11 – La dure réalité

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Bah voilà, c’était la fin.

La fin de fin.

Le point final.

Terminé, au revoir les enfants.

Dans l’ensemble, j’dois r’connaître qu’vous avez été assez sages et attentifs.

J’suis même presqu’un peu triste d’vous voir partir, j’commençais presqu’à m’attacher à vous. Presque. Mais bon, on n’va pas pleurer, toutes les histoires ont une fin, c’est comme ça. Je n’veux pas être fataliste mais c’est la vie, tout doit s’achever un jour ou l’autre.

Tiens, dernière morale, mes p’tits pirates, la vie n’a de sens que grâce à la mort. Sans début, pas d’fin ; et bien sûr, sans fin, pas d’début. En fait, sans l’un, l’autre n’a pas d’intérêt. On se doit d’aimer la vie car elle n’est pas éternelle. Alors, mes p’tits pirates, profitez, réjouissez-vous, et vivez toujours tout à fond.


Moi, si je suis éternelle ? Non, je n’suis pas immortelle, disons juste que j’peux prendr’ un peu plus mon temps que vous.


Pour en rev’nir à l’histoire que j’viens d’vous conter, l’essentiel est qu’elle vous ait plu, et qu’vous rentriez chez vous heureux, pleins de bons conseils en tête. Car elle vous a plu, hein, mon histoire ?! Ouf, tant mieux, c’est qu’je n’vous l’avais même pas d’mandé.


N’soyez pas abattus, n’faites pas cette tête-là, vos parents pourront vous ram’ner, vous pourrez rev’nir me voir, j’en connais plein d’autres, moi, des histoires.


D’ailleurs, avez-vous des questions ? Des remarques ? Des commentaires ? Pas d’critiques, j’espère, si ?

Oui, qu’est-ce-qu’il y a ? Tu as adoré la fin et tu es rassurée car tu avais un peu peur. Oh, c’est mignon. Mais n’fallait pas t’en faire ; quand même, je l’sais qu’vous êtes des enfants, j’n’allais pas vous raconter une histoire atroc’ment horrible, à faire pleurer ! Quand même, ma pauvre petite bout d’chou-fleur.

Et toi ? tu es super content que tout s’termine si bien. Bah oui, c’était au final juste une jolie histoire sans prétention.

Toi, qu’est-ce-que tu dis ? Que tu savais que l’Capitaine allait s’marier avec la Commandante… Ah, tu croyais ça. Bah oui, c’est un raisonnement tellement simplist’ et évident qu’ça n’m’étonne pas qu’tu t’imagines ça.

Et toi, que je vois sourire, tu es ravie qu’ils aient eu pleins d’enfants. Ah bah, tu dis ça parce que tu n’te rends pas encore compte que c’est pénib’e, les enfants. Non, non, continue d’sourire, j’rigole ; allez, on oublie, j’vous aime tous. Harmonie, paix et amour. Wahou, bonté et joie autour de nous. Youpi, youpi. Allez, tout l’monde aime les enfants qui sont tous très gentils et jamais méchants. Pfff… youpi encore et tralala.

Toi ? Tu adores le Père Noël et tu es toujours sage. Oui, bah continue à être obéissant, mais c’n’est pas pour ça qu’tu auras des cadeaux du Père Noël durant toute ta vie. Pourquoi ? Mais non, l’Père Noël ne vas pas mourir ! Le Capitaine est dev’nu le Père Noël et, depuis l’an 1680 et des poussières, il vient sans faute distribuer les présents aux gentils enfants. C’est tout c’qu’il y a à savoir.

Toi là bas, tu veux nous dire que Noëlle c’est un chouette prénom et qu’c’est celui d’ton arrière grand-mère. Bah oui, c’est pas franch’ment l’ultra mode comme prénom ; entre nous, c’est même un peu “has-been”. D’ailleurs, en parlant d’prenoms ringards, j’ai connu une Korinne… Ça n’a rien à voir ? Non et alors ?! J’ai connu une Korinne, j’ai connu une Korinne ! Va m’emmerder longtemps celle-là ?! Korinne était gentille, dans l’sens un peu fofolle qui vit dans un monde imaginaire. Si c’était le vrai-vrai prénom d’la Commandante ? Non, jamais la Commandante ne se s’rait prénommée Korinne, c’est ridicule, ça n’lui va pas du tout comme prénom, c’est trop humain ! Hein ? Quoi ? Ah, euh, si, si, mais, non, non, ma Korinne n’était pas la Commandante. En fait j’ai rencontré Korinne dans un jardin improbable. On a bien rigolé pendant un temps, elle était attachante. Est-ce qu’elle a vécu longtemps avant de mourir dans d’horribles souffrances ? Pourquoi cette étrange et sordide question ? Bon, disons qu’on n’peut pas dire qu’elle ait vécu vraiment longtemps. Par contre elle n’a pas souffert, j’suis formelle là-d’ssus ! Promis, elle est morte subitement ; si c’n’était pas si tragique, j’en rigolerais encore ; oui, c’est clair qu’sa disparition était assez loufoque, maint’nant qu’j’y r’pense. Mais bon, tout ceci est une autre histoire.

Vous voyez, vous n’aurez qu’à rev’nir me voir pour que j’vous la raconte.

Toi, tu savais quoi ? Ah, tu te doutais que l’Capitaine aimait tous les enfants du monde. Oui, bah des fois faut savoir remettre ses convictions en cause. Passons.

Toi, pour finir, tu savais que c’n’était pas un cheval qui courrait ; toi, dans l’fond, mieux encore, tu t’doutais qu’il y avait plusieurs animaux qui galopaient ; toi, sur le côté, toujours mieux, tu savais qu’c’était des rennes. Et la marmotte… Laissez tomber, c’est une expression issue d’la publicité. Puisque vous voulez savoir, c’était une chouette pub, où une marmotte env’loppait une tablette de chocolat fabriquée par une vache violette. Si si, j’vous assure. Comment ça c’est nul ? Non, c’était une très bonne publicité ! Mais vous la génération « streaming à la d’mande qui s’doit d’tout voir et d’tout zapper » n’prenez plus l’temps d’apprécier les bonnes choses ! Suivant.

Non, plus personne ?

Donc ça vous a vraiment plu ? Je suis enchantée que vous ayez aimé ce conte de fées. Car oui, c’était définitiv’ment une histoire féerique, où tout se termine dans le plus pur merveilleux des bonheurs du monde.

J’en vois un là-bas qui a l’air plus peiné, qu’est-ce-que tu as ? L’histoire était trop courte. Si tu savais...

Toi, quoi ? Tu n’crois pas que le Capitaine soit réellement l’vrai Père Noël. Si tu savais...

Toi, tu te dis qu’en fin de compte, on n’sait pas vraiment qui est la Générale. Si tu savais...

Toi, tu es déçue parce qu’on n’connaît rien d’leur monde. J’aime bien ton côté assidu ; c’est vrai qu’c’est important d’avoir une histoire aboutie, bien construite, avec un vrai univers cohérent. Là bien sûr, tu n’as rien compris. Je disais que oui, ça aurait été mieux d’en savoir plus, de dév’lopper encore plus et de n’pas bâcler la fin. Mais bon, oui c’est ça, si tu savais...

Et pourquoi y’a qu’des femmes ? Et qu’est devenu tout l’équipage du Capitaine ? Et toi, tu as vu qu’j’avais parlé des Ivoires et tu t’demandes c’que c’est… Oui, tous en cœur : si vous saviez ! Et oui, vous auriez dû savoir et j’aurais bien voulu que vous sachiez. Mais bon, c’est comme ça, c’était une jolie fin, c’est tout, c’est ainsi. C’est fini !


Quoi, non c’n'est pas fini ? Tu la trouves bizarre, cette fin, pour une histoire de pirates. Comment ça, c’n’est pas possible ? Comment ça, vous commencez tous à douter ? Puis pourquoi, moi, je connaîtrais tout ça ? Et pourquoi, l’Capitaine a eu pleins d’autres aventures de pirate, alors qu’il est dev’nu le "Père Noël" ?


Bon, ok, ok ! On arrête tout ! Attendez, que j’regarde l’heure. Bon, vous avez d’la chance, j’ai été un peu trop rapide dans ma façon d’tout vous raconter ; il nous reste un peu d’temps avant qu’vos parents ne viennent vous r’chercher. Et même suffisamment, pour qu’on oublie cette pitoyable et grotesque fin ! J’estime que vous êtes en droit d’savoir ! J’vais vous avouer plein d'choses. Rasseyez-vous et soyez prêts à affronter la dure réalité :


Vos parents sont des menteurs, le Père Noël n’existe pas !


Arrêtez d’faire cette tête là, j’crois qu’en parlant d’menteurs, vous m’avez bien prise pour une cruche ! J’ai l’air d’une cruche bande de blablateurs mythomanes qui se vantent de tout savoir ?!


Et v’là t’y pas, qu’moi j’savais que l’gentil Capitaine Gnangan Noël allait s’marier avec la Sainte Nitouche Commandante Noëlle.

Oh, puis ma pauv’e vieille grand-mère qui, soit dit en passant doit perdre la tête comme tous les vieux, s’appelle comme par hasard Noëlle ! Mieux encore et toujours mieux mieux, v’là t’y pas aussi qu’c’est d’un coup le plus beau prénom du monde !

Et puis voilà qu’en parlant d’monde, et pourquoi qu’tout l’monde aim’rait pas tout l’monde ? Allez, on aime les rennes, ce sont les plus formidables animaux d’l’univers entier ! Ça pue et c’est inutile un renne, même pas fichu d’faire du fromage ou d’en sortir un bon steak ! Si ? Ah oui ? Bon, bah c’est pas meilleur qu’une grosse vache !

Et en plus voilà que, TU, savais qu’ils avaient fait une jolie ronde autour du Capitaine. Bande de p’tits menteurs qui n’savent rien du tout parce que tout ça, TOUT ÇA, c’est moi qui l’ai inventé ! Vous n’savez RIEN ! Vous n’connaissez RIEN ! Toute cette putain, et je dis bien putain, et vous pouvez bien m’charrier, je l’dirai tant que j’le voudrai, putain de punaise, toute cette fichue fin débilement gnangnan, à en vomir des hirondelles et des papillons multicolores, n’est qu’une fumisterie dont les instigateurs sont vos perfides parents !


Arrêtez d’faire cette tête là, j’m’e suis peut-être un peu emportée. J’voulais juste vous dire qu’vos parents m’ont demandé d’vous raconter une jolie histoire. Alors, j’ai été obligée d’inventer une fin toute mignonne. Pour leur faire plaisir. Pour ne pas choquer leurs chers chérubins chéris totalement innocents et vivant dans un monde saupoudré de bienveillance et de bons sentiments ! Bref, vos parents m’ont d’mandé d’vous mentir, pour que j’embellisse l’histoire du Capitaine Borgne.


Mais s’en est fini d’tout ça ! Voulez-vous savoir la vraie histoire ? Voulez-vous connaître la vraie fin ? Voulez-vous découvrir la totalité de l’aventure du Capitaine ? Par contre, j’vous préviens tout d’suite, si vous répondez oui, je n’jouerai plus à être votre maman chérie, je n’serai plus là pour vous cajoler comme j’ai pu l’faire jusqu’à maintenant, fini d’prendre des pincettes, je n’serai plus là pour vous conter une histoire toute belle et insipide !


Donc c’est oui ? Oui de oui ?


Alors voilà, comme certains d’vous ont pu s’en douter, le Capitaine n’est pas dev’nu le Père Noël ! Si ça avait été l’cas, j’vous assure qu’vous n’auriez pas eu beaucoup d’cadeaux : ou il les aurait gardés pour lui ou il les aurait vendus !


Donc reprenons, personne ne s’prénomme Noël, la Commandante ne s’appelle pas Noëlle. Mais j’ai quand même connu une Korinne. Bref, on oublie aussi l’histoire des rennes, des lumières multicolores, des sapins et de toute cette histoire de mariage et de « ils vécurent heureux et eurent pleins d’enfants » ! En fait, oublions simplement le chapitre « Noël ».


Ah et tant qu’j’y pense, quand j’ai dit que le Père Noël n’existait pas, ça voulait dire qu’il n’existe pas en tant qu’ancien pirate ! Vous n’avez tout d’même pas cru que j’allais mettre fin à une croyance, plus que millénaire, en une seule phrase ?! Vous avez des convictions, oui ou non ? Pour ceux qui dout’raient d’sa réalité, je rappelle que les mondes merveilleux, les personnages extraordinaires et la magie existent ! Le Père Noël n’est pas une fiction, il est bel et bien vivant ! Vous pouvez m’croire, je sais d’quoi j’parle ; mais tout ceci est encore une autre histoire.


La seule « dure réalité » à retenir est que vos parents sont des menteurs ! Ils mentent et veulent qu’on vous mente pour vous protéger… qu’ils diront. Mais la vérité, moi j’vous l’dis, ils vous mentent pour avoir la paix ! Ou pour se moquer d’vous ! Ou parce qu’ils ne savent rien ! C’est surtout ça l'problème, c’est qu’ils ignorent tout, les grands ne veulent plus croire et en oublient toute la féerie qui les entoure.

Croyez au Père Noël, n’ayez même jamais aucun doute !


Allez, ouvrez vos esprits, c’est reparti pour l’histoire extraordinaire, avec un brin de magie et d’imaginaire, du Capitaine Borgne :

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