Pearl est un ange ( contenu sensible )

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J’aime regarder la montagne, à travers la petite fenêtre du prépa. j’aime le silence absolu qui règne dans ce village, où il ne se passe jamais rien.

J’ai l’impression de mener une vie de rêve :

La douce dérive

sous le soleil et dans un

cristal de silence

Mon père entre, l’œil vif, et me dit :

— Je t’ai inscrit au concours de poésie.

— J’ai rien demandé.

— Je sais, je reviens ce soir : je dois aider le maire pour la kermesse. Dernière chose : va sur la place de la mairie, il y a une surprise.

— Une surprise ?

Il n’a pas entendu ma réponse, il est déjà parti.

Je m’avance vers le van au milieu de la place. Oui, une sacrée surprise !

Je la connais par cœur cette camionnette : c’est celle de Vincent. L’ovni automobile est peint en noir, avec des têtes de mort, des crucifix enflammés, la gueule de Johnny Rotten.

Et Vincent est là , très grand, souriant, crâne rasé, barbe à la zz top, tatouages du haut du visage jusqu’à la plante des pieds. Il me prend dans ses immenses bras et m’étouffe sous les caresses.

Je lui demande :

— Tu viens pour la kermesse ?

— Oui , le groupe postpunk c’est moi !

— C’est dans quinze jours ?

— J’ai fait le tour de tous les concerts prévus, soupire Vincent.

— Et dès qu’ils t’ont vu débarquer,ils ont tout annulé ?

— Sauf ici. C’est dingue le maire est convaincu qu’on va faire un bal musette !!!

On éclate de rire. Je lui demande :

— Tu vas loger où ?

— Je ne sais pas : le maire a parlé de chambres chez la boulangère.

— Et la Zad ?

— Tout se normalise.

— Et Anne-Sophie ?

— Tu veux savoir, vraiment savoir , me demande Vincent , d’une voix blanche ?

— Je veux savoir.

— Tu sais la vérité est souvent…

— Je veux savoir.

Un long silence s’installe entre nous, Vincent avale sa salive et murmure :

— Elle va se marier.

— Avec qui ?

— Tu sais.

— Maxime.

— Il lui a promis tout ce que tu as refusé : le mariage, les gosses, le Gaec…

— Je vois.

— Elle te cherche partout : elle veut que tu sois son invité d’honneur.

Assommé, je m’assois sur la margelle de la fontaine. Vincent vient vers moi et me montre une fille. Elle est jeune, métisse asiatique, les cheveux de toutes les couleurs. Jolie, très jolie, elle me regarde comme on regarde une glace à la fraise. Je me sens un peu gêné, je sais que Vincent a dû la saouler avec son ami poète.

Vincent me demande :

— Tu peux m’aider ?

— Toujours !

— Pearl est américaine , elle n’a pas dormi de la nuit et elle est un peu stressée : tu peux la prendre dans ton préfa ?

— Of course.

La porte à peine fermée, Pearl me dit : « I’m cold. »

Je la réchauffe dans mes bras et elle m’embrasse. Elle commence à me déshabiller : je ne suis guère surpris. Avec Vincent, on a toujours tout partagé : la dope et les filles, et je sais ce qu’il a mis dans mon blouson.

Je sursaute quand elle glisse un doigt vers mon anus.

Elle me murmure « prostate milking », tout en léchant mon oreille.

Là, je perds tout contrôle. Je lui fais l’amour sauvagement, follement. Ses petits seins glacés me stimulent, j’ai la rage et je suis abstinent depuis trop longtemps. Et pour une gamine de 18 ans, Pearl connaît mille et une façons de rendre un homme fou de désir.

Je m’écroule, incapable de la satisfaire, plus longtemps, et étrangement, elle semble rassurée.

Nous partageons le joint. C’est du cannabis hollandais trafiqué : fort, très fort. Vincent ignore le bio.

Dans un épouvantable franglais, elle me raconte son histoire. C’est l’histoire habituelle des filles de Vincent. Elle vient d’une famille rigoriste de la côte est , riche, très riche. A seize ans, elle a tout envoyé balader. Je révise mon vocabulaire américain : speed, zing , puis meth, glass, xtc, coke, horse et à la fin china girl. Les parents qui coupent les vivres, la prostitution, le débarquement en France, l’avortement, et Vincent. Du classique, à part, dans son délire junkie des références continuelles à la prière, à God : pour elle , elle est Marie-Madeleine et Vincent le Christ. je sais d’où vient ce délire.

Avant de tout lâcher, Vincent était maïeuticien : il y a dix ans, barbes et cheveux longs, il avait fait accoucher une fille aux USA, en pleine campagne. Il n’avait pas dit un mot : il parlait mal l’anglais. La légende urbaine du Christ accoucheur était née…

Pearl me murmure :

— With your sperm, en moi, je vois the future.

— Pardon ?

— Yes : ESP.

J’ouvre des yeux ronds : là c’est du lourd. Si j’ai bien compris elle a fait l’amour avec moi, pour faire la Pythie grâce à ma semence ? Perception extra sensorielle…

Vincent a décroché le gros lot.

Je lui demande :

— Et tu vois quoi ?

— Une angel, pour toi : une virgin très très beautiful !

— Et après ?

— Elle devient ma friend, you sais, les girls toujours très mean avec moi. Mais elle, it’s different.

— C’est certain ?

— Non, for God l’homme est toujours free…

Je suis troublé : un vieux poème me revient.

La beauté d’un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

Un ange, pour moi ? Comme c’est étrange. Je me tourne vers Pearl, elle dort et a, sur son visage, le sourire… d’un ange !

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