Fais moi un sourire
Défi : Écrire un texte sans le verbe "avoir".
Le sang, c’est comme une assuétude dont on ne peut plus se passer. Une dépendance qu’il faut absolument nourrir. Le sang, c’est inébriant. On s’enivre encore et encore. Le sang me fascine, je le regarde à chaque fois que je peux m'enivrer. Une drogue, je vous dis, une drogue ! Que ce soit le mien - je ne compte plus les cicatrices de mon adolescence - ou celui des autres, c’est fascinant.
« Petit mignard que tu es ! Penses-tu pouvoir me voler et partir sans en subir les conséquences ? dis-je avec un sourire narquois, faisant tressaillir le mignard. »
Il se tord sur sa chaise, il se déchaîne, il s’agite. Les cordes frottent ses chevilles et ses mains, d’expérience je sais que le frottement peut causer un saignement. Je ravale un gémissement de plaisir à cette pensée, portant mon regard sur le mignard en face de moi. Il ne peut rien faire. Nous sommes au beau milieu de nulle part, dans une forêt autant majestueuse que dangereuse, jamais il ne s’en sortira vivant.
« S’il vous plaît, je le ferai plus ! plaide le mignard sur ton désespéré.
- Mais bien sûr, ri-je, et ensuite tu me voleras à nouveau !
- S’il vous plaît, je ne dirai rien ! plaide t-il encore et encore, espérant peut-être me voir céder. »
Je me détourne de lui, n'écoutant plus ses cris. Une dizaine d’objets coupants se trouve à ma disposition. Un fin sourire cruel remplace l’ancien. J’attrape un couteau et m’approche de ma proie tel un prédateur. Il se fige, ses cris cessent - doux silence ! - et son regard devient encore plus désespéré. Je prends son menton et le positionne sur un engin métallique. Il ne peut plus bouger. Le mignard est bloqué. Il plaide silencieusement, mais quel menteur ! Je vous jure, je les connais ceux-là ! Tu cèdes, les laisse partir et comme ils reviennent te voler !
« La langue, d’abord la langue ! me mets-je à chanter joyeusement, ouvrant la bouche de ma proie, bloquant sa bouche ouverte pour qu’il ne puisse pas la refermer. »
Un cri étouffé. Oh douce musique à mes oreilles. Et la langue tombe dans ma main remplie d’un liquide si familier, si doux, si fascinant. Je nettoie et enfile un bandage à la langue coupée de ma proie. Il se tortille, de douleur peut-être ou alors de terreur. Le sang coule de la lame de mon couteau, tombe doucement sur le plateau métallique le colorant. Fascinant ! Inébriant !
« Et des plaies, des plaies, oui ! »
Je lui enfile autour du visage un bandage. Son visage est hâve. Blême de peur. Des plaies apparaissent comme par magie - non pas vraiment - amenant douleur chez le mignard et fascination morbide chez moi. Traitez moi de dérangé si ça vous enchante ! Mais vous ne voulez pas me croiser, n’est-ce pas ? N’essayez donc pas de me voler. Il saigne, il tremble de peur, il ne se débat plus comme si sa batterie s’est vidée. Le sang coule. Ses vêtements sont tachés.
« Petit voleur, petit mignard, je vais te montrer ta surprise ! dis-je avec un grand sourire joyeux. »
Il lève les yeux vers moi, surpris. Il ne doute pas de la surprise que je vais lui faire. Le mignard est en sang, presque résigné à même accepter une douche d’urine - l’un des plus étranges passe-temps des gens d’aujourd’hui. Il est plein d’espoir. Étrange. Pense-t-il qu’il va pouvoir partir ? Non, il va rester avec moi, avec nous. Pour toujours.
« Fais moi un sourire, lui dis-je d’un ton bas préparant les prochains outils pour le spectacle final. »
Il secoue vivement la tête. Défiant. Je fronce les sourcils. Ce n’est pas comme ça qu’il se doit se comporter, surtout en la présence du marionnettiste. Le sang est enivrant, il me tarde de le regarder saigner à la mort.
« Fais moi un sourire ! lui ordonné-je avec un sourire les plus éclatants offrant un brin de réconfort au mignard. »
La main posée sur sa gorge, le regard dangereux, je le menace. Cela marche, bien évidemment. Il cède et me fait le plus beau des sourires. Le marionnettiste s'impatiente. Le mignard est nescient de ce qu’il va se passer. Tant mieux, il vaut mieux qu’il ne sache rien. Une seringue dans le bras, le mignard tente de combattre la substance qui l’endort progressivement, ses paupières se ferment. Je m’éloigne tandis que le marionnettiste s’approche en sortant de l’ombre.
Et le spectacle peut commencer.
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