La mort.
- Partie une: Rencontre avec soit-même.
Per noctem cæcam.*
Souffreteux. Homme sans âme. Perfide et immolé par sa folie. Esprit mordillé de toutes parts par les méandres des ténèbres. Se relève et retombe dans l'obscurité. Devient homme, puis enfant. Néfastes résistances à l'imparable. Gravitant les marches avec peine. La noirceur prend son pli d'un passe-droit accordé. Luttant, frustré. L'escalade se fait. Persistant. Farouche. La force donne les dernières lumières pour braver la noirceur. Luminaria*. Tenebrae*. En haut de la colline de marbres. En haut de ce mont d'or. À genoux devant l'immensité et la grandeur construite par les Hommes. Quelque chose de divin. L'immense porte de bois se dresse dans cette faille temporelle. Les gravures représentent les vainqueurs du Sans-Nom. Le Diable tombe à Terre. Terrassé, vaincu par la Lance de la Justice d'un Archange en armure. La lange de serpent se dresse aux pieds du victorieux. L'esprit se brouille de nouveau. Les yeux se ferment. Lumière. Ténèbres. Tout s'éteint de nouveau. Surprise et stupeur dans la torpeur de l'instant. Le corps s'écroule et les gestes ne répondent plus. Le seuil ne sera passé. Les chants des prêtres ne sauront voler au secours. Il est trop tard. La pensée s'abîme. Le trou se forme. Long tunnel acariâtre. Les pieds se dérobent sous la respiration fastidieuse. Les poings se resserrent. Se ferment. Se libèrent d'une effluve sanguine à présent inexistante. Sous les Astres du ciel noir, la dépouille s'en va commençant la décomposition affectueuse de la Nature. Concret, le vide appelle le vide. Le sombre appelle l'obscure. La déchéance tombe dans l'oublie dans une valse intrigante et interminable. Sans fin, la course folle se poursuit sans que les mouvements ne soient réalisables. Pourtant, en haut de cette colline de marbre, le corps d'un aveugle ne saurait mouvoir. Seule l'âme, invisible offrande des Dieux sait se défendre contre les attaques trop nombreuses des assaillants. Des bras se soulèvent. Sortant de Terre. Prenant ce qui leur appartient. De bien triste cris infernaux se croisent dans l'atmosphère et se percutent dans une explosion sonore d'une tristesse absolue. Les souvenirs rejaillissent et toute une vie se voit clore sous des yeux intéressés. Plus un mouvement. Plus un bruit. Plus même une musique pour diriger l'orchestre d'une vie dont le palpitant a lâché sévèrement. Les pulsions n'interagissent plus. Le Démon ne se relève plus. Le sang ne s'écoule plus. Toc. Toc. Toc. Puis, plus rien. Le vide. La solitude. La souffrance. La remise en question. Et là. Là. Un vacarme absolu. Des lumières vives de toutes les couleurs. Du Rouge. Du Jaune. Du Bleu. De l'Or. Le temps devient lent. Les figures passent et trépassent agonisantes.
Je revois.
Je vois tout.
Des premiers cris sous un toit de chaume.
De la mère qui, meurtrie sur une table, accouche de son fils. Des pleurs, des hurlements, de la souffrance. Stop. Silenzio*. Une claque. Bleu. Deux claques. Bleu. Trois claques. Respiration. Râle exaltant du souffle qui reprend. Panique sur les bords. Tout va. La mère heureuse, prend son être cher. Celui qui a, dès les premiers instants, offert ses blessures et son sang. Sortons les violons. Démon. Ange. Choisis ton camps. D'un poupon qui entre les âges se fait plus grand, plus fort. Forgeant un esprit de plus en plus carnassier. D'humeurs changeantes, l'être pudibond devient quelqu'un. Las de jouer avec une épée en bois, il arpente les ruelles à la recherche d'une sensation. Il sait marcher, et use de ses pieds pour battre le pavé. Il sait parler, mais n'utilise ses cordes vocales qu'à bon escient. Il sait lire et écrire, mais ne le dit pas. Il est mal vu que de paraître intelligent lorsque l'on est pauvre. La pauvreté se lit sur les visages, et dès que l'on passe le quartier de l'habitat, tout se sait. Tout se voit. Tout se ressent. Puanteur grandissante en même temps qu'un corps chétif se fortifiant. Le trou se creuse au toit qui couvrait si bien cette belle famille. Une mère aimante qui cuisinait ce qu'elle pouvait. Un frère d'une gentillesse rude. Rien ne suffit pour combler le coeur d'un chérubin. Le sourire était toujours présent. Sincère. Émouvant comme les éclats de rire. Pourtant, à l'orée de la majorité, une vie se peut basculante. Du mauvais côté suite aux mauvais choix. D'un réveil, une fois se fait forte. Une musique se joue. Les candélabres vacillent sous les yeux des avertis. Lumière. Ténèbres. L'Antre du Diable se creuse dans les reins et remonte par les veines jusqu'à l'esprit étriqué. Une voix paraît. La première d'une longue série. On ne comprend pas toujours ce qui nous appelle, ceux qui s'adressent à nous. On a peur. On frémit. On jouit d'une présence rassurante. Le calme et la sincérité d'une voix de plus en plus forte. De plus en plus présente. Pressante. Libérons nous des chaînes imposées. Le parcours sera grand. Tu seras quelqu'un. Tu seras celui qui seras. Le Héros d'une vie. Mène-là. Chérie-là. Deviens important. Fissure exorbitante. Fêlure lancinante. L'esprit se brouille, déjà. On se lève un matin. On n'adresse ni sourire, ni paroles. La mère se pose des questions. L'Ange quitte la demeure familiale. Les heures passent, les coeurs trépassent. Dans un vacarme, un gorge s'entrouvre. Le sang balaie les mains chétives. Le Monstre revient. Il entre. Sanguinolent. Il va à table. Il avoue tout. Un gamin, trouvé au détour d'un chemin croisa la lame fraîche. Trépasse. Dernier râle. Mortel. Les aveux fendent l'air. Les larmes fondent. La mère craque. Le fils se relève et se barre sans jamais se retenir, sans plus revenir. Des jours de marche. La voix accompagnatrice. Les méfaits continuèrent. Une taverne. Un membre entravé d'un homme qui n'enfantera plus. Une autre voix. Féminine. Rassurante. Positive. Libertad. Libertad. Libertad. La Lune dans l'obscurité éclaire mon chemin. Sélène. Sélène. Sélène. La liberté même dans le ciel brillant. Les points se laissent percevoir. L'intelligence prend le dessus. Paris. Cour des Miracles. La formation se fait. Se défait. Les contrats pleuvent. Le sang coule. Les meurtres suivent. Les écus sonnent, trébuchants dans la bourse. Heureux. Bonheur. Cette voix qui me guide et me donne la force et les pulsions nécessaire. Il faut la chérir. Elle est à moi. Elle est moi. Monstre que je suis. Monstre que tu n'es point. Chercher à me comprendre? Non, point. Apogée. Une main tendue. Chevalerie. Courtoisie. Lyre. Une lèvre, une femme, un enfant. Niurka, à toi. Amour d'une vie qui se termine lentement sur le haut de cette colline chaste. Ma dépouille ornera la lisière des Grandes Villes comme un avertissement à ceux qui commettent les parjures des offrandes à la Mort. Les souvenirs sont plus larges, plus nombreux. Adieu. Adieu. Adieu. Je ne suis plus. Je ne vis plus. Je le sais. Je le sens. Je le vois.
La chute infernale reprend.
Je touche terre. Enfin. Je me relève. Je ne vois déjà plus. Plus rien. Quo vadis?* Une lanterne au loin apparaît. Ne répercutant aucun mur. Aucun obstacle. Rien ne se voit que le son d'une eau secouée. Légère et presque imperceptible. Silencieuse. Se rapprochement lancinement. La peur s'empare de l'être, mais le coeur ne bat plus. Effroyable atmosphère pesante qui vient se rompre d'une nouvelle main tendue. La dernière d'une vie. La seule d'une mort. Une main sans chair, sans muscles, sans sang. Une main de squelette d'un blanc magnifique et inquiétant. Je la prend. Elle me fait gravir la marche jusqu'au navire. Une barque. Une gondole. Un long bâton servant de rame brouille la surface d'une eau si sombre que rien ne s'y perçoit. La lanterne me permet simplement de jauger l'infamie me conduisant à un destin funeste. La longue route se trouve longue. Rien ne bouge. Rien ne parle. J'ai envie de rompre le silence. Mais rien ne sort. Ma voix ne porte plus aucun écho. Mes gestes n'ont plus le moindre effet. Je ne puis me relever. Je dois attendre. Après quelques instants d'une éternité, des cris montent. Se font entendre de plus en plus puissants. Des bras translucides quittent l'eau profonde pour s'agripper à la barque. Le Styx abrite bons nombres d'habitants. Des pauvrets sans nom. Sans âme. Perpétuellement à se repentir sans qu'une voix ne se prête à l'entente cordiale du gardien des lieux. Je me penche un peu plus. Deux bras s'agitent autour de moi, m'attrapant la chevelure. Manquant de me faire tomber, de faire chavirer le navire de fortune. Je reconnais cette tête. Ce gamin. Il y a quelques années. Mon premier. Il est là. Ici. Je lui ai offert la liberté éternelle. Un cadeau qui me tient à coeur. Et le voici, souffrant. Dans les abîmes. Dans les limbes. La déchéance. Le cadeau d'une vie qui n'est que souffrance éternelle. Je vois d'autres fantômes de mon propre passé. De mon existence. Ma première compagnie. Mon premier amour. D'un coup de lame dans le coeur. Je l'aimais. Elle m'aimait. Je vois aussi ce tavernier mort d'un coup de dague dans les parties. Mort d'une souffrance lente. Il agonise. Là. Un bouffon à qui j'ai offert le Sourire de l'Ange. Je ne savais même pas qu'il était mort de mon acte. Je ne lui voulais rien de mal. Juste lui offrir le visage qu'un bouffon se doit d'avoir. Mais il est là. Me maudissant certainement dans sa langue coupée que je ne comprend. Tant d'êtres qui se trouvent là de ma faute. À cause de moi. Monstre égoïste et égocentrique. Horreur de la nature. Le navire frappe à sa proue une terre imperceptible. Le Squelette me fait descendre. Ce passeur tend la main. Je fouille mes poches pour en sortir quelques deniers. Il repart. Aussitôt. Sans réclamer plus.
La terre bouge sous mes pas.
Elle se dérobe à chacun de mes pas. Je glisse plusieurs fois avant de, finalement, tomber. La terre a goût de sang. J'ai l'impression d'être sur les entrailles du monde. Les entrailles de la mort. Je comprend, que peu de temps ensuite, qu'il s'agit de tout le sang que j'ai versé. Je pourrais me noyer dedans si j'absorbais la totalité de ce liquide là. Je passe une main sur mon visage. Tente, en vain, de me réveiller. De sortir de ce cauchemar qui n'en est point un. Je suis mort. Bel et bien. Il serait idiot de penser le contraire, je dois accepter le baiser de la Mort. Celle qui voulait me rejeter. Qui m'a toujours rejeté car je lui étais serviable. Aujourd'hui, je ne dois plus être d'une quelconque utilité. La relève doit être assurée. Je m'en vais à ma retraite. Debout. Lève-toi. Affronte ta destinée. La marche se poursuit. J'ai toujours l'impression d'être aveugle. Une lumière jaillit face à moi. Un séisme. De nouveau, les pas se dérobent à moi. Le sol mouvoie. Des éclats de roche me sautent à la face. J'entend quelque chose se diriger vers moi. Mon visage se crispe. J'ai envie d'hurler, mais ne le puis. Une nouvelle flamme aide mon regard à se poser. Puis, une autre. Plus grande. Plus belle. Plus forte. Plus chaude. J'ai l'impression d'être sur un bucher. Ces braises ardentes me piquent les pieds. Je sue. Je transpire. La chaleur est étouffante. Il semble qu'une faille dans une immense montagne se forme devant moi. Puis. Une masse sombre s'approche lentement. Ce qui sembleraient être des pattes immenses frappent le sol en ma direction. Les braises alimentent ma vision. Je vois. Je vois une langue. Puis deux. Puis trois. Je lève la tête. Un couinement. Des piallements stridents au dessus de ma tête. Des oiseaux. Des harpies. Je les reconnais. Elles veulent se jeter sur moi et me piquer, me mordre, me manger. Je suis coincé entre la Mort et la Mort. Je reste. Impassible. Scrutant à présent la grosse masse devant moi. Trois museaux. Trois paires d'yeux. Trois paires d'oreilles pointues. Trois têtes de chien monstrueuses. Cerbère. Les poils font la taille d'un homme. Noirs. Pelage ne reflétant aucune lumière. Aucune brillance. Les yeux rouges et enflammés sont tels des globes terrestres. On dirait une montagne vivante. Une incarnation de toute l'horreur en ce monde. Les trois têtes se baissent devant moi laissant paraître des canines majestueuses et ensanglantées. Je me vois dans le reflet d'une bave. Les têtes me sentent. Une après l'autre. Il semble s'agenouiller devant moi. Se met à grogner. Hurler à la Mort. S'en va. Les harpies le suivent. Je m'engouffre dans la fente sans conviction d'y trouver bonne cause. Bonne fin.
L'Enfer.
C'est comme si j'avais déjà mis les pieds ici.
Comme si je connaissais chacun de ces pavés. Chacun de ses recoins.
Je me sens comme chez moi.
J'ai peur.
Je tremble.
Je suffoque.
Mais je me sens si libre.
Si bien.
Si prospère.
Je suis mort.
*Per noctem cæcam: Pendant la nuit obscure
*Luminaria: Lumière
*Tenebrae: Ténèbre
*Silenzio: Silence
*Quo vadis?: Où va-t'on?
- Partie deux: Les Héros de ma vie.
Sonata quasi una Fantasia per il Clavicembalo o Piano-Forte.*
Lancinante. Perturbante. Planante. Les cordes vibrent au fracas d'un marteau. Le dièse appuie l'impulsion démoniaque. La respiration se coupe dans les rebondissements des touches d'ivoire. Blanches. Noires. La lumière et la nuit. La Sonate au Clair de Lune. Lune Infernale. Territoire des souffrances éternelles et de l'esprit torturée à perpétuité dans une cage succincte. Étroite. Machiavélique. La tristesse s'émane par tous les pores de l'Enfer. Une tristesse dérangée par la sueur de la crainte. De la perdition. De l'entrave à la liberté de vivre dans le bonheur. Dans la douleur de se faire ravir un sourire d'ivoires éclatants. On ferme les yeux. L'obscurité. On les rouvre. L'obscurité. Ad Vitam Aeternam*. Seigneur, pourquoi t'ai-je donc renié. Bafouer ainsi le droit chemin, bifurqué au-delà des buissons ardents et arpenter les détroits minutieux de l'apocalypse, brandissant l'épée de la vengeance, le glas de la défaite sur les innocents de ce monde. Oh, Seigneur. Pourquoi m'infliger pareille déviance lorsque ma quête de spiritualité ne s'achève qu'à peine? Seigneur, le Pardon n'est point à goûter lorsque les fers en mes poignets m'empêchent de tendre les mains vers le Ciel. Je suis enchaîné. À jamais les limbes. Dans les marais maudits. À arpenter le moite et l'obscur de l'endroit délirant. Retrouver mon passé. Ceux qui ne me pardonneront jamais de les avoir envoyé là. J'aurais beau m'excuser, me faire pardonner. Le Mal est fait. Sans-Nom victorieux. Seigneur riant de ma défaite. Ange Déchu. Mes ailes ont brulé depuis fort longtemps déjà. Je l'ai ai perdu à l'orée de ma majorité. Je les ai perdu grâce à mon démon. Mon Bélzébuth. Ma folie. Je suis un monstre. La raison d'un genou à terre, à présent, est gage d'acceptation de mon sort. Il fallait que je me doute de l'instant présent, de ce qui allait m'arriver. La vie reprend son droit sur l'ancienne puissance de ses enfants néfastes. Je m'agenouille devant mon nouveau Seigneur. Devant la Mort. Qu'elle me passe ses bras froids autour de mon corps. Qu'elle m'englobe. Qu'elle me chérisse comme un enfant. Qu'elle me punisse. Embrasse-moi. Bella Morte*. J'ai froid. Je tremble. Je transpire. J'étouffe. Ma peau semble se désunir de mon être. Ma chair s'envole pour brûler avec le reste du peu d'humanité que j'avais. Les aspérités de mes os perdent de leur rougeur. Le sang s'embrasse dans une danse criarde. Une explosion. Plus rien. Je suis toujours à terre, dans l'incapacité même de reprendre mes fonctions naturelles. Qu'ai-je fais pour mériter cela? Ne puis-je donc revenir en arrière? Ne serait-ce qu'une fois? Ne puis-je...
-"Roberto?"
La tête d'os se retourne complètement sur la colonne.
Les orbites vides, creux, sombres s'arrêtent sur une femme. Une femme à l'allure si pure. Blanche, noyée dans un chagrin véritable. Lumineuse. Voix rocailleuse d'outre-tombe. Je reconnais. Je me souviens. Cela me bouleverse complètement.
-"Il mio ragazzo?*"
-"Si. Madre.*"
Exposition d'une bouche bée.
Mère. Comme au dernier jour. Comme quand je t'ai laissé pour partir, de façon totalement égoïste. Hypocrite. Égocentrique. Mère qui a, pour moi, tout donné. Tout laissé tomber. La remerciant d'un unique cadeau que mon départ les mains couvertes d'un sang étranger. Pleurant. Plaintive. Elle a songé à donner fin à ses jours en voyant le monstre que j'étais. Elle a eu le temps de s'en remettre avant de sombrer à nouveau sous les corps libidineux d'un homme en chaleur. D'un spadassin. D'un guerre qui n'était sienne. Elle a souffert de ses cuisses entrouvertes pour accueillir les germes d'un malpropre qui a, lui aussi, goûté le fer de ma vengeance. Ainsi que sa compagne qui se trouvait là, au mauvais endroit, au mauvais moment. Je t'ai vengé, mère. Je suis certain que cela n'est pas d'un grand réconfort lorsque l'on peut voir où cela nous a mené. Ou cela me mène. Ton fils, ce grand imposteur, ce fauteur de troubles, cet impotent incapable de faire le bien. Incapable de semer pour récolter. Si ce n'est la douleur, l'indifférence, la terreur. Pour toi, j'ai essayé de changer, mais cela n'a mené à rien. J'ai ces pulsions au fond de moi. Cette musique qui guide mes pas. Je suis une marionnette à la merci de ces démons qui nous entourent et qui scrutent chacun de nos gestes. Mère. Je suis un chien à abattre. Je suis un chien abattu. Je mérite ce que je vis à présent, ce triste sort. Je ne veux le partager avec toi. Tu mérites mieux. Mieux que moi. Mieux que l'Enfer. Mieux que la Mort. Je te délivrerais de ces maux, ma très chère, pour te guider au plus haut. Tu ne sembles pourtant pas si abattue. Tu es magnifique et rayonnante. Jeune et belle. Ne serait-ce un sourire que je puis voir poindre sur la commissure de tes lèvres? M'est-il adressé? Suis-je pardonné? Il fait longtemps que je n'ai pu observer tes courbes parfaites. Ta droiture exacerbée. Ta chevelure brune soyeuse. Tu vois, mère? Un toit de chaume troué par les tempêtes que nous avons essuyé. Il se forme au dessus de nos têtes. Tu te souviens, mère? Nous vivions là. Heureux. Reclus dans notre société et notre monde à nous. Mère. Veux-tu revivre ces instants? Balayer le passé et tout recommencer? Regarde ton fils. Mon frère. Leopold qui joue de ses jouets de bois, ses petits soldats. Non, ne pleure pas, souris. Ne me laisse pas dans la tristesse et la solitude. J'en ai assez de cette vie de misère. Fais moi plaisir. Comme au bon vieux temps. Tu es magnifique. Tu es grandiose. Le son de ta voix me donne la chair de poule. Viens que je te touche le visage. Rien. Que le vide fantomatique. Je ne puis même t'embrasser. Le souffle nous sépare encore. Je me contenterais de t'admirer. De te voir. De te parler.
-"Che cosa vuoi ancora?*"
-"Volevo dirti che ti amo*"
-"censurato*"
La première plaie s'entrouvre.
Mon coeur se déchire sous la lame stridente et puissante des obscénités que l'on ne souhaite jamais entendre de la part d'une mère. Des lames viennent poignarder mon visage. Mon crâne. Des stries se creusent sous l'impact de l'acidité du liquide lacrymale. Les larmes coulent. Mon esprit embrouillé sous la pluie de ma tristesse. Sonne le glas, à nouveau, de mes espérances. Je te retrouve. Tu me détournes. Je ne peux t'en vouloir après ce que je t'ai fait. Oublie-moi. Je ne t'oublierais. Jamais. Sois-en certaine. La volonté veut et les gestes se font. Lorsque je m'amène à toi pour t'enlacer, je brasse de l'air. Je réitère. Je te veux. Pour moi. Avec moi. Viens. Tu m'échappes encore. J'étais à deux doigts de toi. Deux doigts de t'avoir rien que pour moi. Les yeux clos, je tente une nouvelle de t'attraper. Un souffle chaud s'empare de moi. Je sens quelque chose entre mes bras. Je t'ai. Pour moi. Rien que pour moi. Complainte égoïste. Mais je t'aime. Je me blottis en toi. Contre toi. Je me sens bien . Comme dans un cocon où le confort est réel. Je reste quelques instants ainsi avant de rouvrir les yeux. Malédiction! Ton corps n'est plus. Ton faciès si joli ne m'apparaît plus. Je perd à nouveau pieds. Ce que j'enlace n'est autre qu'un rejeton de l'humanité. Un sbire ignoble à l'allure repoussante. Je me recule. Je tombe en arrière. Je rampe à reculons pour éviter de le voir si près de moi. Il disparaît. De nouveau seul. La solitudine*. J'ai mal. Très mal. Mon coeur se perd, se tord, se distord. Je deviens fou. La douleur irradie tous mes faits et gestes. Je dois me relever. Je le fais. Je dois m'en aller. Je ne peux déjà plus. Je ne vis déjà plus. Je dois me dégager. Aller ailleurs, là où ça fait moins mal. Je marche. Je cours. Mes pieds s'envolent. Je parcours un étroit couloir. Les visages de mes disparus. Mes héros y sont affichés. J'arrête ma course un instant. Sélène. Elle est là. Dessinée sur les murs sombres et suintants. Je l'observe un instant. Mon ébène. Ma Lune. Je ne te savais partie. Pourquoi? Es-tu là à cet instant? Me vois-tu? Puis-je t'admirer de plus près? Non. on portrait s'éloigne lorsque je m'approche de toi. Je ne puis même toucher la peinture qui te représente si bien que la réalité ne saurait insuffler plus de véracité. Tu es magnifique mon amour. Tu es belle et resplendissante. Je te souhaite, réellement, de ne vivre pareils déboires que la Mort ici-même. Tu dois être là-haut. Point sous terre, pourrissante telle une loque, une vermine. Non. Tu es un Ange. Point déchue.
-"Robert."
Un murmure.
Une voix me fait trésailler, à nouveau. Je la connais. Elle a grandit avec moi. Elle a fait ce que je suis. Je tourne la tête. Au bout du couloir, je perçois une queue. Grande. Gigantesque. Touffue. Cerbère me surveille. Il veille sur moi pour me conduire sur la bonne voie. Ou m'enfoncer un peu plus dans les entrailles d'Asmodée. J'y vais. Je te suis. Destin funeste. Je m'avance vers toi. Je longe ce couloir qui s'apparente plus à un boyaux dépouillé d'humanité. Le sang coule de partout, encore une fois. La pièce est rouge sombre. Au fond, les ténèbres, une fois de plus. Point de longue attente. Des torches s'allument les unes après les autres. Je me trouve au bord de ce qui semblerait être le Phlégéthon. Un fleuve fait de flammes qui entoure la prison des esprits machiavéliques. Des mauvais. Comme moi. Devrais-je terminer ma course ici? Dans une cage entouré de feu? Devrais-je vivre pour le restant de l'éternité ma vie ici-même? Ma punition? Je regarde tout autour de moi. Les mêmes murs sombres. Une roche noire, impénétrables. Au bord du fleuve, je ne perçois aucun fond, mais mes pieds semblent fondre sous la chaleur. Je ne suis même pas dans la possibilité de transpirer ou de montrer le moindre signe d'un humain ordinaire face à pareille situation. Je vois bien au loin les prisons. Jaunes. Rouges. Bleus. Des créatures s'y trouvent derrière les barreaux, tentant de s'en extirper au possible. Impossible. Impassible. La cage ne se laissera vaincre de quelques plaintes. Les hurlements stridents, désincarnés, me dérangent que trop. Mon esprit est perturbé par tout cela. Mes yeux s'orientent à nouveau vers cette eau bouillante. Une queue écaillée en sort. Un bruit sourd l'accompagne. Les flammes se soulèvent. Je m'écarte. Admirant le passage du Léviathan. Gardien des prisons. La traversée me semble si impossible. Si intangible. Je ne puis retourner en arrière. Le couloir que je viens de traverser semble se clore sous les gravats tombants. Je suis perdu. Pire endroit que le précédent. Si je parviens à poursuivre, que m'arrivera t'il? Ma course n'est plus d'actualité. Je suis foutu.
-"Robert."
-"Qui êtes-vous?!"
-"Je suis."
Mes yeux se plissent.
Je vois une forme au fond. Une sorte de fumée verdâtre qui se dessine hors du sol pour remonter formant une silhouette presque humaine. Je ne parviens à distinguer le visage d'où je me trouve. Je reste à ma place, persistant à le dévisager. Il semble poursuivre sa mutation, sa création. Il devient plus solide, plus consistant. La fumée s'évapore. Masse sombre inquiétante. Je vois perler deux boules rouges au niveau de ce que je pense être le visage. Deux bras longs poussent sur les flancs. Il semble faire cinq mètres de haut. Terrifiant de force. Les pupilles enflammées se projettent sur moi et un sourire jaillit hors de terre pour prendre place sur le visage. Deux canines viennent grandir par dessus les lèvres et des cornes s'élèvent au dessus du crâne. S'abaisse sur le visage avant de pointer le ciel à nouveau. Je ne parviens à distinguer si cette forme a des jambes. On dirait une large robe noires de brume épaisse. Les lèvres bougent, le bras se lève, un doigt long à l'ongle pointu se dirige vers moi. Je l'admire. Il est la peur même, le prolongement de ma douleur. J'ai juste l'impression de le connaître depuis toujours. Même. Me voir en lui. Je ne le crains pas, il ne semble me vouloir du mal. Ou si le mal me veut, il me l'a déjà octroyé et ne peut plus rien pour moi. Je ne sais ce qui se passe à cet instant, mais un sourire épais se dessine sur mon crâne. La chaleur dans mon être semble m'indiquer que je suis de retour. De retour où? Chez moi. Là où j'ai toujours du être. Là où ma vie a un sens réel et pratique. Je ne me défile pas. Je l'attend. Il s'approche de moi. Il est encore loin. Cerbère apparaît. Il saute sur la forme. Cette dernière lui caresse ses trois têtes. La bête s'assied, reste en place. La créature brumeuse continue son avancée. Marchant sur les flammes. Comme le prophète sur l'eau. Mon coeur palpite, cette fois. Devient cendre. Je m'envole. Je me laisse avancer tout seul. Je vais vers lui. Je m'enfonce vers lui. Je fond vers lui. Presque en lui. Je suis à sa hauteur.
-"Je suis toi."
*Sonata quasi una Fantasia per il Clavicembalo o Piano-Forte: La Sonate est comme une fantasie pour le Clavecin ou le Piano-Forte (Sonate au Clair de Lune de Beethoven)
*Ad Vitam Aeternam: Pour l'éternité
*Bella Morte: Belle mort
*Il mio ragazzo: Mon garçon
*Si. Madre: Oui, mère
*Che cosa vuoi ancora?: Qu'est-ce que tu me veux encore?
*Volevo dirti che ti amo: Je voulais te dire que je t'aime
*censurato: Va te faire voir
*La Solitudine: La Solitude
- Partie trois: Une Erreur Mortelle.
Il Trovatore.*
Comme un trouvère, je me trouve ici même, semblant être un pantin désarticulé qui raconte une histoire. Un bouffon dans une salle princière, royale. Un de ces gens dont la vie n'a aucune réelle importance, et donc aucune mort concrète sur laquelle s'apitoyer. Je me sens si petit, si fragile, si frêle et sans importance. C'est comme si je jouais du violon sans que le moindre son ne puisse quitter mon gosier nonchalant. C'est comme si la voix m'était complètement enlevée, que je puisse chanter les louanges d'une beauté ou d'une chose si puissance que cela octroie la plus grande des peurs. Extinction complète de mes sens. Seuls mes yeux regardent, scrutent et guettent la moindre imprudence de l'autre. De moi. Il est moi. Je suis lui. C'est comme si nous faisions qu'un, mais il semble si imposant, si majestueux, et moi, modeste trouvère ignorant, je n'ai pas ma place devant lui. Même un genou à terre serait une insulte pour cette grandeur affolante. Pourquoi serait-il moi et moi lui? Pourquoi répond il de la sorte de cette voix que je connais si bien depuis que je suis petit. De cette voix propice à m'effrayer et me rassurer en même temps. Je sens cette harmonie qui me chatouille les songes, et je sais que je lui appartiens tout comme il m'appartient. Je sais qu'il a géré mes esprits durant toute ma vie, mais je ne l'avais jamais vu. Je n'ai jamais pu le voir. Ça ne fait aucun doute qu'il s'agit là du responsable de mes pulsions. Le responsable de mes diaboliques actes. Le responsable de ma déchéance. Il ne fait aucun doute que c'est pour lui que j'ai travaillé toutes ces années afin de remplir d'âmes malheureux ces Enfers fructueux. Le charme saurait agir. Il a ce qu'il veut. Et il m'a moi, en prime. J'ai fait un pacte avec le Diable, le voici à terme. Il peut sourire. Oui, je peux le voir sourire de ce halo de fumée qui se bouge sur un semblant de visage. Il brûle le miens. Il consume mon être. Je ne peux me défendre. Je ne peux rien faire, ni même bouger, ni même protester. Il a le contrôle sur moi comme depuis ma plus tendre enfance. Pauvre fou que je suis d'avoir damné mon être pour un tel démon. Son souffle me glace et me brûle. Ses yeux me chatouillent et me piquent. Mille coutelas arpentent ma peau déchirée. J'ai mal. J'ai peur. Je veux partir d'ici. Il semble s'amuser de me voir ici. Ne s'y attendait-il pas? Pourquoi cet air hagard et rieur? Pourquoi explose t'il de rire à présent? Pourquoi ce regard compatissant? Je ne comprend rien. Cet endroit me rend fou. Je suis pris au piège, encore plus que dans ma vie. Faites que je rêve.
-"Non, tu ne rêves pas.
Mais je ne t'attendais pas. Pas maintenant.
Je comprend pourquoi, et cela me fait rire.
J'avais mandé aux Moires de couper la Corde de Vie d'Andom, elles se sont peut-être trompées. Vous étiez proche, non?"
Pardon?
Comment démystifier toute la chose de la vie après la mort. Comment faire tomber la stupeur de voir apparaître devant soit un démon puissant et fier, fourbe et sanglant. Il suffit simplement de se voir confronter à des troubles administratifs des plus austères. Un peu comme ce que nous connaissons déjà dans la vie. Les Moires se seraient trompées et m'aurait prises à la place du César? Ce dernier aurait donc du vivre ce que je vis à cet instant, mais je viens tout juste de lui voler la place. Tu peux me remercier, vieux. Ma Corde de Vie ne tenait qu'à un cheveux, déjà, mais voici que les ciseaux acérés de ces trois femmes à l'oeil unique s'en sont emparés. Je les vois d'ailleurs arriver, penaudes, la Corde en main, ciselée en deux. Les trois femmes agitent leur oeil unique d'une tête à une autre. Elles sont affreuses, à l'allure grasse et outrancière. Elles ne semblent pouvoir exister de façon concrète, mais, pourtant, se portent devant moi. Elles ressemblent un peu à une femme que j'ai connu. Une certaine Gobelin. Déformées au possible, le dos vouté partant en tous les sens. Le globuleux se balançant dans les airs pour s'émettre dans un unique orbite décharné. La langue de serpent quittant les lèvres pour sillonner l'air d'un bruit sinistre accompagné d'une douleur respiratoire qui me détruit l'oesophage. Si j'avais pu gerber, je l'aurais fait. Elles m'effraient bien plus, à l'allure, que mon Démon. Je me suis habitué à ce dernier, mais pas à elles. Elles apparaissent ainsi, l'air navré face à leur faute. Elles ne sont pas réputées pour commettre de telles horreurs. Je leur en veux. D'une façon flagrante et puissante. Mieux ne vaut pas les contrarier au risque de se voir voir admis ici pour l'éternité.
-"Nousss sssommes désssssolées.
Nousss avonssss fait l'erreur d'un fil.
Nousss allonssss prendre un bout d'ruban adhéssssif pour réparer ccceette erreur."
Connasses.
-"La Mort ne veut pas de toi, Robert.
La Mort te rejète à nouveau, Robert.
Tu n'as pas ta place ici, Robert.
Mais avant cela, je te donne une chose."
Plaît-il?
Me voici complètement désoeuvré. Je ne parviens à comprendre ce qui se passe là. J'ai donc pu voir les Enfers. J'ai pu entrevoir mon passé, les personnes qui m'étaient chères et qui me le sont toujours. J'ai pu percevoir Cerbère et les fastes du Styx et des autres fleuves de ces contrées affreuses. J'ai pu me sentir vidé de mes sens, de ma peau, de mes muscles et de tout ce qui font ce que je suis. J'ai souffert, j'ai viré au bleu, au blanc, au vert. Cela pour m'entendre dire que je vais revivre, que je vais retourner sur terre car je n'ai pas ma place ici, que la Mort ne veut pas de moi? Putain! Je le savais que la Mort ne voulait pas de moi, la surprise de me trouver ici était grande et j'ai perdu quelques deniers en les offrant au Passeur. Cela à cause d'une erreur à la con de trois grosses moches qui ne sont pas capables de faire leur travail comme il le faut. Et ils le reconnaissent, en plus. Je vais devoir revivre avec ça sur les épaules, dans l'esprit, dans la pensée. Avec tous ce que j'ai traversé, je vais devoir me coltiner ça en plus. Putain. J'ai peut-être l'air plus menaçant qu'eux tous réunis à cette instant là. J'ai envie de leur balancer un poing dans la gueule, m'emparer de l'oeil unique et le gober pour qu'elles ne puissent plus rien voir. J'ai envie de leur cracher à la gueule, de les piétiner, de leur foutre une lame dans le coeur, s'ils en ont un. J'ai envie de les massacrer, de les jeter dans le Styx, qu'ils brûlent à leur tour dans les flammes des Enfers. J'ai le coeur dévasté, l'esprit embrumé. Je les déteste. Et ce con qui s'amuse à créer des choses avec de la fumée devant mes yeux. Je ne comprend plus. Je ne comprend rien. J'ai envie de les saigner. Qu'ils aillent tous se faire foutre. Qu'ils aillent au diable. Une fois en vie, je ne ferais plus rien pour eux. Plus jamais rien. Qu'il soit dit. Que tous le sache. Merde.
-"Tiens, prend ça.
Tu deviens le Gardien des Enfers.
Transmet la Réelle Parole.
Dévaste les cieux et le Très Haut.
Dis à tous qu'ils se fourvoient à croire en lui. Qu'il faut croire en nous.
Va, mon ami. Va."
Quoi?!
Gardien des Enfers? La Bible des Enfers? Que je dois transmettre tel un prophète au monde entier? Ils se croient où là? Au Paradis? Que je vais être sache, gentil, que je vais obéir? Remarque. C'est vrai que ça en jète un max, ça, Gardien des Enfers. Quant à transmettre une Vérité que je vois de mes propres yeux, ce ne doit pas être des plus complexe. Je serais alors Porte-Parole des Enfers? Je devrais en vanter les mérites et les vertus pour que tous y croient comme moi je le crois alors que je veux juste cracher à la gueule de tout ce merdier? Je m'empare du livre. Je regarde, hagard ces monstres qui se trouvent face à moi. Dois-je vraiment faire cela de ma vie? Ai-je réellement le choix de ces actes? Puis-je faire confiance en ce monde désoeuvré et à cette Mort qui me chatouille actuellement d'une erreur glaciale? Je crois bien ne pouvoir faire autrement à présent que ma vie est entamée de façon obscure et ténébreuse. Je n'ai guère le choix et devrais faire ce que l'on me demande. Je vois ces Moires commencer le travail de réparer leur effarante faute. Elle enroule un bout invisible autour de la Corde de Vie. Elles s'appliquent pour redonner une forme intéressante à cette chose qui est mienne. Elles font ce qu'elle peuvent pour rassembler les bouts d'une façon tout à fait dégueulasse. Elles passent une langue sur cette Corde. Je vois la bave verte s'épandre un peu partout. Elles commencent à rire d'un sifflement abrutissant. Je me sens partir. Je me sens m'envoler. Je ferme les yeux. À nouveau le noir. Je flotte dans un trou sans fond. Je flotte et retombe. Je ne sais où je suis. Je ne sais comment je suis. Peut-être une nouvelle épreuve. Ils se jouent de moi. Ils se foutent de moi. Je ne suis plus en vie. Je suis mort. Trépassé. Déclin. Décédé. Foutu. Je...
-"Robert, arrête de comater, y'a du boulot!"
Grumpft.
J'ouvre mes yeux. Je suis devant la porte de cette église incrustée de sculpture. Je me lève. Je passe mes mains sur mon corps. Je suis bien là. Vivant. Je suis bien là. En vie. De nouveau pour un départ. Au sol, un livre. Le Livre. Je m'en empare promptement, redescend les grands escaliers. Je crois avoir bien du travail pour me dépêtrer de toutes ces responsabilités. Je crois qu'une nouvelle destinée m'attend et m'appelle. Je crois que je ne peux plus lutter. Je crois aux Enfers. Je crois en ce que j'ai vu. Ma parole sera des plus censées. Ma parole sera d'or. Je vais la transmettre au monde avec cette nouvelle vision. Je suis le Gardien des Enfers.
*Il Trovatore: Le trouvère.
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