Avant que je vous conte la première histoire, rendez-moi un service. Pourriez-vous déplacer mon canapé à côté de mon beau miroir ? Ne vous faites pas prier. Appréciez toutes les facettes. S’il pouvait parler, il vous raconterait sans hésiter combien de fois il a rêvé de poser ses mains sur moi. J’ai le sentiment qu’il n’est pas le seul. Vous voudriez en faire autant ? Pour vous accorder un tel plaisir, vous allez devoir vous montrer plus convaincants. Il ne suffit pas de me flatter ou de me dévorer des yeux comme vous le faites. Je suis de ces femmes insatiables et votre appétit ne pourra jamais satisfaire ma gourmandise. Il ne suffit pas d’être équipé de la plus belle des hampes pour espérer que mes lèvres s’abandonnent aussi aisément. Vos membres peuvent se dresser et je peux les dédaigner sans aucun scrupule. Ne faites pas cette mine déconfite. Voyons si vous êtes encore ici, qui sait, aurez-vous peut-être une chance ? Pour l’heure, laissez-moi vous bander les yeux que je puisse commencer.

Dans le miroir, Psyché ne voyait qu'elle et les fantômes de ses amours passés. Ceux qui l'avaient meurtrie et tout simplement abandonnée. Sur son visage de porcelaine, un rouge carmin dessinait l'amertume. Elle avait souffert et versé tant de larmes. L'image renvoyée par la glace était celle de son désespoir. Son cœur était froissé. Tant d’échecs, tant d’hommes sans intérêt. Ils avaient joué avec son innocence puis l’avait laissé se flétrir. Une nuit d'été, elle décida qu'il en serait autrement. Dorénavant, c'est elle qui aurait le pouvoir et ceux qui croiseraient sa route deviendraient des amants sans lendemain. Prendre leur vie aurait été trop facile, elle préférait les abandonner au petit matin. Seul souvenir : une nuit de plus qu'ils quémanderaient pour l’éternité.

Sur sa coiffeuse, une invitation était déposée. Sur le bout de papier cartonné se trouvait l’adresse de son terrain de chasse. L’obtenir avait été un jeu d’enfant. Le pauvre bougre qui avait croisé sa route l’avait suppliée de ne pas le laisser dans une telle posture. Avec son sourire d’ange, elle s’était contentée de jeter les clés à quelques centimètres de la cellule où il croupissait. C’est ainsi qu’elle l’avait remercié. Pour l’heure, son seul désir serait de participer à cette réception. Le site et le thème étaient des plus propices : derrière le miroir. Ses pensées voyagèrent de sa chambre à cette ambassade qui l’accueillerait dans moins d’une heure. Un sourire s’esquissa sur ses lèvres ourlées d’un rose tendre. Sa robe rouge pourpre en évidence sur le chevalet la narguait. Elle hésita et préféra celle en dentelle noire. Son décolleté serait du plus bel effet. Un hameçon où ils viendraient tous s’accrocher. Au chaud dans son bustier, ses deux mamelons attendaient d’être libérés. Délicatement avec ses mains, elle les caressa, s’attardant sur le bouton qui pointait. Le tissu soyeux dessinait à la perfection le galbe de sa poitrine. Sentant les prémices de son plaisir l’envahir, ses mains glissèrent le long de ses hanches pour ajuster sa robe. Psyché saisit son manteau, elle était prête. Qui serait sa proie ? Elle se contempla une dernière fois dans le miroir. Elle avait confectionné un masque en velours noir qu’elle déposa sur ses yeux noisettes.

Arrivée dans la cour, la voiture s’arrêta devant la porte d’entrée. Un majordome s’empressa de venir l’accueillir. Il tendit son bras pour l’accompagner, un frisson le parcourut. Elle quitta sa capeline, ce simple geste provoqua un soupir de cet homme qu’elle ne convoitait pas. Devant ses courbes, il ne put contenir son émoi. Elle se réjouissait d’avoir choisi cette tenue, idéale pour cette soirée. Pour le remercier de sa courtoisie, lentement elle s’approcha et déposa un baiser sur sa joue qui rougissait. Délicatement sa bouche glissa sur le lobe de son oreille. Elle chuchota des mots qui le laissèrent sans voix. La voyant disparaître derrière le rideau, un « ouf » de soulagement résonna au plus profond de son être. Il s’en retourna à l’entrée, les invités arrivaient les uns après les autres, mais l’image de cette femme restait gravée en mémoire.

Dans la salle de bal grouillait une faune appétissante. Une ivresse grisante l’envahit. Psyché entra et sur son passage, les regards se posaient sur ses lèvres pulpeuses. Tel un fantôme, elle glissait sur le sol de marbre. Sa présence alimentait les discussions. Elle avait accaparé l’assistance. Dans son décolleté, les curieux se noyaient. Les jalouses l’évitaient. Une fois au centre de toutes les attentions, elle saisit une coupe de champagne posée en équilibre sur le plateau d’argent. Le serveur la bouscula et les bulles tombèrent en cascade entre ses seins. Le petit groupe d’hommes qui l’entourait, suivait l’averse, espérant à leur tour pouvoir venir s’abreuver à la source. Le maladroit ne savait pas comment il pourrait s’excuser. Il fut bien plus surpris quand il sentit ses lèvres chaudes et gourmandes se posaient sur les siennes. Son charme venait de l’envouter, les autres en restaient stupéfaits et espéraient connaître le même sort. Psyché relâcha son étreinte, laissa sa main sur le torse de cet homme au regard bleu outre-mer et glissa quelques paroles au creux de son oreille. Il ne put contenir son fou-rire et s’en retourna à sa tâche.

Cette soirée s’annonçait sous les meilleurs hospices :  les hommes se jetaient à ses pieds pour avoir à leur tour le plaisir à demi-avoué de connaître le parfum de ses lèvres. Certains plus téméraires essayaient de questionner le serveur qui était devenu une tombe, aucun son ne sortait plus de sa bouche. D’autres restaient collés à ses jupons, attendant qu’elle daigne leur adresser un mot, ou un simple soupir. Elle s’amusait ; la chasse à courre venait de commencer. Elle avait repéré ceux qui tomberaient dans ses filets. Trois avaient retenu son attention. Seraient-ils tous candidats pour découvrir sa couche ? Ou est-ce qu'elle se contenterait d’un ? Le destin serait son conseiller. Elle retira son loup qui jusque là couvrait son visage et le laissa échapper. Les trois se précipitèrent pour le saisir avant qu’il n’échoue au sol. Plus de doute, ils finiraient la nuit à ses côtés.

Eh bien mes amis, vous semblez être tombés sous le charme de Psyché. N’oubliez pas tout de même qui est votre hôtesse. Je vois vos corps frissonner, l’imaginant à son tour vous embrasser. Je m’interroge, voudriez-vous en savoir plus ? Seriez-vous prêts à devenir sa proie ? J’adore cette chasse à courre. Permettez qu’à mon tour, je vous retire vos vêtements qui entravent vos pulsions.

Chacun de mes doigts est un vrai garnement,

Habilement, ils glisseront sur vos sexes croustillants.

Approchez de mes lèvres ne soyez pas farouches.

Scélérats, vous serez bien vite dans ma bouche.

Suppliant que je délivre votre semence

Et pourtant vous devrez attendre, un peu de patience.

À ce qu’on dit je suis gourmande et divine.

Canailles, vous êtes venus vous jeter dans mes bras

Oubliant que ce que tigresse veut, elle obtiendra.

Un instant vous espériez que j’allais vous libérer

Rien qu’une fois seulement pour vous soulager.

Rêvez misérables mon plaisir est avant tout de jouir

Espiègle, c’est ainsi que la diablesse assouvit ses désirs.

Comment ? Vous voudriez que j’arrache vos bandeaux, hors de question. Vous découvririez ma nudité. Mon beau miroir est le seul pour l’heure qui est en droit de l’admirer. Je sens une certaine excitation, rassurez-vous cela n’est rien à côté de ce que les trois amants de Psyché vont découvrir. Vous allez devoir patienter, la conteuse que je suis doit aller se sustenter. En attendant libre à vous de vous amuser, je n’ai point attaché vos mains.