11. Selenn.
Selen Caril ignora que le jour de ses vingt ans était arrivé. Depuis de nombreuses années, son esprit n'était que prières et louanges pour Auxane, sa déesse. Les notions de jour et de nuit n'étaient plus que de lointains souvenirs. La dévotion était sa vie. Son ancienne existence n'avait été que souffrance, incapable de trouver sa place dans un monde qu'elle ne comprenait pas. Sa déesse lui promettait une vie de plaisirs et de douceurs.
Allongée sur le sol, elle se sentit entrer en transe. Tous ses membres tremblèrent et Selenn s'expulsa de son corps. Ivre de liberté, elle s'envola, virevolta, et tourbillonna à travers les rues de la cité Blanche. Les visages défilèrent, anonymes, jusqu'à cet homme qui attira son attention, il courait à travers les ruelles de Cyryul. Elle ne reconnut pas immédiatement son père à cause de sa maigreur et de sa saleté. Le temps de se rapprocher, il mourrait et cette grande femme riait. Elle contempla le visage de son géniteur. Puis vint la douleur, soudaine, intense, telle une lame la coupant en deux. Une sensation oubliée. Elle s'éveilla et hurla. La jeune femme vomit sur le sol de marbre et cria à nouveau. La sueur coulait sur son corps nu.
Le froid.
La lumière éblouissante, comme si elle ouvrait les yeux pour la première fois.
Elle regarda autour d'elle avec des mouvements de tête vifs et désordonnés.
Une grande pièce ronde.
Des murs blancs immaculés.
Un plafond haut.
Des hommes, des femmes, nus.
Agenouillés.
Debout.
Assis.
Enchevêtrés.
Et ce murmure continu comme une plainte qui lui vrillait les tympans. Elle hurla encore et encore. La douleur insoutenable la tenaillait dans tout son être. Sa peau était à vif. Le moindre souffle transformait son épiderme en un brasier brûlant. Elle tenta de se lever plusieurs fois sans y parvenir.
Chaud.
Froid.
Elle grelottait. Elle finit par s'appuyer sur un amas de corps mélangés, leur peau glissait de sueur. Des larmes incontrôlables coulaient sur ses joues. Selenn enjamba l'amoncellement de corps à peine vivants. Elle progressait lentement en titubant. Elle se sentait si faible.
Où était la sortie?
Du noir sur les murs blancs, une ouverture. Elle tenta d'accélérer ses mouvements mais ses jambes étaient lourdes. Finalement au prix d'efforts intenses, elle parvint à s'engouffrer dans la nuit de la porte.
Des escaliers. Des torches vacillantes.
Et toujours ces litanies qui se répandaient comme un liquide visqueux. Elle trébucha et se sentit chuter dans les ténèbres. Une longue descente. Une voix. L'obscurité l'enveloppa.
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