Chapitre 8

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Le lendemain, à la lumière du jour, les dégâts étaient impressionnants. Terre détrempée, végétation abimée par la pluie et la grêle. Notre tente était vraiment morte : certains piquets étaient cassés, quant à la toile elle était déchirée. Il n’y avait rien à en récupérer, à part les sardines et quelques accessoires de ce genre. Heureusement, ni les bêtes ni les bâtiments de la ferme n’avaient souffert, mais ça allait mettre des jours à sécher.

Yvonne a invité tout le monde pour le petit-déjeuner, et Bernard nous a dit : « Je me suis levé cette nuit pour aller voir les vaches, je vous ai vus courir vers la grange, sinon je vous aurais dit de venir à la maison. »

On l’a rassuré : la grange était très confortable.

« Mais la tente, elle est toute cassée, maintenant ! » a dit la petite Lola entre deux gorgées de lait. Ses parents venaient de décider d’anticiper un peu leur départ : camper allait être beaucoup moins agréable dans un champ transformé en rizière, et ils ont proposé de nous déposer à Nevers, c’était sur leur route. Là, on trouverait bien un train pour rentrer chez nous.

On a laissé les vestiges de la tente à Bernard qui avait déjà des choses à emmener à la déchetterie, nos quelques provisions qui avaient pris l’eau ont fini dans l’auge du cochon, et en milieu de matinée, une fois le side-car sur la remorque attelée au camping-car, nous avons quitté la ferme.

Dans le train – nous étions pratiquement seuls dans le wagon – nous avons encore parlé. Je regrettais un peu que notre aventure se termine comme ça. Clément a souri :

« C’est pas la fin, princesse, c’est maintenant que ça commence, au contraire ! Et puis ça nous fera des souvenirs. J’en connais qui ne vont pas nous rater, quand on va leur annoncer notre retour en train !

_ Et la mort de la tente. Ils vont s’imaginer des choses… »

Mes frères n’avaient pas fini de nous chambrer, avec cette histoire…

Clément a pris ma main, joué avec mes doigts.

« Louise, qu’est-ce qui te plait, chez moi ?

_ C’est un tout. » Je m’étais déjà posé cette question, et pour être honnête je ne pouvais pas dire que Clément était beau de visage. Le physique m’importait assez peu, mais il fallait bien commencer par un bout. « Tu es très bien fichu, des muscles partout où il faut. Tu as du charme. Il y a quelque chose, quand tu souris, qui illumine ton visage, ça fait des petits plis mignons au coin de tes yeux.

_ Je t’en foutrais, moi, des plis ! Des rides, pendant que tu y es ? » s’est-il offusqué gentiment. « Dis que je suis vieux !

_ Eh… trente ans…

_ D’accord, tu aimes les mecs plus vieux, et musclés. » a-t-il résumé, moqueur. « Quoi d’autre ?

_ J’aime ton caractère. Je crois que je ne t’ai jamais vu en colère. Tu es patient, calme. Je me sens bien avec toi. Tu me fais me sentir bien. Tu ne m’as jamais traitée comme une gamine, ni surprotégée. Au contraire, tu m’as toujours poussée à faire mes propres expériences, à évoluer. Et j’aime la façon dont tu m’embrasses. J’espère que je vais aimer le reste aussi… » ai-je murmuré en baissant les yeux. Clément a éclaté de rire.

« Je ferai en sorte que tu aimes le reste. » m’a-t-il promis.

« A ton tour, maintenant.

_ OK. Alors… Tu es jolie, gentille aussi, mais tu peux être tellement féroce quand on te cherche… Je crois que c’est ça qui me fascine chez toi : tu es toute en contrastes. Tu es petite, mais tellement sure de toi qu’on oublie ta taille. A la fois forte et fragile. Tu es passionnée, aussi. Tout ce que tu fais, tu le fais à fond. Que ce soit le sport, le dessin, tu te donnes totalement. »

Ses yeux noirs ne me lâchaient pas, et la fin de sa phrase, les mots « se donner », m’ont encore occasionné des bouffées de chaleur. Je pensais déjà à nous dans un lit, au moment où je m’offrirais à lui…

« Clément, j’ai besoin d’être sure. Les enfants, tu as dit que tu n’en voulais pas, mais tu es certain de ne pas regretter, plus tard ? Ni de changer d’avis ?

_ Certain. Je ne peux pas en avoir. J’ai eu les oreillons il y a quelques années, et j’ai fait partie des rares cas où ça attaque les testicules. Je n’ai peut-être pas été assez sérieux quand le médecin m’a dit de rester au lit, non plus… Enfin, bon, tout fonctionne très bien » m’a-t-il rassurée « sauf la fabrication de spermatozoïdes.

_ Oh…

_ Louise, tout ce que je t’ai dit, particulièrement cette semaine, était sincère. »

« Mesdames et messieurs, nous arrivons en gare de Clermont-Ferrand. Assurez-vous de n’avoir rien oublié dans le train. » a déclaré le conducteur dans son micro. On s’est levés, et Clément a descendu nos sacs du porte-bagages.

Sur le quai, il a pris ma main, et ne l’a lâchée qu’une fois arrivés devant chez moi.

« Je t’appelle demain. » me promit-il, et je l’ai regardé s’éloigner sur le trottoir, son énorme sac sur le dos. J’avais envie de lui courir après, de lui demander de rester, mais il m’avait dit un peu plus tôt :

« Je n’ai pas envie de précipiter les choses, ma belle. Prenons le temps, d’accord ? »

Alors je n’ai rien dit, je suis rentrée chez moi, et je me suis glissée dans un bain délicieusement chaud. Je souriais béatement. J’étais amoureuse !

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