Chapitre 36 Puissances néfastes - Partie 3
Avant que Hank n'ait pu trouver de meilleur argument, Sin fo plaça ses mains comme l'hembra l'avait fait et se concentra. Lorsqu'elle ouvrit son esprit, elle ressentit les flux de toutes les personnes présentes dans l'auberge. Elle fronça les sourcils et se replia pour ne toucher que l'esprit de Tabatha. Comme lorsqu'ils l'avaient récupérée trois jours auparavant, l'esprit de Tabatha ressemblait à une boule de lumière enveloppée d'une aura sombre. La différence était que la part ténébreuse s'était considérablement élargie, et qu'il ne subsistait plus qu'une petite parcelle de lumière. L'esprit de Tabatha était sur le point d'être totalement absorbé par celui du maître des djaevels.
Sin fo devait agir vite. Elle concentra tout d'abord son esprit sur celui du sorcier, mais elle comprit vite que c'était une erreur. Loin de ses djaevels, avec Tabatha comme seul point d'ancrage, la présence de l'esprit maléfique était moindre, mais elle restait oppressante. Le sorcier profita de l'incursion de Sin fo pour tenter d'élargir son emprise. L'énergie sombre sembla envahir toute la pièce et Sin fo sentit que son esprit était attaqué de toutes parts.
Elle changea donc de tactique. Au lieu de s'attaquer à l'esprit du sorcier, elle se concentra pour protéger celui de Tabatha. Elle n'avait pas besoin de détruire complètement l'esprit du maître des djaevels, seulement le lien qui l'unissait à Tabatha. Sin fo se focalisa donc sur la petite bulle lumineuse au milieu de ce flot de ténèbres. Elle répandit sa propre énergie autour de celle de Tabatha et s'efforça de modeler le flux de telle sorte à envelopper l'esprit de la petite princesse.
Quand elle pensa y être parvenue, elle projeta un maximum d'énergie pour repousser l'esprit du sorcier. Elle sentit que celui-ci résistait, refusant de lâcher son emprise sur Tabatha, alors elle libéra toute l'énergie dont elle disposait. Son adversaire était plus fort, mais Sin fo avait l'avantage de n'avoir son esprit focalisé que sur Tabatha. Le sorcier de son côté devait gérer des centaines de milliers d'esprits à travers le royaume et ne pouvait accorder qu'une infime partie de son attention à ce duel. Sin fo profita de cet avantage pour faire voler en éclats le flux de magie du maître des djaevels.
L'esprit du sorcier flotta encore dans l'air quelques instants avant de disparaître dans le néant. Les flammes des bougies accrochées au mur vacillèrent comme sous l'effet d'une bourrasque, puis la lumière revint. Sin fo tomba à genoux, éreintée par l'effort mental qu'elle venait de fournir. Hank s'approcha par derrière et posa une main sur son épaule, avant de se raviser. Sin fo attrapa la main de son mari, la remit à sa place et cala son visage dessus. Un sourire sur les lèvres, Hank caressa les cheveux de sa femme et lui demanda :
- Tu ne vas pas tenter de m'arracher le bras ?
- Honnêtement, je n'en ai plus l'énergie. Et je n'ai pas fait tous ces efforts pour te sauver pour ensuite te tuer de mes propres mains.
- Ça me touche vraiment ce que tu me dis là, plaisanta Hank.
Il regarda Tabatha quelques secondes en silence. La princesse avait fermé les yeux et son visage paraissait plus serein.
- Tu as réussi, demanda-t-il à Sin fo. Tu as pu la guérir ?
- Je l'ai libérée de l'emprise du sorcier, mais je ne peux rien faire de plus. J'ai sauvé son esprit, mais son corps est encore très faible. Peut être pouvez-vous prendre le relais, questionna Sin fo en se tournant vers Deac’yamp.
L'hembra s'avança et prit la main de Tabatha. Il usa de son pouvoir pour un rapide diagnostic.
- Son état est sérieux, mais pas inquiétant. Elle est simplement fatiguée et sous-alimentée. C'est comme si elle n'avait pas mangé ni dormi pendant plusieurs jours.
- C'est bien ce que je craignais. N'y a-t-il rien que vous puissiez faire ?
- Elle n'est pas malade, ni blessée, mon don est donc inefficace.
- Impossible, votre pouvoir vous permet quasiment de réaliser des miracles. J'en suis la preuve vivante, et il en est de même pour Hank.
- Vous étiez à l'article de la mort alors, et mon don était l'ultime recours. Il est parfois préférable de laisser la nature faire son œuvre.
- Vous proposez de la laisser mourir, s'offusqua Hank.
- Bien sûr que non, je propose de la laisser guérir par elle-même. Son corps n'en sera que plus résistant. Je veillerais sur elle bien sûr, mais il ne devrait pas y avoir de complications. Laissons-la dormir pour le moment, elle en a bien besoin. Nous la nourrirons plus tard.
- Ne pourrions-nous pas la ramener chez nous ? Nous pourrions ainsi la surveiller jour et nuit, sans déranger Roussel.
L'aubergiste, qui avait entendu cette dernière remarque, tenta de se défendre :
- Je n'ai jamais dit que vous me dérangiez. J'ai peut être haussé le ton tout à l'heure, mais vous pouvez rester...
- Ça va, le coupa Hank. Sin fo a raison. Tu en as fait assez l'autre jour en accueillant tous les blessés, et en sacrifiant tout ton mobilier et la moitié de tes réserves.
- Ce n'était pas grand chose par rapport à ce que toi tu as fait.
- Ce n'est pas le moment d'en parler.
- Tu m'en veux toujours de ne pas t'avoir...
- J'ai dit que je ne voulais pas en parler. Ce n'est pas de moi dont il est question, mais de Tabatha. Elle sera mieux dans un lit que sur une table dans ta cambuse, c'est tout.
Sans attendre de réponse, Hank contourna sa femme pour se placer sur le côté de la table sur laquelle Tabatha était allongée, et la souleva en plaçant une main sous ses épaules et l'autre dans le creux de ses genoux. Bien qu'il l'ait prise en douceur, la petite princesse ouvrit les yeux et sourit faiblement en le voyant.
- Salut, dit-elle dans un souffle.
- Salut, répondit-il à voix basse. Comment tu te sens ?
- Claquée. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Je te raconterais, rendors-toi. On t'amène chez nous.
- Je préfère aller chez moi s'il te plaît.
- À tes ordres princesse.
- Hank, tu peux demander à Maxou de venir ?
Hank hésita une seconde, mais n'eut pas à trouver une réponse car son amie s'était déjà rendormie. Il la souleva un peu plus et lui cala la tête contre son épaule. Il fit un petit signe de tête à Sin fo, qui se releva et accompagna son mari au dehors.
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