Juillet 2017

Samedi. On était installés dans le chalet depuis quelques jours, et ce soir on pendait la crémaillère. Clément avait organisé un barbecue, histoire de rassembler tous les copains, remercier ceux qui avaient donné un coup de main pour le déménagement…

J’avais passé l’après-midi dans la cuisine, à préparer des gâteaux, une salade de fruits, des salades composées en tous genres. J’aimais cette cuisine ! Ouverte sur le séjour, elle était agréable et pourvue d’un piano avec six feux et deux fours. Un truc de pro, énorme avec un design à l’ancienne, façon cuisinière en fonte. Meaza m’avait aidée, pendant que Clément et Nico bricolaient une table et un barbecue de fortune. On a papoté tout en cuisinant, elle m’a raconté ses démarches pour reprendre des études, leurs projets… Elle avait l’air heureuse, et Nicolas aussi. Au moins autant que nous…

« Alors les filles, toujours pas prêtes ? »

Mon frère poussa la baie vitrée et traversa le séjour pour venir enlacer sa copine tout en continuant à mon adresse : « Virgile est en route, et tu connais Martin, jamais en retard… »

Je me dépêchai de terminer de laver la vaisselle et de l’essuyer, sinon elle allait trainer là et on serait bien embêtés quand on aurait besoin de la place… Puis je gravis les escaliers à toute vitesse pour aller me changer, suivie par Lenka qui ne pouvait pas résister à la tentation de faire la course.

***

Tard dans la soirée, après avoir mangé de la viande grillée, des salades ‘pour filles végétariennes’, et des gâteaux qui ont mis tout le monde d’accord, je revenais de la cuisine où j’avais ramené quelques plats vides, et m’arrêtai sur la terrasse pour regarder le jardin. Il faisait un peu sombre, l’atmosphère était encore chaude du soleil de la journée. Lenka courait de l’un à l’autre, quémandant attention, caresses et miettes de repas. J’appuyai mon épaule au chambranle de la baie vitrée pour regarder tout ce petit monde interagir, discuter, s’animer.

Meaza semblait un peu perdue, accrochée à la main de Nicolas. Je me rappelai la première fois que mon frère m’avait emmenée à une soirée avec ses amis ; je n’étais pas plus à l’aise ! Mais elle avait parlé un peu avec Julia et Céline. Et avec moi bien sûr. Elle se sentait en décalage, trop jeune, étrangère, parachutée dans un monde inconnu… Il lui faudrait du temps pour se sentir adoptée, mais j’avais confiance : ça viendrait…

« Ça va, Moustique ? »

Virgile m’a tirée de mes pensées en passant près de moi, il était allé voir si les enfants dormaient. Je le rassurai d’un sourire, et il me prit par les épaules pour m’entrainer vers nos amis.

Alex et Gauthier avaient dû abuser de la bière, ils semblaient bien entamés… Hugo les regardait bêtifier, l’air désabusé. Sobre, lui. Mais il ne put rien faire quand Gauthier m’attrapa et me jucha sur ses épaules en braillant « Ma Loulouuuuute ! »

L’équilibre était un peu précaire.

« Allez, Clément, viens récupérer ta chérie ! » appelait-il en gesticulant dans sa direction, tandis que je m’accrochais en priant pour qu’il ne tombe pas.

« Bon, tu as assez joué ? Rends-la-moi en un seul morceau, s’il te plait… » Clément et son air blasé… mais ce n’était qu’une façade, je voyais bien qu’il le surveillait, l’air de rien.

Gauthier accepta finalement de me laisser descendre, mais en se baissant il perdit l’équilibre et je roulai dans l’herbe, comme au judo, sans me faire de mal même si tout le monde s’est inquiété. Clément écarta ceux qui, plus proches, étaient arrivés avant lui, et me regarda me relever. Je riais des bêtises de Gauthier, qui se faisait engueuler discrètement par Hugo.

« Ça va, princesse, tu es sure ?

_ Mais oui, promis, je n’ai rien.

_ Bon. Alors maintenant qu’il a arrêté ses singeries… Louise… » Eberluée, je le vis mettre un genou en terre devant moi, mes mains dans les siennes. « Acceptes-tu de ne pas te marier avec moi, de ne jamais avoir d’enfants avec moi, et de vivre avec moi dans cette maison ? »

Les autres nous regardaient avec curiosité, sans doute étonnés par l’incongruité de cette non-demande en mariage. Passé un instant de surprise, j’éclatai de rire et me jetai sur lui en criant : « Ouiiii ! »

Il bascula dans l’herbe et je suivis le mouvement pour me retrouver à califourchon sur lui, nous attirant des remarques fines et poétiques.

« Ne PAS faire d’enfants, Moustique, il a dit ! » se bidonnaient Alex et Virgile.

« Laisse-les dire… » murmura Clément. Il s’était redressé, mais toujours assis au sol il me tenait contre lui dans une position des plus intimes. « Je t’aime. » ajouta-t-il avant de poser ses lèvres sur les miennes, pour un baiser presque chaste.

Bien plus tard, alors que tous les invités étaient repartis, ou endormis pour ceux qui restaient là : Virgile et sa famille comme prévu, Hugo et Gauthier qui cuvait gentiment dans le bureau, Clément et moi nous sommes installés sur la terrasse, sur ce qu’il appelait ses chaises africaines. La première fois, m’étais demandé ce qu’il faisait avec ses planches… mais une fois imbriquées l’une dans l’autre, cela faisait des sièges à l’assise et au dossier inclinés, très confortables en dépit des apparences. Lenka dormait, roulée en boule sur mes genoux, et Clément à côté de moi regardait les étoiles tandis que je me sentais glisser doucement dans le sommeil moi aussi. Ça avait été une bonne soirée, et je m’endormais en espérant m’en souvenir longtemps, et en vivre encore beaucoup d’autres comme ça…