Au milieu des autres
[ Réponse au défi : Ces êtes humains insolites]
Pour sortir de ma zone de confort, j'avais décidé de faire cette expérience que sont les Journées Mondiales de la Jeunesse.
À 18 ans, me voilà dans un pays que je ne connais pas, depuis maintenant bientôt 10 jours. J'y ai déjà vécu des émotions qui m'ont marqué pour un bout de temps, mais je ne m'attendais pas à te recontrer.
Jusque-là, j'avais à peine remarqué ton existence, et j'imagine que l'inverse était vrai également.
Nous nous retrouvons dans un groupe de réflexion, autour de la religion, thème central de ce voyage. Malgré un gros manque de confiance en moi, je réponds à la question :
- Qu'est-ce que la religion catholique pour vous ?
Ma réponse semble te plaire, puisque tu commentes ainsi :
- Je me marierai avec quelqu'un qui pense comme toi.
Avec tes lunettes rondes, ta drôle de coupe au bol et ton air distant, tu me regardes droit dans les yeux.
Suite à ce moment d'introspection, tu t'approches de moi et on commence à discuter.
J'ai un peu de mal à te cerner. Tu n'es pas très grand, disons même que tu ne paies pas de mine à première vue, mais tu dégages une confiance en toi rassurante.
Quelques jours plus tard, nous partons tous, des centaines de milliers de jeunes de tous horizons, pour une nuit de partage.
Tu es venu dans mon groupe de six personnes. Six personnes sur des milliers.
Nous visitons la capitale de ce beau pays, mais je m'en souviens assez peu pour tout dire. Il y a avait tellement de monde... Et nous ne nous sommes jamais arrêté de parler.
Tu as tout l'air d'un explorateur, avec ton chapeau de paille, tes boots et ton sac de voyage. Mais je découvre en fait que tu fais les mêmes études que moi, dans le soin aux autres !
Nous parlons de nos études, de nos aspirations, et bien sûr de nos histoires de coeur. Nous sommes un peu dans la même situation. Nous sommes proches de quelqu'un, un(e) meilleur(e) ami(e), qui a clairement des sentiments. Nous doutons de ressentir la même chose.
Et là, tu me regardes droit dans les yeux, avec ton plissement d'yeux cachant ce que tu penses vraiement, et m'affirme que tu ne pourras jamais sortir avec une fille plus grande que toi. Je suis plus grande que toi. Pourquoi te sens-tu obligé de me dire ça ? Et pourquoi es-tu alors si protecteur pendant ces vingt-quatre heures ?
Nous arrivons au lieu de rendez-vous, et il y a une foule impressionnante ! Il fait chaud, nous n'arrivons pas à entrer dans la zone dédiée aux français. Nous sommes séparés d'une partie de notre partie groupe. Tu me trouves un lieu ombragé, de l'eau et un peu à manger pour nous.
Finalement, un orage éclate. Un peu cliché direz-vous ? N'empêche que c'est ce qui est arrivé.
Nous nous éloignons de l'aérodrome et trouvons un abri dans une zone péri-urbaine.
Nous sortons nos sacs de couchage, et continuons de parler.
Tu as l'air de quelqu'un de sérieux et droit. Nouvelle surprise ! Le bip d'un passage piéton nous empêche de dormir. Après une journée éreintante, et avant une autre qui sera pareille, ça ne me réjouit pas vraiment.
Tu sors ton couteau suisse, et tu vas couper le fil dudit boitier qui bippe !
Un peu honteux, on court se cacher et on pouffe de rire. Première fois que je te vois rire, ça te va bien.
Finalement, on se couche, à plus d'heure. Je me sentais bien, ne me posant pas trop de questions, apprenant à profiter simplement de l'instant présent.
Alors que je m'endors, je sens ta main tomber sur ma taille.
Je me retourne, tu as les yeux fermés et ne bronche pas.
Nous dormons ainsi quelques heures.
Le lendemain, nous continuons sur notre lancée.
Alors que tu as l'air si hésitant avec ta meilleure amie, tu me pousses à prendre une décision de mon côté. J'engage des réflexions qui seront importantes pour moi, plus tard.
Une fois que nous avons retrouvé les autres de notre équipe, nous passons la journée prévue.
Quelques heures plus tard, nous sommes de retour dans le bus qui va nous ramener en France.
Tu restes avec tes amis, promettant de venir me voir un moment dans le bus.
Si je suis un peu perturbée par ton attitude, je prends conscience que toutes les expériences vécues pendant ces quinze jours, je ne les oublierais jamais. La sollitude du moment n'est pas facile à gérer pour la toute jeune adulte que j'étais.
Tu me rejoins sur la fin du trajet. Nous écoutons simplement de la musique ensemble. Tu te tiens bien droit à côté de moi, comme pour te faire plus grand. Et tu regardes au loin, sur la route.
Nous nous sommes recroisés quelques fois par la suite.
Sur notre lieu d'étude, tu as toujours ton air distant, mais tu es empli de sollicitude et de bienveillance.
À un one man show, tu étais assis devant nous. J'y étais avec celui qui est aujourd'hui mon mari. Tu as reconnu ma voix et m'a interpellé. Tu as fait un haut en bas à l'homme qui partage ma vie, comme pour le jauger. Tu étais également accompagné. Ta meilleure amie ? Nous n'avons pas parlé.
Je crois que nous ne sommes jamais revus depuis.
Je t'ai trouvé intéressant, insolite.
Froid de prime abord, peu souriant, sûr de toi. Pas vraiment le genre de personne qui m'attire.
Mais en fait, tu es protecteur, observateur et bienveillant. Tu m'as fait réfléchir sur des questions importantes.
Je pense que tu seras un bon soignant.
Bon vent !
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