Chapitre 25
Mai 2017
1er mai et première rando de la saison. Première vraie rando, sur plusieurs jours, avec bivouac et tout. Toute la bande était là, sauf Nicolas qui passait le week-end à Aurillac avec Meaza. Il en avait enfin parlé à Virgile, ainsi qu’à Gauthier. Mon grand frère m’a accaparée une bonne partie de la journée, me cuisinant sur Meaza, comment je la trouvais, si je pensais qu’elle était sincère ou si elle cherchait juste un pigeon à épouser pour obtenir des papiers français…
Je mentirais en disant que l’idée ne m’avait jamais effleurée. Quelques secondes, pas plus : ils étaient amoureux, ça se voyait. Et j’ai rembarré Virgile. Je faisais preuve, d’après Clément, d’une fidélité sans faille envers Nico. Ça datait de mes dix-sept ans, des débuts de ma relation avec Gauthier : alors que Virgile était ultra protecteur et épouvanté à l’idée que je sorte avec leur pote plus âgé que moi, Nicolas m’avait dit « tout ce qui compte c’est que tu sois heureuse. Je serai toujours de ton côté, du côté de ton bonheur ». Je comprenais, à présent, et je tentais de lui rendre la pareille.
« Eh, mec, je peux récupérer ma copine ? » Clément se tenait face à nous, et regardait Virgile avec un sourire en coin. Mon frère m’a plaqué un bisou sur la joue avant de me pousser dans les bras de Clément : « Bonne nuit, les amoureux. Et pas de cochonneries sous la tente !
_ Dans tes rêves. » ai-je répliqué vertement. Il s’est marré en s’éloignant dans la pénombre, tandis que je suivais Clément jusqu’à notre tente. On avait abandonné l’idée de faire croire qu’on n’avait pas de vie sexuelle en rando : de toute façon, on avait le droit aux regards moqueurs le lendemain matin, qu’on ait fait des choses ou pas. Alors quitte à se farcir les blagues salaces au petit-déj, autant que ce soit pour quelque chose ! On attendait que les autres soient endormis, et on faisait le moins de bruit possible, c’est tout...
« Wif ? » a fait Lenka qui reniflait nos duvets, quand elle nous a vus arriver. Oui, Clément l’avait emmenée. Il la portait, bien installée dans la capuche de son blouson, puisqu’elle était trop petite pour marcher toute la journée.
« Tu ne vas tout de même pas la faire dormir avec nous ? »
Il m’a regardée, moqueur : je lui répétais exactement la même phrase qu’il m’avait sortie des années plus tôt en me voyant faire entrer Attila sous ma tente.
« Elle est trop petite pour rester dehors la nuit. »
C’était vrai, et je le savais bien. Mais il était complètement gaga avec elle… Pourrie gâtée, elle allait finir…
Clément m’a attirée contre lui, serrée contre son corps chaud et musclé. Je sentais son souffle sur mon visage : « Ça va, ma belle ? Virgile ne t’a pas lâchée de la journée…
_ On s’en tape de mon frère. De mes frères. J’ai envie de toi. » ai-je répondu. Il aimait ma franchise, et je ne savais pas minauder pour lui faire comprendre que j’étais excitée. Je l’ai senti sourire dans le noir, et il a approché sa bouche de mon oreille : « Les autres sont juste à côté. Il va falloir être très discrets, ma belle. »
On a commencé à se caresser doucement, se débarrassant des quelques vêtements qui nous restaient encore. En silence.
La situation était excitante. Je me sentais mouillée, quant à Clément il était dur et tendu, et lorsqu’il m’a pénétrée je n’ai pas pu retenir un petit gémissement de plaisir. Aussitôt, il a posé sa main sur ma bouche, et a murmuré à mon oreille :
« Silence ! Sinon j’arrête. »
Ah non, alors !
Il s’était immobilisé pour me dire ça, et a repris ses mouvements. Avec une lenteur exaspérante. Il sortait de moi tout entier, à chaque fois, pour mieux revenir, et je me cambrais de plaisir à chaque fois, luttant de toutes mes forces contre l’envie de gémir. Quand il me quitta encore, je resserrai ma prise sur ses épaules pour tenter de l’en empêcher, mais Clément se redressa, ombre noire dans la tente obscure, et prit mes poignets entre ses doigts, bloquant mes mains sur le matelas près de ma tête pour m’empêcher de bouger.
« Laisse-toi faire. » m’ordonna-t-il dans un souffle. Et si ce genre de jeu ne m’avait jamais attirée, l’idée de me retrouver à sa merci, soumise à ses caprices, m’excita à peu près autant que le désir qui faisait vibrer sa voix à cet instant. Alors, je m’abandonnai à lui, confiante, et le laissai faire de moi ce qu’il voulait. Je fermai les yeux, et cessai bientôt de chercher à comprendre ses mouvements. Il me faisait du bien, et c’était tout ce qui comptait.
Clément tenait toujours fermement mes poignets, et si je ne pouvais bouger les bras, j’avais un peu plus de latitude pour les jambes, que je relevai avant d’en entourer sa taille. Le mouvement avait dû modifier un peu ma position, car Clément toucha en moi un endroit qui me fit presque gémir. Presque, parce que je me retenais de toutes mes forces. Et à partir de cet instant, il ne changea plus rien. Et moi non plus. A chaque fois qu’il avançait en moi, il touchait ce point précis, m’arrachant d’abord des soupirs que je tentais d’étouffer le plus possible, et bientôt plus rien. Rien que cette sensation de flotter dans l’eau brulante, le cerveau déconnecté, c’était comme si j’étais hors de mon corps. La seule chose qui me parvenait encore : le plaisir au fond de moi, qui m’envahissait tout entière, et le murmure de Clément : « Jouis, ma belle, jouis… » tandis que je me tordais de plaisir sous son corps.
Au petit matin, quand on a ouvert les yeux, Lenka était blottie entre nous. Elle avait réussi à se faufiler dans le duvet pour profiter de notre chaleur, et elle roupillait allègrement. Une chance qu’on n’ait pas bougé, on aurait pu l’écraser la pauvre…
On est restés comme ça au chaud sous la tente, jusqu’à entendre bouger les autres dehors. Alors seulement on est sortis pour préparer le petit-déj.
« Ton thé, Louloute. » m’a dit Gauthier en me tendant ma tasse, avant de s’asseoir près de moi. Je l’ai remercié dans un bâillement, m’attendant à me faire charrier – oui, il me manquait des heures de sommeil – mais non.
« Qu’est-ce que t’as, dans le cou ? Tu t’es blessée ? »
J’ai cherché en vain l’égratignure dont il me parlait, mais je ne sentais rien sous mes doigts. Hugo, assis près de nous, lui a fait les gros yeux, et Clément a regardé aussi avant de se marrer. Il avait l’air un peu coupable quand même en m’avouant : « Merde, je t’ai fait un suçon… Désolé, princesse. »
Après le petit-déjeuner, j’ai sorti mon miroir de poche pour regarder à quoi ça ressemblait. Une myriade de petits points rouges. C’était relativement discret sur ma peau café au lait, mais quand même. Bon… je n’avais plus qu’à attendre les commentaires égrillards des gars…
Lorsque j’ai réintégré mon appartement le lundi soir après trois jours de randonnée, je me sentais bien. Fatiguée, fourbue, mais bien. Je m’étais empli les yeux et les poumons d’air pur et de beaux paysages, j’avais respiré les odeurs de la montagne, écouté ses bruit… J’ai pris un bon bain pour me relaxer, comme toujours. Clément était rentré chez lui, il travaillait le lendemain. Moi, j’avais rendez-vous à la maison d’édition, pour parler de mes différents contrats, voir les projets à venir, et surtout Pierre-Luc devait me montrer les premières épreuves de MON livre. Enfin ! On avait pris le temps, on voulait qu’il soit parfait. Surtout moi.
Quand je l’ai eu dans les mains, j’ai éprouvé une émotion que je n’aurais pas cru ressentir pour un bouquin. Mais c’était mon bébé, cet album. J’y avais mis mes tripes et tout mon amour. C’était en quelque sorte l’histoire d’Attila. Un loup, féroce et méchant, qui rencontre une petite fille perdue. Ils s’apprivoisent, le loup devient gentil, la petite fille grandit et s’affirme, tant et si bien qu’à la fin, la dernière illustration montre la jeune fille et son chien, son chien-loup, en plein câlin. Illustration inspirée d’une photo d’Attila et moi, que j’aimais beaucoup.
Sur la première page, celle après le titre, j’ai effleuré du bout des doigts la dédicace que bien peu de gens comprendraient vraiment : ‘A toi mon Til, Attila. Merci.’
Ce livre était pour lui, hommage à l’amour qu’il m’avait offert pendant des années sans jamais attendre en retour plus que des caresses et une gamelle pleine. Je n’aurais pas voulu le dédier à qui que ce soit d’autre. Les larmes me piquaient les yeux alors que je fermai le livre pour admirer encore une fois la couverture cartonnée que je caressai du bout des doigts. Le papier était doux, velouté.
« Il te plait ? » m’a demandé Pierre-Luc.
« C’est parfait. » ai-je murmuré. J’avais bataillé ferme pour certaines choses, je n’avais rien lâché, ce livre était vraiment tel que je l’avais imaginé.
Je suis repartie avec quelques exemplaires
d’Un loup ! J’avais eu du mal à me décider pour le titre, c’est finalement celui-là qui était resté. Parce que l’album commençait ainsi : ‘Un loup ! s’écriaient les gens en le voyant, avant de se cacher, tremblants de peur.’
J’étais encore en train de le lire, relire et re-relire, quand Clément est arrivé : « Fais voir cette merveille, alors ? »
Il avait aperçu quelques esquisses, mais je n’avais montré à personne les illustrations définitives.
Quand il a refermé l’album, il avait un sourire attendri. Pas besoin de lui expliquer que c’était une version revisitée des onze années vécues avec Attila.
Le lendemain, nous étions invités à manger chez Virgile et Julia. En pleine semaine, mon frère aimait bien, il disait que ça le changeait du travail.
« Fallait pas, Moustique ! » me gronda-t-il quand je lui tendis le paquet que j’avais préparé pour Corentin. C’était un exemplaire d’Un loup !, que j’avais dédicacé pour mon neveu. Il était un peu jeune encore, à vingt mois, mais j’étais trop impatiente ! Mon frère a déchiré le papier, regardé la couverture, puis moi, puis à nouveau le livre qu’il a ouvert, et il a lu la dédicace que j’avais écrite à la main pour son fils sur la première page, sous l’hommage à mon chien. Il m’a serrée dans ses bras, sans un mot. On se comprenait.
Clément s’était étonné que j’offre le livre à Corentin seulement, et pas à sa sœur aussi, après tout elle aussi finirait par grandir… Mais il y avait quelque chose de symbolique, Corentin avait connu Attila lui, même s’il n’en garderait aucun souvenir à part une ou deux photos. Le dernier Noël d’Attila.
Lucile aurait mon prochain livre, promis : Pierre-Luc m’avais pratiquement fait jurer de ne pas m’arrêter là.
Un autre exemplaire dédicacé a été expédié à Bordeaux pour Guillaume, le frère de Paul. Je n’avais pas de nouvelles de ce dernier, mais je correspondais de temps à autres avec Stan. Son anniversaire et celui de Guillaume tombait quelques jours après, et lorsque je lui ai demandé il m’a assuré que ça ferait plaisir à son jumeau. En effet, ils m’ont envoyé un mail un peu plus tard pour me remercier, et Stan a ajouté que Guillaume connaissait déjà le texte par cœur. Il avait toujours beaucoup aimé mon chien, et j’étais contente de lui faire plaisir, même si ce n’était pas grand-chose. Ils avaient ajouté une photo de Gengis Khan le hamster, et les salutations de toute la famille. Même Paul.
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