Le grand jour

2 minutes de lecture

06:30

Mes paupières s'ouvrirent brusquement à cause du son strident qui provenait de mon réveil. Je m'assis sur mon lit et poussai un profond soupir, encore une journée à passer, la dernière journée pensai-je mélancolique. Eh oui, aujourd'hui tout prendrait fin. J'avais tout planifié depuis des semaines : la date, l'heure, l'endroit. Le jour tant attendu était enfin arrivé, le jour de ma mort.

J'aurais voulu mettre une jolie tenue pour l'occasion mais mon école imposait un uniforme strict, j'allais donc passer mes dernières heures dans des vêtements hideux. Je descendis au salon, saluai mon frère et mes parents, je pris soin de les observer une dernière fois, ils avaient l'air heureux. C'est sûr, je ne le leur manquerai pas, enfin, si peut-être un peu mais ils s'en remettront.

Lorsque j'arrivai devant mon casier, je vis une annotation écrite à l'indélébile noir " Retourne brouter l'herbe dans ta prairie grosse vache ! " De grands poètes ces lycéens ! En temps normal, ces paroles m'auraient atteinte, j'en aurais pleuré durant des heures entières, cachée dans toilettes des filles. Mais aujourd'hui, je n'y prêtai même pas attention, à quoi bon ? Ce soir, tout serait fini.

Je passai le reste de la journée à déambuler dans les couloirs en attendant impatiemment l'heure fatidique. Avouez-le, vous me trouvez cynique, mais que voulez-vous je n'avais plus rien à faire sur cette terre, je ne trouvais ma place nulle part. Et puis en réalité est-ce si grave de vouloir mourir ? N'ai-je pas le droit de vouloir connaître la paix ?

18:36, dans quatre minutes.

Je me trouvais là, debout sur la rambarde du pont des disparus. Ironique comme nom n'est-ce pas ? Je me baissai pour observer l'eau scintiller sous mes pieds, la fraîcheur hivernale me fit frissonner, je levai la tête vers les étoiles un sourire aux lèvres. Peut-être en ferai-je partie désormais, songeai-je la gorge nouée.

Je pris une profonde inspiration, fixai mon regard vers l'horizon en sentant une larme rouler sur ma joue, fermai doucement les yeux et sautai dans le vide.

Je sentis mon corps flotter dans les airs, et pendant un instant, je m'imaginai être tel un oiseau volant vers des contrées lointaines. Mais contrairement à ce que les livres racontent, je ne vis pas ma vie défiler devant mes yeux comme un court métrage nostalgique. Mes paupières étaient closes, la seule chose que je perçus à cet instant fut le noir absolu. Je me sentais libre, calme et sereine. Et puis soudain, mon corps heurta violemment l'eau glacée et ce fut le trou noir.

04:23

Mes paupières étaient lourdes, je distinguai des voix à ma gauche mais j'étais incapable de les identifier. Une désagréable odeur de désinfectant me chatouilla les narines, j'essayai d'ouvrir les yeux et les refermai aussitôt, aveuglée par une lumière blanchâtre.

- Réveillée ?

Je me relevai doucement et observai le jeune homme assis face à moi.

- Où suis-je ? murmurai-je affaiblie

- A l'hôpital, bâtiment E, chambre 503.

- Comment suis-je arrivé ici ? Et puis vous êtes qui ? Médecin ?

- Oh non, certainement pas, je ne suis pas très friand des seringues et du sang. En revanche, c'est moi qui t'ai sorti de l'eau. Eau qui d'ailleurs, était vachement gelée.

- Pourquoi ? soufflai-je déroutée

Un léger rictus s'afficha sur son visage.

- Parce que je vais te montrer que la vie vaut la peine d'être vécue.

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