Son dos heurta brutalement la surface de l’océan. Son corps coula aussitôt, encore hébétée de la chute du navire. L’eau l’attirait dans ses entrailles mortelles.

Les cris de ses compagnons n’étaient plus qu’un écho tout comme la terrible tempête qui l’avait fait chuté du navire. Le silence l’enveloppait — ses pensées n’avaient jamais été aussi bruyantes — l’accompagnait vers les tréfonds. Que Hermès les guide vers des horizons plus sûrs. Alex descendait de plus en plus dans les profondeurs, observait la lumière qui disparaissait peu à peu, n’offrant plus qu’une petite lueur.

L’antienne du secouriste résonnait dans son esprit pourtant Alex n’avait aucune envie de se débattre, ou tout simplement de se raccrocher à la vie. Elle avait un avenir prometteur certes mais un avenir déprimant, emprisonné dans un rythme déplaisant qui n’avait jamais suscité une quelconque envie chez Alex. Vivre (ou était-ce survivre?) ou crever dans l’ignorance la plus totale ; la vie était un jeu si cruel.

La noirceur la scellait dans les profondeurs là où son lit reposait. Soudainement, quelque chose jaillit et s’enroula autour de ses chevilles, l’attirant brusquement vers le fond. Alex ne réagit guère ; l’oxygène manquait.

Des bestioles apparurent, illuminant le fond de l’océan, lui permettant de voir l’immense créature possédant des appendages à faire frémir les plus aventuriers. Tantôt mentionné dans les mythes et légendes, tantôt raconté dans les témoignages, le Kraken se distinguait par sa prestance.

Alex se retrouva prise au piège dans une bulle. Celle-ci lui permettait de respirer, de tousser l’eau qui était rentrée dans son corps. L’inquiétude noua son ventre tandis qu’elle observait cet être majestueux s’agiter avec ses tentacules. Son esprit fut soudainement effacé, lavé de tout soupçon ou toute peur, avalé par d’étranges sentiments de bien-être. Un jet noir fut propulsé hors de la bouche de la créature, noircissant la vision de la jeune femme. Pis, des images vinrent l’envahir, l’enlacer, lui donner un puissant aphrodisiaque.

Le temps se figea. Elle ouvrit les yeux dans un salon familier, assise dans son canapé à regarder quelque chose dont étrangement elle ne pouvait rien percevoir, appréciant un bourgueil. Était-ce la soirée de son anniversaire ? Tournant la tête en direction de la table à manger, Alex aperçut des restes de nourriture, un gâteau à peine terminé et le cadeau qu’elle s’était offert à elle-même. Personne n’était venu, se souvint-elle avec le goût de l’amertume, encore et encore, comme toujours. Le souvenir changea rapidement, dévoilant sa vie et ses moindres détails. Était-elle en train de mourir ?

Une vive douleur lui affirma le contraire. Alex ouvrit les yeux à nouveau. Cette fois-ci, pas de souvenir. Le Kraken s’agitait toujours autant. Elle l’entendait chuchoter dans son crâne des paroles incompréhensibles. Petit à petit, la douleur se transforma en plaisir.

Ni homme ni femme ne l’avait jamais amené à un tel niveau.

‘N’étais-je pas censée me noyer dans les entrailles d’Oceanus ?’ songea la jeune femme pendant quelques secondes.

C’était si étrange, si plaisant, terriblement sensuel.

Le rêve se termina (ou était-ce la réalité ?) lorsque ses paupières se fermèrent, que ses poumons cessèrent de se soulever, que le Kraken stoppa sa magie. Il déposa le corps sans vie du jeune marin dans le cimetière de bâteaux puis il s’éloigna.

ELLE s’agenouilla. IL ne toucha pas le corps ni prit l’âme encore attaché à son vessel. Néanmoins, IEL déposa une boule d’énergie. La Mort se détourna, contente de son œuvre, et disparut.

Ce n’était que la fin du commencement.