Chapitre 34

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Pour la première fois, Eldria attendit avec impatience de pouvoir retrouver Dan le jeudi suivant. Elle n’était toujours pas tout à fait à l’aise avec ce qu’elle avait eu à faire avec lui, mais elle se rassurait en se disant qu’elle n’avait pas vraiment eu le choix.

Il en allait de même pour Salini. D’un côté, elle avait plus que hâte de lui annoncer qu’elles pourraient toutes deux quitter cette prison infernale dans quelques jours. Mais d’un autre côté, elle redoutait que son amie lui tienne encore rigueur de son comportement déplacé de la fois dernière.

Eldria avait pour une fois regagné sa cellule le baume au cœur. Contrairement à sa récente errance, elle ne se contenta pas de se recroqueviller par terre et d’attendre. Cette fois, la motivation l’avait gagnée. Imitant ce que Salini l’avait toujours encouragée à faire, elle se décida à faire de l’exercice. Elle avait perdu beaucoup trop de poids et, étant plutôt fine à la base, elle savait que c’étaient surtout ses muscles qui avaient fondu. Non pas qu’elle se soit jamais considérée comme particulièrement musclée, mais son travail quotidien à la ferme depuis son plus jeune âge lui avait tout de même forgé des capacités physiques respectables pour une fille de sa carrure.

Depuis tout ce temps passé ici, les cellules attenantes à la sienne étaient restées désespérément vides. Personne n’avait semblait-t-il jugé utile d’en réorganiser l’allocation, même suite aux départs de Dricielle, Karina, et des rares autres filles libérées régulièrement. Il arrivait à Eldria de se demander pourquoi on l'avait parquée seule ici, mais elle n’était cependant pas assez folle pour poser une réclamation auprès Madame Martone ou à qui que ce soit d’autre. D’autant qu’elle retirait de cette solitude quelques avantages...

En même temps qu’elle avait retrouvé l’espoir de regagner sa liberté, sa libido s’était aussi réveillée, comme si ces deux états s’étaient inexorablement vus reliés l’un à l’autre. Aussi, le soir même de son retour en cellule, se délecta-t-elle d’un petit moment de plaisir solitaire. Une certaine tension sexuelle s’était accumulée en elle à la suite de son expérience avec Salini – et ce indépendamment de son bien-fondé. Et que dire de Dan qui, en quelques secondes à peine, avait joui sur ses seins qu’il voyait pour la première fois. Elle avait eu beau tout faire pour ne pas le montrer, cela ne l’avait pas laissée insensible !

Elle s’était entièrement déshabillée et s’était allongée sur le dos. Malgré l’hiver qui battait son plein au-dehors, elle avait encore plutôt chaud grâce aux nombreuses pompes qu’elle s’était astreinte à effectuer dans l’après-midi. Sa poitrine se souleva au rythme saccadé de sa respiration tandis que son majeur rentrait en elle pour la première fois depuis deux mois avec une délectable facilité.

Elle allait quitter cet endroit et retrouver sa vie d’avant... Elle ne verrait plus jamais le soldat blond. Ni la vieille Martone. Salini et elle tenteraient peut-être de retrouver Karina, et même Dricielle. Et elle allait aussi retrouver Jarim... Cette fois-ci elle n’hésiterait pas, elle se jetterait sur lui et elle irait au bout... A cet instant, elle jouit. Une série d’images voluptueuse lui traversa l’esprit en un éclair. Le torse musculeux de Jarim lui apparut d’abord, mais aussi, étrangement, le corps de Salini tel qu’elle l’avait vu le matin même dans la salle de bain. Enfin, elle revit distinctement, sans le vouloir, le sexe en érection de Dan pointé droit sur son ventre. Elle ne put retenir un gémissement, qui raisonna dans le sombre couloir heureusement désert.

Le reste de la semaine s’écoula de même. La journée, elle ne faisait que bouger, s’étirer, se muscler comme elle le pouvait. Le soir, sachant que personne ne venait la voir à cette heure, elle se masturbait comme dans une sorte de rituel purgateur, ce qui l’aidait d’ailleurs à retrouver un sommeil plus réparateur malgré la dureté du sol à laquelle elle ne s’habituerait définitivement jamais.

Lorsque Naïs lui apportait sa pitance quotidienne, elle se jetait cette fois-ci dessus comme un ogre affamé qui aurait attrapé un porc grassouillet. La jeune servante se demanda bien-sûr ce qui lui avait redonné tant d’appétit, mais Eldria se garda bien de lui expliquer ses vraies raisons. Certes elle avait plutôt confiance en Naïs, mais cela n’empêchait que c’était une Eriarhi elle aussi et que lui faire part de leur projet d’évasion représentait un risque qu’elle ne pouvait pas se permettre de prendre. Elle n’en parlerait qu’à Salini en personne, jeudi prochain. Cela leur donnerait d’ailleurs un sujet de conversation tout trouvé pour ne pas avoir à évoquer le sujet délicat...

C’était donc toute motivée que, le jeudi suivant, elle faisait le pied de grue devant la grille, attendant qu’on vienne la chercher. Le garde habituel l'emmena sans un mot. Personne n’avait remarqué la petite marque sur la joue d’Eldria, vestige laissé par le soldat blond la semaine précédente. Personne ne s’était donc posé de question et l’homme qui l'escortait avait pu garder son poste.

En passant devant le couloir menant à la réserve, Eldria ne put s’empêcher de ressentir une certaine appréhension. Pourtant, elle se doutait bien que, vu comment s’était déroulé la tentative du blond, son accompagnateur armé ne la laisserait pas de sitôt retomber entre ses griffes. Heureusement elle vit juste car il la conduisit directement à l’endroit habituel, cette fois-ci sans détour.

Ce fut donc avec entrain qu’Eldria se précipita dans la salle de bain. Elle balaya la pièce du regard. Salini n’était pas là. D’habitude, celle-ci arrivait toujours un peu plus tôt qu’elle, mais aujourd’hui elle était en retard. Eldria s'empressa de se débarrasser de son pagne qui sentait un peu trop la sueur à son goût et se décida à l’attendre.

Une minute s’écoula.

Deux minutes.

Cinq minutes...

Elle commença à réellement s’inquiéter. La dernière fois qu’elle s’était retrouvée seule ici, c’était juste avant sa rencontre avec le Comte et la Comtesse de Filis. Elle ne s’était alors pas inquiétée de ne pas voir ses amies la rejoindre, s’agissant d’un évènement exceptionnel qui ne l’avait concernée qu’elle et une poignée d’autres filles. Pourtant aujourd’hui, c’était jeudi. Salini DEVRAIT être ici. Peut-être lui était-il arrivée quelque chose ?

Si cela avait le cas, Naïs lui en aurait parlé la veille... Peut-être l’avait-on emmenée dans une autre salle de bain ? Auquel cas elle la retrouverait dans la cours tout à l’heure. Il faudrait alors lui parler du projet d’évasion de Dan en prenant le risque de se faire remarquer... A contrecœur et ne pouvant pas de toute façon pas se permettre de patienter davantage, elle se plongea dans le réconfortant bassin. Seule.

Dans la cours, toujours nulle trace de Salini. Eldria commença à sérieusement ressentir de l’inquiétude. Où avait-elle bien pu passer ? Et surtout, comment allait-elle faire pour la prévenir ? Il était impensable qu’elle parte sans elle !

Au moment de rentrer dans la grande salle qu’elles commençaient toutes à si bien connaître, Eldria alpagua une fille devant elle :

– Psst... Dis-moi, je cherche une fille blonde, vingt ans, à peu près ma taille. Son nom est Salini, tu ne saurais pas où...

La fille lui fit non de la tête et se retourna, visiblement trop préoccupée par les éternels rires et sifflements appréciateurs des hommes encore attablés qui les attendaient.

Eldria ne se démonta pas et posa la même question à plusieurs de ses semblables tout autour d’elle. Aucune ne semblait détenir la moindre information.

Finalement, une femme d’une trentaine d’année derrière elle lui posa la main sur l’épaule.

– La fille dont tu parles, lui dit-elle en chuchotant, elle est dans la cellule en face de la mienne. Ils sont venus la chercher ce matin, un peu avant nous. Je ne sais pas où ils l’ont emmenée...

Eldria, abasourdie, la fixa d’un air interloqué, mais avait qu’elle ait pu lui poser davantage de questions son interlocutrice fut rapidement embarquée par un homme à la forte musculature.

Que pouvait-on bien vouloir à Salini ? Que lui faisait-on encore subir peut-être en ce moment-même ? Son inquiétude s’intensifia et se transforma en panique.

Dan vint la chercher quelques instants plus tard. Autour d’eux, un certain ordre s’était instauré au fil des semaines écoulées. Il y avait de moins en moins voire plus tout de panique. Les captives suivaient désormais plus ou moins docilement ceux qui allaient tranquillement profiter d’elles. Il n’y avait plus eu de nouvelle arrivante depuis un certain temps et une sorte de routine s’était installée, comme si toutes s’étaient résignées à devoir subir ce même sort toute leur vie.

Une fois qu’ils furent seuls et remarquant la mine préoccupée d’Eldria, Dan lui demanda si tout allait bien.

– C’est Salini, répondit Eldria. Je ne sais pas où elle est...

– C’est embêtant, commenta Dan après un court instant. Qu’est-ce que tu comptes faire ?

– Il est hors de question que je parte sans elle ! s’emporta Eldria.

– Je vois...

Elle lui lança un regard implorant.

– Tu sais peut-être où ils ont pu l’emmener ?

– Non, je n’en ai pas la moindre idée.

– Tu... pourrais peut-être te renseigner ?

Dan soupira.

– Je ne te promets rien, dit-il finalement. Mais je vais essayer.

Il semblait contrarié par ce contretemps, ce qui agaça Eldria. Ne pouvait-il pas comprendre que c’était important pour elle ?

Dan, remarquant cela, ajouta :

– Ecoute, je suis sincèrement désolé pour ton amie. Vraiment. Je ne sais pas ce qu’ils peuvent bien lui vouloir mais je suis persuadé qu’elle va bien. Ils n’ont aucun intérêt à faire du mal à leurs prisonnières... Je te promets que j’essaierai de me renseigner sur elle et que je ferai ce que je peux. Mais il faut que tu comprennes que j’ai tout préparé et que nous n’aurons probablement pas d’autre occasion. C’est jeudi prochain... ou jamais.

Eldria acquiesça du chef, quelque peu rassurée de savoir qu’il ferait son possible. Une sorte de boule de stress avait cependant élu domicile près de son estomac. Elle savait que cette boule ne la quitterait pas tant qu’elle n’aurait pas la certitude que Salini allait bien.

Sans qu’ils ne se concertent, ils se levèrent tous deux et entreprirent de se déshabiller toujours dos à dos. Eldria se mit sur le ventre. Le jeune homme avait beau avoir pu exceptionnellement jouir de la vue de son corps dans son entièreté la fois dernière, elle préférait ne pas avoir à renouveler cette expérience pour – elle l’espérait – leur dernière fois ici.

– Une fois sortis d’ici, tu resteras avec nous ? demanda-t-elle sur le ton de la conversation, la tête tournée vers le mur alors qu’elle l’entendait approcher d’elle, prêt à entamer ce qu’il avait à faire.

Dan mit quelques secondes avant de lui répondre.

– Oui, finit-il par confirmer. Je ferai en sorte que vous puissiez vous rendre en lieu sûr.

Une nouvelle fois, elle se demanda quelles pouvaient être ses raisons. Il avait esquivé la question la dernière fois. Quoiqu’il en fut, ce qu’il s’apprêtait à commettre ferait de lui un déserteur doublé d’un traître. Elle était touchée que ce soit pour elle. Ou du moins qu’il daigne l’inclure, elle et Salini, dans ce projet.

Après quelques minutes, ses sécrétions intiment vinrent comme toujours – ou presque – maculer son dos. Cette fois-ci il n’avait pas eu besoin qu’elle se retourne... Tous deux n’avaient plus prononcé le moindre mot pendant toute la durée de l’opération.

Eldria attendit que le cliquetis caractéristique de la ceinture de Dan se fasse entendre. Elle se tourna alors dans sa direction, sa tête reposant toujours sur ses avant-bras joints. Elle ne put s’empêcher d’admirer pendant un instant le torse dénudé du jeune homme. Ce dernier ne sembla pas y prêter attention.

– Dan... commença-t-elle alors qu’il boutonnait sa chemise.

– Oui ?

Elle observa s’afférer pendant encore quelques secondes l’homme qui avait fait preuve d’un respect sans faille à son égard pendant toutes ces terribles semaines.

– Je... Je voulais te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi pendant tout ce temps. Tu as toujours été bon avec moi malgré les circonstances. Je sais que ce n’était pas facile pour toi non plus.

Entendant ces mots, il fit une moue qu’elle n’aurait pas su décrire. Elle ne savait pas si c’était un sourire ou bien un rictus. Toujours était-il que son regard était fuyant.

– Tu auras tout loisir de me remercier quand nous serons sortis d’ici, Eldria.

Puis il s’éclipsa en silence. Elle fut quelque peu déçue.

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