Les morts et leur Après.
Qu'y a t'il après la mort ? Telle est la question que tout le monde se pose mais à laquelle personne ne peut apporter de réponse
Les scientifiques pensent qu'il n’y a rien, le néant. Que nous reposons dans une vulgaire boite en bois à tout jamais. Notre corps commencera à se décomposer pour ne devenir que poussière. Triste n'est-ce pas ?
Les religieux, eux, pensent à toutes sortes de choses, tout dépend de la religion, évidemment.
Je me souviens que personne ne savait vraiment ce que mon prof de religion en pensait car tout le monde avait l’impression qu’il ne pensait à rien, qu’il ne se posait pas trop de questions…
Mais moi…
Moi je pense avoir trouvé la réponse à cette question si mystérieuse.
Moi, jeune fille de dix-huit ans pour l’éternité, je peux peut-être vous donner une réponse.
Cela peu paraître surprenant que moi , qui pendant les cours de religion écrivais dans mon petit cahier brun, n’écoutant pas tous les exploits du très célèbre Jésus, puisse avoir une quelconque réponse. Pourtant je pense en avoir une.
La vie n’a pas été tendre avec moi, ça il faut bien l’admettre.
Parents divorcés à l’âge de deux mois, je n’ai jamais pu voir mes parents ensemble. Et je pense que, jamais, je n’aurais voulu les voir.
Ma vie a été entourée de morts ; des morts tout simplement ou des morts-vivants, car oui, pour moi les morts-vivants existent. Je n’en ai qu’un seul exemple pour l’instant à vous citer -et je n’en aurai jamais plus d’autres- mon père.
Mon père est un mort-vivant car sur les papiers de la morgue, il n’est inscrit nulle part, il n’a pas (encore) d’adresse au cimetière ni une place bien au chaud auprès de Hadès. Mais dans mon cœur ainsi que dans ma tête, il est mort depuis pas mal d’années. Pour être plus précise, il est mort il y aura huit ans le quatorze septembre. Alors qu’y a-t-il après sa mort a lui ? Rien, normalement puisqu’il n’est pas mort pour de vrai. Mais malheureusement pour moi, il y a bien quelque chose après sa mort peu commune. Il est, ou plutôt, je suis condamnée à le voir réapparaître dans mes cauchemars régulièrement. Bien souvent, il essaye de me tuer, des fois il y arrive, des fois pas. Il se venge et c’est normal puisque c’est moi qui l’ai tué.
Pour les « vrais » morts, leur Après est beaucoup plus beau, moins douloureux pour moi comme pour eux.
Premier mort : ma grand-mère, deuxième mort : ma mère, troisième et dernier mort : moi.
Mais moi c’est différent, j’en parlerais à la fin.
Quand ma grand-mère est décédée, je n’y croyais pas, j’étais anéantie. Comment elle, qui était si pleine de vie, comment pouvait-elle être partie comme ça, un beau matin de mai 2012 ? Impossible, je ne voulais pas le croire, pourtant il a bien fallu. Quand enfin je me suis petit à petit rendu bien compte qu’elle ne reviendrait plus jamais, j’ai commencé à avoir l’impression qu’elle me surveillait de là-haut. Dans les moments difficiles, je regardais le ciel et bizarrement je me sentais un peu mieux. Je savais qu’elle me voyait, qu’elle me guidait, et surtout qu’elle me protégeait.
Quand ma mère est morte dans ce stupide accident de voiture un soir de décembre, j’ai cru que le sort en avait contre moi, ce n’était pas possible, les deux femmes que j’aimais le plus au monde venaient de partir en me laissant toute seule, sans repère. Je savais bien que ma mère avait rejoint ma grand-mère et du monde où elles étaient, elles me surveillaient toutes les deux. Elles auraient tellement été heureuses que je continue ma vie, le sourire aux lèvres, mais comment aurais-je pu ? J’avais déjà vécu une enfance difficile à cause de l’Autre Connard, et maintenant je devais faire face à la vie toute seule ? Non, je ne pouvais pas.
Je jure que pourtant j’ai essayé pendant quelques mois, j’ai repris les cours, je me suis occupé de la maison, trop grande pour moi toute seule. Je pensais même que j’étais arrivée à remonter la pente. Mais quand je l’ai vu devant la porte d’entrée, un grand sourire collé sur son horrible visage, je suis retombée encore plus bas. N’en avait-il pas assez déjà en hantant mes nuits ? Fallait-il en plus de cela qu’il vienne me voir la journée. J’ai voulu refermer la porte, mais son pied m’en a empêché, je savais que je ne pouvais pas faire face, pas toute seule. Si tu avais été là maman, j’aurai peut-être su et encore je n’en suis pas sûre, mais au moins tu m’aurais aidée. Et toi grand-mère ? Toi aussi tu aurais pu m’aider. Mais vous n’étiez pas là… pas physiquement du moins. Je vous ai entendu me crier dans ma tête de partir, de fuir ce fou, mais je ne pouvais pas, j’étais terrorisée. Jamais je n’aurais cru le revoir un jour. Je n’étais pas prête !
Il m’avait regardée de ses yeux affreux, j’avais cru pendant un moment que j’étais en train de faire un cauchemar, que j’allais bientôt me réveiller, mais rien ne se passa. Quand il entra dans la maison, je courus mais il me rattrapa. Il m’expliqua qu’il devait me ramener chez lui, que j’étais sous sa garde maintenant que ma mère était partie. Je savais ce que cela voulait dire, cela voulait dire être privé de liberté, vivre sous les ordres de ce monstre, ne plus jamais voir personne, ne plus jamais pouvoir se promener seule dans la rue. Les soirées entre amis, ce sera terminé. Je ne sais même pas si je resterai en Belgique…
Plutôt mourir pensez-vous ? Et bien c’est ce que j’ai fait. Après m’avoir balancé la bombe, il est parti en m’informant qu’il viendrait me chercher demain soir, le temps que je fasse mes valises.
J’ai attendu qu’il ne soit plus dans mon champ de vision, pour prendre mon vélo et rouler jusqu’au pont. Sous cet immense pont coule un grand fleuve, j’ai déposé mon vélo contre le mur et je suis montée sur ce dernier. J’ai regardé une dernière fois le ciel, une larme coulant sur ma joue.
- Je vous rejoins, attendez moi…
Et j’ai sauté.
Si seulement j’avais su… Si j’avais su qu’en mourant de cette façon là, je ne les aurai pas retrouvées, je ne l’aurais peut-être pas fait. Mais je n’en suis pas si sûre, je préférais cela que de vivre avec mon père…
Maintenant je suis condamnée à vivre comme un fantôme, à errer sur Terre. Après quoi ? Je ne sais pas. Peut-être ai-je une mission, je ne comprends pas. Cela fait maintenant trois ans que je suis morte dans cette eau glaciale une après-midi de février.
Mon corps a été retrouvé seulement deux semaines après par des pêcheurs, et je l’ai vu. J’ai vu mon corps être remonté à la surface par des plongeurs, j’ai vu le jeune policier vomir derrière la camionnette. J’ai vu mes quelques amis pleurer à mon enterrement. Mais Elles, je ne les ai pas vue…
J’ai alors, pendant ces trois années, suivi mes amis, je les ai vus aller sur ma tombe, celle entre ma grand-mère et ma mère.
Je les ai vu reprendre le cours de leur vie, tristement c’est vrai mais ils se sont serrés les coudes.
Mon père n’a jamais été sur ma tombe, il n’était même pas présent à mon enterrement. Je ne lui en ai pas voulu pour ça, car j’aurais fait pareil si ça avait été lui, il m’a fait trop souffrir.
Après m’être bien ennuyé pendant trois ans, à ne pas comprendre ce que je faisais là, j’ai décidé de mettre tout ce que je ressentais sur papier. Et je ne sais pas pourquoi, mais plus j’approche de la fin de cet écrit, plus je me sens légère.
Peut-être était-ce ça ma mission ? Je ne sais pas.
Je sens que je pars, je vois au loin deux silhouettes s’approcher de moi. J’ai peur. Je sais très bien que personne ne peut me voir, de plus je suis dans une vieille usine abandonnée, personne n’y entre. Alors qui sont ces deux personnes ? Elles s’approchent toujours de moi, mais je n’ai pas envie de m’arrêter d’écrire. Leurs visages se font plus distincts, je peux enfin les reconnaître.
Grand-mère et Maman.
Je n’arrive pas à croire ce que je vois, après les avoir cherchées pendant trois ans les voilà enfin devant moi, un immense sourire aux lèvres, les bras tendus vers moi. Vais-je enfin pouvoir vivre en paix ? Ou plutôt mourir en paix ? Vais-je moi aussi pouvoir surveiller ceux que j’aime ?
Elles étaient toujours là, derrière elles, tout était brouillé, je ne pouvais plus voir les décombres ni la porte de secours en ruine. C’était comme une forme de brouillard apaisant.
Je pense que je vais les suivre, j’en ai envie.
Je veux dire Adieu à cette vie, de toute façon je pense que j’ai fini de vous raconter ma vie et mes sentiments.
Je vous tire ma révérence !
Amina Muller.
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