas capable de la protéger contre vous-même.
Jacob lança son poing, mais Hank l'évita.
– Je ne veux pas me battre avec vous Jacob.
Pour seule réponse, Jacob s'élança de tout son poids contre Hank et le projeta dans l'herbe un peu plus loin. Jacob avait frappé fort, et le jeune homme était épuisé par les événements de la nuit passée, aussi se releva-t-il difficilement avant de s'avancer d'un pas résolu vers Jacob. Il le saisit par le col et le cogna à la mâchoire. Jacob lui cracha au visage et lui mit un coup dans les côtes. Ils échangèrent ainsi une série de coups de poing jusqu'à être tous deux essoufflés. Le jeune homme courut en direction du paladin, le percuta à la poitrine, le passa par dessus ses épaules puis le jeta au sol, où il s'écrasa lourdement. Il lui tendit ensuite sa main pour l'aider à se relever en lui demandant s'il était calmé, mais Jacob le repoussa. Il se redressa, regarda Hank avec un œil assassin, puis s'éloigna en silence en brisant le cercle formé par les habitants du camp sans accorder un regard à Tabatha.
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