26. Mercredi
J’ôte lentement mon casque imaginaire et me mets debout, les fesses passablement ankylosées. Face à moi, Everest affiche une mine inquiète. Il me rappelle soudain à quel point j’ai pu avoir peur de lui avant de faire sa connaissance, comme il me terrifiait avec son bonnet enfoncé jusqu’aux sourcils et sa stature d’armoire normande. Levant le coude, il me braque une lampe torche dans les yeux.
— Comment tu te sens ?
— Ça va… je crois.
— Il est presque cinq heures du matin, mon gars ! Je t’ai attendu tranquillement dans la cabane, en lisant un bon bouquin (il extirpe un mince volume de la poche de son coupe-vent, je reconnais à sa couverture Le Petit Prince), mais ne te voyant pas revenir je me suis inquiété. Je t’ai finalement trouvé assis au milieu de ce banc, en train de gesticuler comme un diable sorti de sa boîte, et gueulant des trucs du genre « Tirez avec moi sur le manche ! On va s’écraser ! ». Tu remuais tellement que j’ai cru à une crise de je-sais-pas-quoi, j’ai eu peur que comme d’autres, tu sois devenu fou ! Je t’avais dit de revenir à la moindre bizarrerie. À la télé, ils racontent que des gens ont carrément disparu, pfuit, envolés ! Heureusement, tu es là et tu as l’air d’être toi-même.
Le géant me prend par un bras et me tire doucement au milieu de l’allée ; mes jambes sont en coton et mon estomac gargouille.
— Il faut rentrer maintenant, ta femme va s’inquiéter.
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