Chapitre 10
Au beau milieu de la nuit, je me réveillai en sursaut, le cœur battant la chamade à cause de mon rêve. Rien d’érotique cette fois, mais un bon vieux cauchemar, toujours le même, celui où j’étais une ado terrorisée par son beau-père violent… M’asseyant au bord du lit, j’ai tenté de calmer ma respiration désordonnée.
« Princesse ? Qu’est-ce qui se passe ? » a demandé Clément d’une voix ensommeillée.
« Non, non, me touche pas ça va aller, me touche pas… »
Je me concentrais sur mon souffle pour reprendre le contrôle, et j’ai entendu Clément me prévenir qu’il allait allumer la lumière. Ensuite, il s’est assis sur un pouf, face à moi, et m’a parlé, me suppliant de le regarder. Quand le contact visuel a été établi, je n’ai plus lâché son regard, et il a tendu sa main en me disant de la prendre quand je me sentirais prête. Il continuait à me parler doucement, et au moment où j’ai posé mes doigts tremblants dans la paume de sa main, il s’est rapproché de moi pour passer l’autre main derrière ma nuque. Instantanément, j’ai senti mon corps se détendre, mon cœur s’apaiser. Il m’a attirée contre lui, le nez dans son torse.
« Tout va bien, ma belle… C’est fini… »
Après quelques minutes contre lui, je suis allée me passer de l’eau fraiche sur le visage et boire un verre d’eau. Clément m’attendait, assis au bord du lit. Et si son regard était un peu inquiet, il ne m’entourait pas d’une présence étouffante comme savaient si bien le faire mes frères. Il a attendu, patiemment, que j’aille respirer à la fenêtre, puis que je le rejoigne au lit.
« Je voulais y arriver seule, pourquoi tu ne m’as pas laissée me calmer toute seule ?
_ Tu t’en es très bien sortie, princesse. Je suis fier de toi. J’ai juste accéléré un tout petit peu le processus à la fin, mais crois-moi c’est toi qui as fait le boulot… » me dit Clément tout en me recouvrant de la couette. Je me suis rapprochée de lui, posant ma joue sur son épaule, et il m’a entourée de son bras. C’est fou comme le simple contact de sa main sur ma nuque m’avait apaisée, en un instant, facilement. Comme s’il avait débranché une prise, ou appuyé sur un bouton OFF… Blottie contre lui, je me suis rendormie assez rapidement.
Et le lendemain, au petit-déjeuner, il s’est excusé d’être intervenu pendant ma crise de panique alors que je voulais m’en sortir seule ! Je lui ai souri par-dessus nos bols de thé et l’ai remercié de m’avoir aidée à me calmer durant la nuit.
« C’est très égoïste. » m’expliqua-t-il. « Je ne voulais pas que tu gardes un mauvais souvenir de ta première nuit chez moi…
_ Oh, mais non, pourquoi ? » me suis-je étonnée, ouvrant de grands yeux innocents : « J’ai dormi dans un clic-clac pourri après avoir mangé des surgelés dans un appartement pas rangé, je ne vois pas pourquoi j’aurais de mauvais souvenirs ? »
Il me regardait, et dans ses yeux il y avait une immense tendresse, mais aussi une pointe de soulagement. J’ai fait le tour de la table pour aller m’asseoir sur ses genoux, passant mes bras autour de son cou, et il m’a écartée après le premier baiser :
« Il faut que j’aille bosser, ma belle… »
Il a fait un passage éclair dans la salle de bain pendant que je rangeais la cuisine, j’ai remis ma robe de la veille, posé sur une chaise le T-shirt dans lequel j’avais dormi, et on s’est séparés.
Je suis rentrée chez moi et j’ai pris une bonne douche avant d’étaler sur mon bureau et de punaiser aux murs mes dessins préliminaires. Et je me suis mise au travail. Je m’en suis imprégnée, j’en ai refait d’autres, plus aboutis…
Nicolas m’a interrompue deux jours plus tard en sonnant à ma porte.
« Alors Moustique, tu pourrais répondre au téléphone ! » Mon portable était en mode silencieux depuis que je m’étais attelée à ce projet, et je consultais à peine mes messages. C’est à peine si je prenais le temps de m’arrêter pour manger, en réalité…
« Désolée, je bosse…
_ Et Clément ne dit rien ?
_ Clément me laisse respirer, lui. »
A peine visé, le frangin ne s’est pas démonté pour autant.
« On sort ce soir. Avec Virgile, Clément et Hugothier. Lâche tes crayons. »
J’ai souri, et regardé l’horloge : 18 heures passées, samedi. J’ai fermé la porte du bureau, et je me suis changée, troquant mon jean et mon T-shirt contre un petit haut moulant et une jupe volante qui m’arrivait juste au-dessus du genou. J’ai mis ma veste en similicuir blanc, et pris mon sac à main avant de suivre mon frère. On a retrouvé les autres à notre bar habituel. Des sifflements nous ont accueillis, histoire de féliciter Nico d’avoir réussi à me sortir de mon antre… J’ai fait le tour de la table, distribuant des bises aux gars, avant de m’asseoir aux côtés de Clément, pratiquement sur ses genoux, et de l’embrasser. Ses doigts ont frôlé ma hanche, et son nez s’est attardé un peu le long de ma joue lorsqu’il s’est redressé.
« Regardez-moi ça, s’ils sont pas mignons… » a raillé Virgile.
« Lou, tu bois quoi ? »
J’ai choisi une bière aux fruits rouges, et Nico est allé me la chercher en même temps que sa boisson, les autres étaient déjà servis.
Virgile est rentré tôt pour s’occuper de Corentin et laisser Julia se reposer, sa grossesse la fatiguait énormément, Nicolas a mangé avec nous avant d’aller le rejoindre. On est donc restés à quatre, et Gauthier qui ne semblait pas avoir envie de rentrer se coucher a proposé de sortir. Je n’étais pas vraiment fan des soirées en boite, alors ils m’ont emmenée dans un bar qui passait de la musique, et où on pouvait danser. Je me suis contentée d’un jus de fruits, les gars ont repris une bière.
Clément dansait très bien. C’était presque étonnant, d’ailleurs, de voir ce grand corps se mouvoir avec autant d’aisance. Je n’avais jamais vraiment dansé, je me sentais un peu empotée au début, et puis je me suis laissée guider par Clément, et bientôt je n’ai plus eu besoin de réfléchir. A mesure que la soirée avançait je me sentais de plus en plus à l’aise. Près de nous, sur la piste, un petit couple a attiré mon attention. La fille semblait à peine majeure et son copain ne devait pas être beaucoup plus vieux, ils dansaient sans se quitter des yeux, sans se toucher vraiment, mais une réelle sensualité les entourait. Je ne parvenais plus à les quitter du regard, fascinée. En moi, je sentais fourmiller une pointe d’envie, et quand Clément a caressé ma joue pour me faire tourner la tête vers lui, c’est lui qui en a profité. Il ne s’attendait manifestement pas à ce que je l’embrasse avec autant de passion.
Clément tenait mon visage entre ses mains, comme pour m’empêcher de m’échapper, et montée sur la pointe des pieds je levais la tête vers lui, lui offrant ma bouche. Le désir brulait dans mon ventre, on ne dansait plus du tout, et c’est un danseur en nous bousculant qui nous a fait sortir de notre bulle.
J’ai tiré Clément par la main pour aller rejoindre les deux autres qui nous attendaient à table. On s’est assis avec eux, et j’ai fini mon jus d’ananas, aspirant le fond de ma boisson dans la paille sans quitter Clément des yeux.
« … tension sexuelle… » Gauthier. Je n’avais pas entendu le début, mais j’ai réagi au quart de tour :
« Hey mon pote, tu veux vraiment jouer à ça ? Parce que vu comme il te regarde depuis tout à l’heure, y’en a un qui ne doit pas avoir son compte non plus… » ai-je rétorqué avec un grand sourire, désignant du menton Hugo qui avait cessé de le bouffer du regard, et piquait un fard tout d’un coup. Gauthier et moi nous sommes engagés dans une de ces joutes verbales dont on avait le secret tous les deux, Hugo et Clément se contentaient d’écouter, ils se marraient en comptant les points.
Finalement, Clément a dit : « Laisse tomber Gauthier, face à Louise tu n’en sortiras pas vainqueur.
_ Et peut-être même pas vivant… » ajouta l’air de rien Hugo, qui commençait à bien me connaitre.
On a éclaté de rire tous ensemble ; c’était une bonne soirée, on a encore discuté un peu, de manière plus pacifique. Assise au plus proche de Clément, je le sentais bouger dès qu’il esquissait un mouvement.
Quand on a quitté le bar, Clément a posé une main sur mes reins : « Je te raccompagne, ma belle. »
Je n’allais certainement pas refuser, et je l’ai même convaincu de passer la nuit avec moi. On a mis une éternité pour arriver, à force de respecter les feux rouges même quand les rues étaient désertes, pour s’embrasser. Plus d’une fois, on a même laissé passer un bonhomme vert avant de reprendre conscience… Alors on éclatait de rire comme deux gamins, on traversait la rue en courant, main dans la main, et on recommençait au carrefour suivant…
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