Chapitre 7
Ce fut la femme au chignon qui entra la première, suivie de près par deux gardes armés et en armure. Elle les détailla rapidement puis se tourna vers les bancs, constatant d'un air satisfait que les quatre petites sacoches avaient été ouvertes et leur contenu utilisé. Eldria, Salini, Karina et Dricielle la gratifièrent quant à elles d'un regard noir.
– Bien, dit la nouvelle arrivante de son habituelle voix froide. Je vois que vous êtes prêtes. Tant mieux, je n'avais pas de temps à prendre.
Elle ramassa rapidement les pagnes de ses quatre captives, avantageusement échangés contre des robes, et les fourra dans les bras d'un des gardes. Celui-ci s'empressa de les attraper puis, après un dernier coup d’œil lubrique en direction des quatre jeunes femmes, sortit de la pièce. La femme au chignon entreprit de se laver les mains à la fontaine non loin, avant de revenir leur faire face.
– Comme je viens de vous le dire, nous avons peu de temps, entama-t-elle sur le ton d’un professeur s'adressant à des élèves qu'elle n'apprécierait pas vraiment. Je vais donc vous expliquer rapidement ce que nous attendons de vous.
Elle se frotta les mains. Les jeunes femmes s'échangèrent un regard interrogateur.
– Allons-nous pouvoir... commença timidement Salini.
– Silence ! la coupa sèchement la vieille femme. Vous ne prendrez la parole que quand cela vous sera explicitement autorisé, ai-je bien été clair ?
Sa voix était si autoritaire qu'aucune n'osa la contredire. Salini baissa les yeux.
– Bien ! Je reprends donc. Mon nom est Madame Martone, et dorénavant je veux que ce soit par ce nom que vous vous adressiez à moi. C'est compris ?
S'attendant visiblement à une réponse, elle fixa Salini d'œil mauvais.
– Oui... répondit timidement cette dernière après avoir marqué une courte hésitation.
– Oui qui ?
– Oui, Madame Martone.
Eldria vit Salini serrer les poings. Elle se mit à espérer que son amie ne ferait pas de bêtise en se laissant emporter par ses émotions.
– Très bien, reprit Madame Martone, visiblement satisfaite. Maintenant que tout est clair, j'entends ne plus être interrompue. Comme je vous le disais, nous attendons plusieurs choses de vous. La première de ces choses, et la plus importante de toutes, sera votre soumission totale et inconditionnelle. Tout manquement sera sévèrement puni. Je vous rappelle également que nous savons où habitent vos familles, et que nous leur avons garanti qu'aucun mal ne leur serait fait en échange de votre coopération... Et inversement. Vous ne voudriez tout de même pas qu'il leur arrive malheur à cause de votre mauvais comportement, n'est-ce pas ?
– Vous ne nous avez laissé aucun choix ! explosa soudainement Salini. Ni à nous, ni à nos fami-
Avant qu'elle ait pu finir sa phrase, Madame Martone l'agrippa violemment par les cheveux et la tira vers elle de façon à ce que son oreille soit collée à sa bouche. Au même moment, le garde pointa sa hallebarde en direction des trois autres jeunes femmes, comme pour prévenir toute velléité de rébellion. Celles-ci, apeurées, eurent un mouvement de recul.
– La prochaine fois que vous reprendrez la parole sans mon autorisation, mademoiselle Valg, je vous jure que vous souffrirez au-delà de votre imagination.
Salini émit un petit cri de douleur, mais ne protesta heureusement pas davantage.
– Et c'est valable pour chacune d'entre vous, reprit la vieille femme en relâchant Salini.
Elle la repoussa avec force en direction de ses amies. Eldria parvint heureusement à la rattraper avant qu'elle ne chute. Aucune n'osa ajouter un mot de plus.
– Nous allons peut-être finir par y arriver ! vociféra Madame Martone. Où en étais-je ? Ah, oui. Ce que nous attendons ensuite de vous... Et cela nous concerne plus directement aujourd'hui : nous voulons que vous fassiez bonne figure. Un personnage très haut placé et très important va nous rendre visite dans l'heure. Il va nous payer une grosse somme d'argent pour ramener chez lui une de nos charmantes captives...
Elle s'interrompit quelques instants, visiblement satisfaite de l'effet qu'elle venait de produire. Eldria avait effectivement senti son cœur s'arrêter quelques instants. C'était donc la raison de leur présence ici, être vendues comme esclaves pour ensuite certainement servir d'attractions sexuelles à de riches nobles de l’Empire d’Eriarh...
– Malheureusement pour vous, vous êtes plusieurs dizaines de candidates, et seule l'une d'entre vous connaîtra la chance de partir aujourd'hui. Les autres malheureuses resteront ici...
Elle avait clairement prononcé le mot "chance" avec ironie, ne laissant aucun doute sur la nature de ce commerce d’êtres humains.
Eldria était maintenant en pleine réflexion. Valait-il mieux être choisie pour partir vivre en tant qu'esclave, ou bien rester prisonnière ici avec les atrocités qu'elle savait commises en ces lieux ? Mais son fil de pensée fut une nouvelle fois interrompu par la femme au chignon :
– Vous êtes maintenant propres, et je constate avec plaisir que vous avez trouvé les robes que nous vous avions préparées. Vous êtes désormais naturellement... désirables, et c'est un bon point. Mais cela ne suffit pas. Quand vous serez devant notre invité, je veux que vous vous teniez droites, et que vous regardiez droit devant vous. S'il s'adresse à vous, vous lui répondrez uniquement par "Oui, Maître". S'il décide de vous toucher, vous le laisserez faire sans dire un mot. Vous ne devrez ni le regarder, ni lui sourire, sauf s'il vous le demande.
Elle marqua une légère pause, observant d'un regard mauvais leurs éventuelles réactions. Eldria savait qu'elle devait avoir l'air abattu, mais elle devait tenter de se ressaisir. Elle repensa à ce que Salini disait quelques minutes plus tôt : elles devaient rester fortes, leur donner ce qu'ils voulaient... Au moins pour le moment...
– Je vois que j'ai toute votre attention, constata avec satisfaction Madame Martone. Inutile, bien entendu, de vous préciser que tout manquement à l'une de ces simples règles vous vaudra un châtiment corporel approprié.
Eldria frissonna, et sentit Dricielle faire de même à ses côtés.
– Concernant les derniers points... reprit Madame Martone.
Elle marqua un nouveau temps d'arrêt en regardant sa montre.
– Nous n'avons pas vraiment le temps de les évoquer. Bon, ce n'est de toute façon pas important, vous les découvrirez bien assez tôt. Disons que ce sera votre punition pour m'avoir interrompue.
Elle s’adressa au garde resté en retrait.
– Vous pouvez les attacher.
Le garde s'empressa de sortir quatre chainettes de ses poches, et s'exécuta. Les jeunes captives se laissèrent faire à contrecœur. Elles n'avaient de toute façon pas le choix. Une fois solidement privées d'une partie de leurs mouvements, Madame Martone leur demanda de la suivre hors de la pièce, escortées par le garde.
– Oh, et une dernière chose ! lança-t-elle en s'arrêtant. Deux fois par mois, nous sélectionnons la plus méritante d'entre vous, et nous la libérons. Vous avez donc toutes une chance de pouvoir rentrer chez vous et retrouver votre famille. À vous d'être les plus méritantes...
Elle les sonda de gauche à droite, comme pour observer leurs réactions.
– Nous ne sommes pas des monstres, finit-elle par ajouter.
Eldria, Salini, Karina et Dricielle s'échangèrent un long regard atterré.
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