Derrière la trame du tissu cosmique, à travers les entrelacs de l’espace-temps, par-delà l’échafaudage dimensionnel de notre univers, deux entités sont sur le point d’entrer en contact. Si l’on devait appliquer une terminologie humaine à cet échange imminent et incompatible avec les lois de notre réalité, nous observerions que l’une de ces deux ondes approche l’autre avec une anxiété oscillatoire évidente, voire une sinusoïde d’appréhension marquée. La communication instantanée d’anti-photons produirait alors le dialogue suivant, dans lequel les gradients syntaxiques ont été adaptés à nos schémas neuronaux :

– …Mon lieutenant ?

– Major, je vous attendais. Avez-vous pu faire la lumière sur le petit incident que vous aviez décelé dans le secteur Blito P3 ? J’imagine qu’il s’agit d’un artefact sans conséquence sur l’expérience de la zone, non ?

– Heu, hé bien pas tout à fait, mon lieutenant…

– Ah bon, expliquez-vous, major.

– C’est-à-dire que… l’artefact en question s’avère en fait être un signal d’anti-neutrons… à spin hyper-réel…

– À spin hyper-réel ? Vous en êtes sûr ? Mais il y aurait eu pénétration de l’univers d’observation, alors ?

– …Affirmatif… Magnitude 42.

 Le lieutenant Observateur faillit s’étouffer dans son faisceau de particules.

– Magnitude 42 ? Il doit s’agir d’une erreur, c’est impossible ! Imaginez les conséquences si un tel signal venait à être capté par les nano-spécimens de l’expérience UM1. Nous serions en pleine violation du second Principe d’Observation, après des millions de rotations ! Avez-vous pu tracer le signal, au moins ?

 Les oscillations du major hyper-blêmirent le long du spectre de fréquences.

– Oui, mon lieutenant… Le signal a été émis depuis l’une de nos baies d’observation… par un technicien de classe 5.

– Quoi ? Vous être en train de me dire qu’un simple technicien de nos équipes a pu envoyer un signal d’anti-neutrons de magnitude 42 à travers la bulle d’observation ? Malgré tous les protocoles de sécurité ? Vous me prenez pour un quark, major ?

– Non, mon lieutenant. Nous l’avons neutralisé immédiatement pour procéder à son interrogatoire et apparemment ce technicien possède des capacités que nous n’avions pas décelées jusqu’alors et…

– Mais je me fous de ses capacités, bordel de plasma ! Ce que je veux savoir c’est ce qu’il a fait avec le signal ! Magnitude 42, vous vous rendez compte ou vous êtes dépolarisé du flux, major ? C’était QUOI ce signal ?

– Le signal a été dirigé directement sur la planète des nano-spécimen UM1, mon lieutenant… avec un stimulus cognitif global non crypté reçu par toutes les formes de vie évoluées…

 Le lieutenant se disloqua dans sa septième dimension et émit une gerbe d’anti-photons qui macula méchamment le spectre ondulatoire. Bien que dans le supra-espace « personne » ne s’entende crier à proprement parler, les oscillations du major mirent un laps de temps indéfinissable avant de recomposer un schéma de pulsation intelligible.

– C’est une catastrophe major ! Un message cognitif… c’est la violation du Premier principe et même de TOUS les principes d’Observation ! Si la trajectoire des spécimens est massivement altérée hors du Schéma, l’expérience est foutue !

– Je suis désolé, mon lieutenant… Nous ne pouvions pas savoir que…

– Désolé ? Je crois que vous ne vous rendez pas compte, major. Avec une faute pareille, ce n’est pas un simple exil gravitationnel qui nous attend, mais la dissolution scalaire irrévocable ! Et dire que le Commandant s’était personnellement investi dans les UM1… Si ça se trouve le Général lui-même… Major !

– Mon lieutenant ?

– Cette information ne doit surtout pas s’échapper de notre sphère de radiation, c’est compris ? En tout cas pas avant d’avoir évalué précisément l’étendue du D.I.E.U.

– Bien compris mon lieutenant ! À vrai dire, le rapport du Dégât d’Intervention Extra Universelle ne devrait plus tarder…