J'aurais presque pu ne pas vous entendre arriver. Entrez, entrez...

Je suis l'auteur qui n'est pas l'Auteur. Et je vais vous décrire un des personnages les plus emblématiques que j'ai connu. Sir Hadrian Vaciò Nihil Tartasia, ou juste Hadrian.

Hadrian est un homme... un homme ? C'est difficile de lui donner un sexe mais il s'est identifié de cette manière jusqu'en 2034. Après cela, il a commencé à réaliser qu'il était bien plus que cela. Notre homme est un type banal, d'apparence pas très remarquable qui plus est. Une carrure dans la moyenne, ni trop grand ni trop petit, les cheveux courts avec les contours d'oreilles aussi bien rasés que la pelouse de mon voisin, méticuleux à en être maniaque. Hadrian est malheureusement lunetteux, mais n'a jamais fait réparer sa paire...

De lunettes ! Où allez-vous donc chercher d'aussi basses idées ?

Son nez ressemble à un muffin qu'on aurait coupé en deux puis écrasé contre un mur. En fait, il a cette manie de renifler à chaque fois qu'il est contrarié, parce qu'il n'est vraiment pas capable de faire des vagues. Vraiment pas. D'ailleurs ça ne lui a qu'attiré des ennuis... Avec sa bouche tremblante à chaque fois qu'il tente un tant soit peu de faire entendre sa voix fluette.

Et ses yeux fuyants... Ô par la sinistre Vérité, qu'est-ce qu'ils sont ennuyeux ! Certains oseraient dire que les yeux sont les fenêtres de l'âme. Ce cher Hadrian aurait pour ainsi dire une maison aussi vide qu'un appartement d'étudiant dans le Var. Pas la moindre lueur d'intelligence, de malice, de détermination... Pas une mer houleuse, un lac profond ou un océan d'étoiles, non !

Juste une belle flaque d'eau dans laquelle le chien vient de pisser.

Mais ai-je parlé du fait que ce cher Hadrian n'a pas réellement terni sa réputation ? Le "Vide", qu'on l'appelle. Il est tellement banal que les gens ne le remarquent même pas. Bousculades sans excuses, on renverse le café sur la veste du monsieur, mais le monsieur, on ne le regarde pas ! Comment, par tous les tesseracts des Limbes, peut-on concevoir quelqu'un d'aussi barbant que cet individu regrettable ?

Et bien, on ne le conçoit pas.

Hadrian est un nihilien. Qu'est-ce qu'un nihilien, me demandez-vous ? Pour faire simple, c'est l'exact opposé de la vie. Alors vous me répondrez que c'est un mort, mais non ! Non, non, non ! La mort n'est pas l'opposé de la vie, c'est son inverse ! L'opposé de la vie, c'est le vide. Le rien. L'ordre absolu. Et c'est ce que représente cette personne que je vous dépeinds.

Né le 29 février 2002 à Rébain-sur-Auges, dans une famille qui était déjà bien fournie, Hadrian a grandi dans l'amour de sa fratrie et de ses deux parents, hônnetes citoyens Français et fiers de l'être. Bien sûr, ils ne s'étaient jamais posés la question de comment le gamin avait réussi à apparaître subitement de nulle part. C'était juste comme ça.

Déjà enfant, Hadrian ne se faisait jamais remarquer. Passable à l'école, il était tout de même sérieux, mais restait un peu rêveur. Pas doué en amour, doué en amitié, il gardait ce côté niais et gentil qu'ont tous les imbéciles heureux qui pensent que la magie existe. Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il représentait tout ce qui n'était pas la magie.

Son in-existence était le pinacle de la science elle-même, du rationnel pur et dur.

Hadrian détestait se battre, et il abhorre toujours croiser le fer, même avec ses amis les plus chers. Comment pourrait-on décrire ce jeune homme ? Il était l'archétype même du héros malheureux, que personne ne prenait au sérieux. Il croyait en son rêve, celui de sauver le monde et de rendre les gens heureux. Imbuvable.

C'est seulement à son quinzième anniversaire que le premier incident s'est déclaré.

Le père d'Hadrian, fier que son fils entre enfin au lycée, mais également parce qu'il avait passé et eu le permis, lui avait offert un voyage entre père et fils dans son pays natal, le Portugal. Ce voyage s'était déroulé sans encombres, et était tellement assomant que le vieux père avait fini par s'endormir au volant, conduisant à un accident de la route extrême. Mort, enterré, adeus !

Mais c'était sans compter l'irréfutable réalité : Hadrian n'était pas comme les autres.

Bien que complètement dispensable, bien qu'il n'ait ni âme ni place dans le cycle de la vie et de la magie, il était immortel, son corps n'était pas seulement indestructible : son essence était tellement profonde de néant que toute menance envers lui cessait d'exister.

En clair, c'était un nihilien. Le dernier de son espèce.

Créés par la Vérité elle-même pour contrecarrer la dégénérescence de la magie, cette dernière s'était autorégulée avec l'arrivée des Outsiders, détenteurs du fabuleux pouvoir de contrôler les dimensions. Alors, les nihiliens élus par la Vérité s'étaient petit à petit éteints. Mais pas Hadrian. Car il avait été choisi par la personnification de l'Ordre Suprême, le Nihilirios.

Après le décès de son père, Hadrian avait commencé à ressentir en lui une sensation étrange : rien. Pas la moindre tristesse, pas le moindre chagrin. Il tentait de s'énerver, mais en vain ; toute émotion avait fui sa chair négative et son âme n'existant pas, il ne parvenait qu'à singer les autres, le rendant encore plus fade que d'ordinaire, à tel point que même son propre chien lui avait chié dessus, un soir, alors que la musique de la guitare de son cousin Pedro l'empêchait de dormir.

Sale journée.

Bref, pour ainsi dire, Hadrian ne connut nulle émotion, jusqu'à sa troisième rentrée des classes lycéenne. C'est là que tout avait changé.

Et c'est ainsi qu'est née Hadrian le Magnifique, celui qui soude la Ferroul Squad.

Oui, c'était une pub pour mon livre. Et non, je n'ai pas honte. Jamais.