Période difficile
La pluie martèle le toit, féroce. Elle sonne et résonne sur le zinc. Je n'en entends plus la musique, pourtant seul réconfort lors de ces longues et mornes journées. Exit le piano et le violon, submergés par le tambour d'eau.
La chatière claque à ma gauche. J'ai à peine le temps de recouvrir le chien d'un drap éponge : il se secoue déjà. Je le frictionne avec vigueur et perçoit l'odeur de sa fourrure trempée, forte, animale. Elle agresse et caresse, senteur sauvage.
Le chien s'enfuit à toute allure, petit fantôme drapé de bleu. À nouveau calée sur la chaise, malgré mon dos en compote, j'empoigne le crayon, prête à continuer. Il est bien là, dans ma main, appuyant sur mes doigts douloureux à force de le manier.
Mon regard papillonne entre la feuille blanche et l'écran d'ordinateur. Les couleurs sont violentes, sans harmonie. Je plisse les paupières, le dessin est trop petit, même avec le zoom, comme d'habitude. Se casser les yeux pour attraper sa vie.
Le crayon court sur le papier. Un dernier schéma et la journée sera finie. Je change de couleur pour les nerfs sensitifs, la corde du tympan et le glosso-pharyngien, eux qui permettent l'explosion de saveurs à chaque repas. Je mets un point final à la langue.
Fini.
On recommence demain.
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