Brin
TW : suicide.
Le 17 Mai 2000, le jour de sa naissance. Un jour qui n'était plus si spécial, juste un jour où on prenait un nouvel âge.
Elle s'était faite à l'idée que personne ne s'en souciait si elle ne fêtait pas son anniversaire comme tout le monde. Elle ne faisait pas de fête entre amis, juste un gâteau et un cadeau. Malgré ces derniers les choses étaient devenues plus compliquées qu'elles n'étaient.
Élis n'avait jamais demandé pourquoi ses proches avaient cessé du jour au lendemain de reconnaître son existence. Cela semblait peut être extrême de le dire comme ça mais c'était la pure vérité.
‹‹ Les premiers qui m'ont oublié, étaient ceux qui étaient mes amis. Des hypocrites au final. Personne n'a rien remarqué, tout le monde m'a juste laissé tomber. Ils m'ont tous un à un pris le large, j'ai été abandonné. C'est peut-être triste ma situation, maintenant je l'ai acceptée. ››
Plus d'encre dans le stylo et un soupir. Le stylo tomba dans la poubelle tandis que l'adolescente de quinze ans soupirait encore une fois. Les pages autrefois d'une blancheur étincelante n'étaient que vernies, jaunies par le temps. Des traits formaient des lettres, droits ou courbés, gravés à jamais dans ces pages. Celles-ci étaient de tailles moyennes, les mots s'enchaînaient comme des émotions.
De longues phrases pleines de poésies, de pâleurs et de douleurs regorgeaient de mots familiers ou anciens. Ces phrases pouvaient bouleverser beaucoup de personnes pourtant personne ne connaissait l'existence de journal. Était-ce un journal ? Peut-être que oui peut-être que non. Des pensées, des poèmes et des chansons s'entrechoquaient dans ce carnet aux couleurs sombres.
Elis ferma brusquement son carnet. Elle le rangea soigneusement dans son placard à un endroit que seule elle-même connaissait. Elis s'allongea sur son lit, le corps recouvert et protégé par la couette. Elis ferma les yeux, sa poitrine lui faisait mal. Ce n'était pas une douleur physique, simplement émotionnelle.
‹‹ S'allonger, fermer les yeux ou les garder ouverts, et penser... Je me sens si mal... ››
Il était dix-neuf heures cinquante-neuf, c'était le soir du 2 Mai 2016.
Dormir était un bon remède. Le fait était que l'adolescente pouvait oublier ses problèmes et ses incertitudes en ce qui concernait sa vie, son quotidien. La nuit lui permettait d'abandonner son masque, celui qu'elle portait tous les jours. Mais le matin arrivait si vite à chaque fois ! Quel dommage ! Le matin du 3 Mai venait de commencer à cinq heures sept pour Elis.
Marcher était une bonne activité bien que pour les autres personnes c'était une étrange activité. Elis aimait marcher seule dans la rue, près des bois ou ailleurs. Elle aimait sentir le vent sur son visage, écouter le silence. Un brin de plaisir, disait-elle lorsque quelqu'un lui avait demandé un jour. Le silence était l'un de ses meilleurs amis, toujours là, toujours réconfortant. Il ne parlait guère, il l'écoutait toujours et sa simple présence l'a réconforté. L'autre était la solitude, ici et là, toujours présente. Cela peut paraître bizarre de dire que le silence et la solitude étaient ses amis. Cependant Elis n'en avait aucun depuis que toutes les personnes qu'elle avait connu, l'avaient laissé tomber.
‹‹ Il y a une chanson qui me tient à cœur, celle du groupe Green Day: Boulevard of the broken dreams. J'adore cette chanson, énormément. Il n'y a pas un jour où je n'écoute pas de musique, je sais que celle-ci me tient en vie. Mais j'abandonne lentement, je tombe doucement.. ››
La journée fut belle, un immense soleil sur toute la France. Malgré que ça soit une journée de cours, enfants et adultes rayonnaient tous de joie. Le bonheur était l'une des choses qui lui manquaient. L'adolescente soupira, l'épuisement était visible sur son visage. La journée avait été fatigante pour elle.
L'école, le collège, le lycée ne semblaient pas si différents. Enfin pour elle, les professeurs lui avaient toujours reproché sa timidité, son air réservé et sa passivité comme si elle était défectueuse. La majorité du temps, l'adolescente réussissait à se faire complètement oublier. Elis ne souhaitait pas être au centre de l'attention, elle vivait dans l'ombre à l'insu de tous.
‹‹ Vous pouvez certainement leur demander... Si je suis dans leur classe, ils se demanderont qui je suis... Et puis vous leur direz que je suis dans votre classe.. Et ils tenteront de le nier. Je suis invisible. Ils m'ont oublié. ››
Le rythme régulier du stylo ne l'avait pas dérangé malgré que cela créait quelques douleurs au poignet. Elle ne s'en souciait pas. Les mots se gravaient furieusement, se discernaient, se déchaînaient sur les pages restantes. Le 3 mai se termina silencieusement comme la veille.
Trois jours où elle s'était faite porter absente n'était pas un hasard. Plus comme une coïncidence, Elis était tombée malade. Bien sûr personne ne le savait. Les jours défilaient dans une tournure monotone, les quelques personnes qui la voyaient lui jeter des regards dégoûtés. Par ces vêtements ? Par son visage ? Par son style de musique ? Elis n'aimait pas mettre du maquillage, elle ne s'habillait pas comme ces autres filles. Et Elis écoutait du rock et du métal.
Au 10 mai 2016 quand midi sonna, la maison était vide sauf pour une personne. Elis n'avait pas cours ce matin-là, elle était couchée dans la baignoire. L'adolescente pleurait, des traces rougeâtres marquaient sa peau. La douleur était trop forte pour elle...
‹‹ Ils le disent tous, qu'il faut en parler. Mais c'est si dur, je n'ai plus personne. À qui puis-je faire confiance ? Personne. La souffrance me ronge un peu plus chaque jour. ››
La branche se brisa en deux, les arbres dansaient au son musicale du vent. Au milieu de cette foule d'élèves de quinze à dix-neuf ans voire même plus, la pâle silhouette marchait comme un condamné marchant à son exécution. Personne ne semblait le remarquer. Les toits étaient difficilement accessibles cependant l'adolescente avait réussi à trouver un moyen à son problème. Ce jour-là, c'était son anniversaire.
Pour beaucoup, ils diront sûrement : « joyeux anniversaire », mais pour elle, cela avait une autre signification.
‹‹ Joyeuse mort. ››
Les larmes me montent aux yeux
La souffrance détruit mon âme
Les mots blessent mon corps
Je suis morte à l'intérieur.
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