Chapitre 22
Elle y était. Eldria devina plus qu’elle ne vit le pénis du Comte se frayer un chemin entre les cuisses de son épouse. Il l’avait attrapée par les hanches et, la dominant de toute sa hauteur, commença à entamer des mouvements de va-et-vient, d’abord doucement puis en augmentant la cadence petit à petit. Le corps de sa partenaire réagissait en rythme à ces coups de bassins réguliers et Eldria était aux premières loges pour observer les seins de la Comtesse, pendus dans le vide, s’agiter d’avant en arrière, comme bringuebalés par une tempête. Très vite, elle se mit à pousser des gémissements à mesure que sa respiration s’accélérait.
– Oh oui ! Oui, oui ! s’écria-t-elle bientôt sans retenue, sa voix résonnant avec force dans toute la pièce.
Prise d’une fascination incontrôlée, Eldria assistait pour la première fois à l’acte de chaire, le vrai, sans voix, le souffle coupé. Elle avait tout oublié, comme si elle n’était plus là, qu’elle observait la scène depuis un corps étranger, comme un improbable fantôme à l’esprit mal placé. Etait-ce vraiment si bon de faire l’amour ? De se faire pénétrer de la sorte ? Sans s’en rendre compte et par pur réflexe, ses doigts se mirent d’eux-mêmes à intensifier leurs caresses, s’approchant dangereusement de sa propre zone sensible. Elle ne se souciait même plus du Comte qui, les yeux emplis d’envie, continuait de la dévorer d’un regard avide sans même qu’elle en ait conscience. C’était comme si, elle aussi, venait de se faire aspirer dans le tourbillon de la passion charnelle, que plus rien ne comptait à part le plaisir, le plaisir intense, presque bestial.
– Oui ! Oui ! Oui ! continuait de crier la Comtesse avec tant de force qu’on devait l’entendre dans tout le bâtiment.
S’il avait été un peu long à démarrer, le Comte semblait désormais au sommet de sa forme. Son souffle rauque se mêla bientôt aux bruyants gémissements de sa femme, tandis que leurs bassins continuaient de s’entrechoquer avec force. A la faveur d’une ouverture entre les cuisses de la Comtesse, Eldria entraperçut bientôt les testicules hirsutes de l’homme marteler avec rythme le pubis de sa partenaire.
Face à cette scène, les phalanges d’Eldria, comme animées d’une volonté propre, se posèrent très vite elles aussi sur sa propre intimité. Elle laissa échapper à son tour un gémissement, qui se noya fort heureusement dans le tumulte désormais ambiant. En elle, la petite voix de la sagesse, celle qui la rendait timide, qui la faisait rougir à l’idée de se déshabiller devant quelqu’un, qui la poussait toujours à la pudeur, cette petite voix semblait s’éteindre. Une autre voix, bien plus osée, prenait peu à peu sa place : « Allez vas-y, tu en as tellement envie... Masturbe-toi. Ça te fera du bien tu verras... Caresse-toi ! »
« Non ! rétorqua la petite voix dans un ultime sursaut. Non, je ne veux pas. Je... je ne suis pas seule, j’ai... j’ai trop honte... ».
« Laisse-toi aller, laisse-toi submerger par tout ce plaisir qui t’attend depuis si longtemps. »
« Je... mais... »
La petite voix s’éteignit complètement, comme engloutie dans un tourbillon. Prise dans la frénésie de l’instant, Eldria commença à se masturber comme elle ne s’était jamais masturbée. Par la pensée, elle avait rejeté à plus tard toutes les implications d’un tel acte. Son seul désir en cet instant était de jouir, elle aussi. Son majeur glissa en elle avec une déconcertante facilité, comme si son sexe avait lui aussi réclamé qu’elle passe à l’action. La sensation fut comparable – puissance dix – à celle de sa toute première expérience des joies de l’onanisme. Dans ses entrailles, ses hormones surexcitées explosèrent tels de chatoyants feux d’artifices. En l’espace d’à peine trente secondes, elle fut déjà sur le point d'atteindre l'orgasme. Ne voulant surtout pas gâcher tout ce plaisir qui s’accumulait en elle, elle dut, dans un monumental effort, se retenir afin de profiter encore de cette sensation unique et si délectable durant laquelle son clitoris suppliait de tout laisser aller, mais qu’elle choisissait de faire monter la pression en flirtant de façon espiègle avec ce fameux point de non-retour.
La température commençait, littéralement, à grimper dans la chambre. Pendant quelques minutes, la Comtesse et le Comte maintinrent cette position, alternant entre des moments de calme durant lesquels le Comte ralentissait la cadence et semblait reprendre son souffle, et d’autres plus énergiques où l’on entendait alors le bruit sec et répétitif du claquement des fesses de l’une contre les cuisses de l’autre. Finalement, après une longue session de ces va-et-vient rapides pendant laquelle leurs cris mutuels s’entremêlèrent, le Comte se retira brusquement, visiblement éreinté. De grosses gouttes de sueur perlaient de son crâne dégarni.
Pour la première fois depuis plusieurs minutes, la Comtesse se tut, laissant place pendant un instant à leurs seules respirations saccadées. Apparemment encore demandeuse, elle se retourna pour se retrouver cette fois-ci sur le dos, la tête au pied du lit. Cela dégagea le champ de vision d’Eldria qui eut alors une vue imprenable sur le vigoureux pénis de l'homme, au moins aussi dur que du marbre, rendu humide et légèrement brillant par les sécrétions vaginales de son épouse. Cette dernière, la tête penchée en arrière, remarqua l’air à la fois troublé mais excité de leur jeune invitée et eut un sourire en coin, visiblement satisfaite de constater qu’elle n’était pas la seule à profiter de ce moment.
Il ne fallut pas longtemps avant que leurs ébats reprennent. La turgescente verge du Comte retrouva très vite son chemin entre les jambes largement écartées de sa femme, dont les gémissements sonores reprirent de plus belle. La tête penchée en arrière, les yeux fermés, la Comtesse entreprit de se caresser sensuellement la poitrine. Son mari, penché sur elle, observait ses seins d’un regard lubrique, fasciné. Puis, comme tout à l’heure, il releva la tête et s’intéressa une nouvelle fois de près à Eldria. Celle-ci était dans un état second, comme droguée par l’adrénaline. L’information lui indiquant que ses gestes étaient scrutés ne parvint même pas jusqu’à sa conscience. Son attention toute entière était occupée à observer les corps entremêlés du couple, tandis que ses doigts continuaient d’eux-mêmes à entrer et sortir de sa cavité intime. Chacun continua ainsi durant de nombreuses minutes, le Comte s’intéressant tantôt à son bas-ventre en pleine activité, tantôt au corps de sa femme. La plupart du temps toutefois, il dévorait simplement Eldria du regard.
Cette dernière, après avoir tenu autant qu’elle le pouvait, se mit à sentir que le barrage qu'elle avait tant bien que mal érigé en elle allait bientôt céder si elle continuait à ce rythme. Pour autant, elle ne voulait pas s’arrêter, elle devait continuer. Il ne fallait surtout pas que l’état de félicité dans lequel elle se complaisait prenne fin. Mais elle s’était trop retenue, elle n’en pouvait plus... Elle lutta aussi longtemps qu’elle le put, mais son corps réclamait son dû. Elle devait tout relâcher...
Au même moment, le rythme de croisière qu’avait adopté le couple changea subitement. Les va-et-vient amples du Comte laissèrent soudain place à des mouvements de bassins plus saccadés. Ses muscles se raidirent. Il ferma les yeux et leva la tête en criant, tel un loup hurlant à la lune. Cela ne faisait aucun doute, il était en train d‘éjaculer dans les entrailles de son épouse. La Comtesse, qui était aux premières loges pour le sentir, gémit de concert dans un râle de plaisir intense. Par un heureux hasard – ou peut-être était-ce dû au fait de voir le couple atteindre ainsi son point d’orgue – ce fut à cet instant précis qu’Eldria sentit gicler entre ses doigts trempés le tant attendu orgasme qu’elle mûrissait depuis de longues minutes. Elle aussi ferma les yeux et, par mimétisme, jouit bruyamment à son tour. Elle se délecta l’espace d’une poignée de secondes de l’état de grâce qui transportait son âme, de cette sensation divine venue la récompenser après tant de labeur. Son corps entier se cambra tandis qu’une prodigieuse décharge de plaisir s’y répandait en ses moindres recoins.
Pourtant, toutes les bonnes choses ont une fin. Tel un doux rêve dont les détails s’effritent inévitablement au réveil, cet orgasme, si intense fût-il, était déjà en train de s’estomper. C’était comme tenter de retenir de la fumée entre ses doigts. Inexorablement, cette seconde d’éternité et de plaisir se diluait petit à petit dans l’océan de la dure réalité. Elle reprit doucement ses esprits, constatant bientôt avec horreur que son fluide intime se déversait comme jamais sur le canapé de cuir. C’était comme si elle venait de reprendre possession de son corps, que quelqu’un d’autre avait pris sa place ces dernières minutes. Les souvenirs peinaient à lui revenir. Que diable avait-elle fait ?
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