Chapitre 41
Le soir-même, après avoir fermé les volets et envoyé Lenka dormir dans son panier – oui, elle avait un joli panier en osier, cadeau de nos amis lors de notre pendaison de crémaillère, garni d’un coussin moelleux. Du moins, le panier était joli, jusqu’à ce qu’elle décide de faire ses dents dessus… et le coussin était nettement moins moelleux depuis qu’elle l’avait éventré – j’avais tenté le tout pour le tout en essayant de le farcir avec les morceaux de bourre qu’on avait ramassés partout dans le séjour, avant de le recoudre, mais il ne ressemblait plus à grand-chose, maintenant, le panier…
Bref, Clément a envoyé la chienne se coucher, et on est montés en faire autant. Mais il ne semblait pas avoir envie de dormir… Je le savais à sa façon de laisser glisser ses mains sur mes fesses et mes cuisses, en montant l’escalier derrière moi.
Sitôt la porte refermée, Clément m’a attrapée et retournée face à lui. Ses yeux brillaient dans le jour déclinant, et il m’a déshabillée tandis que je lui ôtais également ses vêtements. Une fois nus l’un et l’autre, nous sommes restés un moment immobiles, debout au milieu de la chambre, puis Clément m’a attrapée dans ses bras, et m’a pratiquement jetée sur le lit.
Allongée sur le dos, appuyée sur mes coudes, je le regardai. Il était debout au pied du lit et ne me quittait pas des yeux en s’approchant dans la pénombre, sa peau plus claire que la nuit derrière lui. Le jeu des ombres sur son corps…
« Attends ! Ne bouge pas ! » dis-je en me levant.
« Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
_ Ne bouge pas, s’il te plait ! Je reviens. »
Je courus chercher mon appareil photos et revins aussi vite que possible pour le trouver immobile, dans la position où je l’avais laissé. Je m’assis sur le lit en allumant le réflex, ôtai le cache devant l’objectif, et commençai à cadrer.
Clément me regardait, amusé, un sourcil relevé. Sa bouche formait un sourire indulgent. Je cadrai plus serré, un gros plan sur son visage qui mangeait tout mon viseur. Et les ombres derrière. En noir et blanc, ça rendrait sans doute pas mal. A moins que je la laisse en couleurs, ça pourrait être intéressant… je verrais bien, je réfléchissais tout en déclenchant en rafale.
Puis je dézoomai un peu, un peu plus, jusqu’à le voir presque entièrement dans mon objectif.
« Arête de sourire comme ça, t’es pas naturel, là ! » râlai-je : il n’avait pas quitté son air amusé. Alors il leva les yeux au ciel :
« Ah, parce que me demander de ne plus bouger, c’est naturel ?
_ Tu sais très bien ce que je veux dire, Clé. Allez, joue le jeu, s’il te plait ! En plus le jour baisse et dans deux minutes ce sera trop tard ! »
Les ombres avaient déjà bougé, elles étaient plus prononcées, plus sombres.
« Bon, approche, mais lentement, hein ! Et sans sourire. »
Je déclenchais toujours en rafales, on verrait bien le résultat, tandis que Clément avançait doucement, le regard fixé sur moi à travers mon appareil photo. Sa bouche sérieuse, son regard noir, le geste lent et lascif, presque animal.
Quand il arriva à quatre pattes au-dessus de moi, je basculai le bouton sur OFF, et posai l’appareil en sécurité avant de lui ouvrir mes bras. Il faisait attention pour ne pas m’écraser mais j’aimais sentir son corps contre moi, sur moi. J’aimais me trouver dans sa chaleur, tous les deux dans une bulle de désir… Les murmures échangés, les mains aventureuses, tour à tour douces et impétueuses, tendres et demandeuses. Quand bouches et langues s’en mêlent et s’emmêlent…
« Hé, on n’a même pas essayé le jouet ! »
Clément redressa la tête pour la tourner dans ma direction dans le noir presque total. Il était en train de s’endormir.
« Ouais, c’est vrai… Trop impatients, tous les deux… »
Je ne répondis pas, il n’y avait pas grand-chose à répondre.
« Tu regrettes ? » demanda Clément en se relevant sur un coude, ses doigts effleurant mon épaule, mon bras. « Tu veux qu’on remette ça ? »
Comme il étouffait un bâillement en terminant sa phrase, je souris : « On verra demain. Bonne nuit. » murmurai-je en me blottissant contre lui.
Le lendemain, je déchargeai les photos et les triai. Exit les floues, les ratées. Mais après un traitement par mon logiciel, les cinq que je décidai de conserver me plaisaient vraiment. Il y en avait deux de Clément s’approchant de moi, en plan américain, et trois autres de son visage, dont une que j’aimais particulièrement. Son sourire s’était évanoui, et le jeu des ombres et de la lumière, en noir et blanc, le faisait paraitre un peu sauvage, presque animal.
J’étais plutôt contente de moi, pour une séance photo improvisée, avec une lumière naturelle déclinante, le résultat était vraiment pas mal. Celle-là, j’allais la faire encadrer.
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