Chapitre 19

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Le lendemain, on s’est réveillés tard, Attila s’impatientait et j’ai dû le sortir rapidement pendant que Gauthier préparait le petit-déjeuner. On s’est séparés en fin de matinée, et je suis rentrée chez moi en faisant un grand tour pour défouler mon chien.

En rentrant, j’ai nourri le monstre, qui n’avait rien mangé depuis la veille à part quelques miettes de notre petit-déj, j’ai grignoté du pain et du fromage, puis je me suis installée dans mon bureau, Attila couché en travers de la porte restée ouverte.

Après avoir relevé mes mails - rien d’urgent, ni même d’important - j’ai abandonné l’idée de travailler. J’ai mis de la musique, laissant le lecteur décider en aléatoire dans ma playlist bien fournie. La voix de Joan Baez est sortie des enceintes, et j’ai tourné sur moi-même lentement, en laissant mes yeux courir sur les murs et les meubles du bureau, examinant les alternatives qui s’offraient à moi. Pas de dessin numérique pour aujourd’hui. Les pastels ne me disaient rien, pas plus que le fusain ou les crayons de couleurs. Je n’avais jamais aimé les feutres, pas même quand j’étais petite.

Mon regard s’arrêta sur mon chevalet plié et glissé derrière l’armoire. Je m’en servais rarement.

« Allez, c’est parti ! » m’exclamai-je avec enthousiasme en le sortant de là, pour l’installer au milieu de la pièce. Je plaçai dessus une planche de contre-plaqué sur laquelle je fixai, à l’aide de pinces métalliques, une grande feuille de papier épais.

Mon terrain de jeu installé et disposé par rapport à la fenêtre pour capturer au mieux la lumière, je préparai mes outils. Du meuble à tiroirs où je rangeais mon matériel, je sortis ma trousse. En toile enduite, elle était tachée et un peu déformée, gonflée par les outils serrés dedans. Je la posai sur une petite table à roulettes et la déroulai. Mes pinceaux y étaient rangés, les uns à côté des autres, maintenus à leur place par des bandes élastiques.

Je posai sur la table un vieux pot à confiture à moitié rempli d’eau, et encore quelques assiettes en carton - tellement plus pratiques qu’une palette qu’il fallait nettoyer - ainsi que la boite avec les tubes de peintures, en vrac.

Les yeux fermés, je pris une longue inspiration, calme et profonde, et expirai pour faire le vide dans mon esprit. Puis je cessai de réfléchir, et ouvris un tube de peinture pour en déposer une bonne quantité sur un coin d’une assiette en carton. Je laissai courir mes doigts sur l’alignement de pinceaux, et me saisis d’une brosse plate moyennement large, avec laquelle je commençai à appliquer sur le papier de petites touches de cette peinture gris foncé que j’avais choisie pour commencer.

Le dimanche soir, lorsque Paul sonna à ma porte, j’étais toujours en train de peindre. J’avais tout de même dormi, mangé, et sorti Attila. Mais je n’avais rien fait d’autre que peindre, tout le reste du temps.

J’ouvris la porte, un pinceau à la main et de la peinture sur la vieille chemise de papa qui me servait de blouse. Paul me regarda, planté sur le seuil, et sourit en tendant la main vers mon front pour l’effleurer. Son index en ressortit bleu turquoise, et je me saisis de son poignet pour essuyer son doigt sur ma chemise.

« J’en ai ailleurs ?

_ Non, ça va. » me rassura-t-il en détaillant mon visage. Prenant garde à conserver mes distances, je me haussai sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa bouche, puis il me suivit jusque dans le bureau.

« Je peux voir ?

_ C’est pas fini. Mais oui, si tu veux. »

Je m’arrêtai près de lui, à deux mètres du chevalet, et gardai le silence tandis qu’il regardait mon œuvre. J’attendais son avis, sans être angoissée ni même impatiente : cette peinture sortait de moi, elle ne représentait rien de concret, j’y avais mis mes tripes et mon âme, et peu m’importait qu’elle plaise ou non. Des taches de couleurs se mélangeaient, se superposaient, se juxtaposaient, formes et textures différentes, couleurs contrastées, dégradées, camaïeux…

« C’est... étrange. » lâcha-t-il finalement. Il reprit, timidement : « Est-ce que c’est censé représenter quelque chose ? »

Il eut l’air comme soulagé lorsque je répondis non, et je souris en reposant le pinceau avec les autres, dans l’eau, avant de me débarrasser de la chemise trop grande et de filer dans la salle de bain pour me débarbouiller. En revenant, je fermai la porte du bureau dont Paul venait de sortir, et me serrai contre lui en entourant sa taille de mes bras, le nez enfoui dans le col de son polo. Il referma son étreinte autour de moi, et m’entraina vers mon lit.

« Tu m’as manqué, Louise... »

Mes doigts accrochés à ses vêtements, serrée contre lui, je ne répondis pas, profitant seulement de la proximité de son corps. Il s’assit sur le bord de mon lit, m’entrainant dans son mouvement, et je me retrouvai assise sur lui, mes cuisses de chaque côté des siennes. Mon entrejambe sur le sien. Ses bras autour de moi, et ses lèvres sur mon visage. Il déposait de petits baisers sur mon front, mes yeux, mon nez, mes joues, et glissait lentement vers ma bouche que je lui tendais. Quand enfin ses lèvres touchèrent les miennes, je lâchai son polo pour passer mes bras autour de son cou et glisser mes mains derrière sa nuque, mes doigts dans ses cheveux courts. Je fermai les yeux en sentant sa langue caresser mes lèvres et les pénétrer, à la recherche de la mienne. Lorsqu’elles entrèrent en contact, j’eus l’impression qu’un lien direct se faisait avec mon ventre, et je raffermis mon étreinte sur son cou en gémissant. Ce baiser a duré une éternité, et je sentais mon corps l’appeler, j’avais désespérément envie de lui. Besoin de lui. Je sentais son érection, dans son pantalon, contre mon short. Ses hanches se tendaient à ma rencontre, on se frottait l’un contre l’autre, haletants, fébriles, et j’ai tiré sur son polo pour le faire passer par-dessus sa tête, Paul a ôté mon débardeur et caressé mes seins nus. Puis, on a dû se séparer pour se débarrasser de nos derniers vêtements et dès que possible il m’a reprise sur ses genoux.

« J’ai envie de toi, Paul… » ai-je murmuré entre deux baisers. Il m’a saisie par les hanches et aidée à me redresser le temps de l’accueillir en moi. J’ai gémi de bonheur en redescendant lentement le long de son sexe dur et chaud qui glissait facilement en moi.

« C’est tellement bon… » ai-je balbutié, et ses doigts se sont resserrés sur mes hanches, me tirant un peu vers le haut. J’avais passé mes bras autour de son cou, m’accrochant à ses épaules.

« Oh oui… » confirma-t-il, et je poussai fermement sur son torse pour qu’il s’allonge. Alors, je rectifiai ma position pour monter et descendre plus facilement sur lui. J’aimais le voir prendre son pied. Le voir perdre pieds, et savoir que c’était grâce à moi, me donnait un sentiment de puissance qui n’était pas désagréable.

Lorsqu’il eut joui, le corps arqué par le plaisir, les yeux révulsés, bouche grande ouverte sur un cri silencieux, je le gardai en moi, embrassant et caressant son torse pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits.

« Merde, encore… j’ai l’impression d’être un puceau sans expérience, ça m’énerve ! » ragea-t-il en se rendant compte que je l’avais fait décoller sans moi. J’ai souri, sans arrêter de le caresser :

« Pas sure qu’un puceau soit aussi doué de ses mains et de sa langue…

_ Ah, c’est ça que tu avais en tête ? OK, allonge-toi. » m’ordonna-t-il en se redressant. Il me coucha sur le dos, et se glissa entre mes jambes. Je me mordis la lèvre pour ne pas crier en sentant ses phalanges jouer en moi, à la recherche du point magique. J’étais déjà sur le fil du rasoir, mais la pression douce, chaude et humide de sa langue me fit basculer en quelques secondes. La chaleur de l’orgasme envahit mon corps tout entier, commençant par le ventre, et s’étendant par vagues successives, jusqu’à me monter au cerveau.

Pelotonnée contre lui, la joue sur son épaule, ses bras autour de moi, j’ai lentement repris conscience du monde qui m’entourait. Paul caressait tendrement mon dos, sa joue posée contre ma tête.

« Tu m’as manqué, Paul… » ai-je murmuré en embrassant sa gorge, tout près de la pomme d’Adam que je voyais bouger.

« Ah, je t’avais proposé de venir avec moi… » répliqua-t-il, un peu moqueur, et je préférai ne pas m’engager sur ce chemin-là. A la place, je dessinai de mes doigts un chemin sur son torse, en soupirant : « C’était bon… On recommence quand tu veux.

_ Oh… Vraiment ? » Un tout petit filet de voix s’échappait de ses lèvres, timide. « Tu ne m’en veux pas de t’avoir sauté dessus comme ça, à peine arrivé ?

_ Bien sûr que non ! C’était génial, si je te le dis tu peux me croire, non ? Paul, si je n’avais pas voulu, je te l’aurais dit.

_ Ouais… » souffla-t-il dans mes cheveux tressés. Je me redressai sur mes coudes pour le regarder, et l’embrassai rapidement sur la bouche, avant de quitter le lit.

« Tu vas où ?

_ Je reviens, assieds-toi. » dis-je en allant dans la salle de bain récupérer de l’huile de massage. « Mais non, pas sur le bord du lit ! Au milieu, en tailleur. »

Je m’installai à genoux derrière lui, et après avoir enduit mes mains, je les posai sur ses épaules. Des grands gestes amples pour étaler l’huile sur son dos et chauffer la peau. De petits mouvements, rapides, pour commencer à détendre les muscles contractés par les heures passées au volant. Et des pressions plus appuyées, pour continuer le travail de décontraction plus en profondeur. Après avoir bien travaillé le dos et les épaules, je me concentrai sur sa nuque, faisant rouler les muscles sous mes doigts, remontant haut, presque dans les cheveux. Paul ne disait rien, et je sentais sous mes mains ses muscles se détendre petit à petit.

Je terminai en passant mes mains sur ses épaules, redescendant devant, effleurant ses clavicules et ses pectoraux. Je posai mes lèvres sur sa nuque et restai comme ça, sans bouger. Il posa les mains sur les miennes.

« Alors ? C’était agréable ?

_ Oh oui… C’est Gauthier qui t’a appris ?

_ Hon hon. Il te passe le bonjour, d’ailleurs.

_ Oh ! Tu l’as vu ?

_ Oui, vendredi. On a passé la soirée ensemble. »

Autant lui dire.

« Ah… »

Je resserrai mon étreinte autour de lui, et ma bouche glissa jusqu’au lobe de son oreille que je mordillai doucement.

« Tu n’as rien à craindre de Gauthier, tu le sais.

_ Oui, je le sais. »

Dans son silence, j’ai entendu ce qu’il ne disait pas : il savait, mais ne pouvait pas s’empêcher de penser, d’imaginer…

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