Ma chère dague,

Par delà les mers et les océans, ta silhouette scintille si fort que mon bandeau se noue autour de mes yeux pour me protéger de ta puissante beauté. Je n’ose à peine me remettre de notre folle rencontre, de la cacophonie familière qui me permet de croiser le fer avec le reste du monde, de libérer cette rage qui brûle en moi.

Tu dansais là-bas, sur cet autre navire. Les canons hurlaient et se fracassaient, brûlaient et tuaient, et nous combattions librement. Tes habits joliment choisis cachaient ta figure appréciable et contrastaient avec tes yeux de la couleur de l’océan. Nous étions à l’opposé, nos regards se croisaient à chaque fois, mais jamais nous tentions de nous rapprocher. Belle et mortelle, ta lame n’épargnait aucune peine et me procurait un plaisir inavouable. Les ennemis morts, notre rencontre se terminait aux acclamations de nos équipages, alliés pour un unique but. Nos corps dansaient l’un contre l’autre jusqu’à que la nuit se fasse. Et le matin suivant, nous n’étions plus que de beaux étrangers.

Nous nous retrouvâmes ailleurs et partout. Nouées à la hanche de l’autre, nous étions un rêve à peine croyable, un dégoût permanent pour les puristes et une réussite pour le reste.

Hélas, le fil s’est brisé. Je t’ai vengé. Tu m’aurais vue si brutale, si haineuse, si vicieuse.

Que cette bouteille te parvienne dans l’antre de Davy Jones !

Il me tarde de te revoir.

Ma chère et tendre aimée, nous nous reverrons dans l’antre des marins au-delà des portes de la mort,

Ton étoile rouillée.