72 heures de rêves.
Mon dieu qu'il faisait chaud, dans ce grenier, mais je n'en avais cure. Pour moi, commencer les vacances, c'était fouiner dans ce vieux grenier, si rarement visité.
Je connaissais son contenu par cœur, l'antique minitel, l'inaudible 78 tours.
Soudain, je demeurai interdit, devant un objet inconnu, inédit : une sorte de boite faite d'un matériau indéfinissable.
J'ouvris la boite et un chat roux me sauta à la gorge. Instinctivement je levai la main et le chat se fracassa le nez contre un mur invisible.
Interloqué, j'entendis le chat m'interpeller :
« Tu es un magicien ?
— Heu non, balbutiai-je, du moins pas à ma connaissance.
— J'ai compris, Merlin s'est encore trompé : je vais te raconter mon histoire. »
Julie marchait devant nous, belle de plus en plus belle. Zirki jouait avec moi,se cachait, réapparaissait , voletait. Et moi j'étais le plus heureux... des chats !
Et dire, oui dire qu'il y a quelques jours à peine, Julie et moi nous étions fiancés sans le monde « réel ». J'avais acheté ce billet, pour un « Aller, sans retour, dans un monde de fantaisie » et nous avions ouvert la porte.
Tout avait basculé, Julie était devenue magicienne, moi un chat, son chat, son familier.
J'avais rencontré Zirki, la femme oiseau , amicale, espiègle et nous étions devenus les meilleurs amis du monde.
L'incroyable était devenu mon quotidien, et pour tout l'or du monde, je ne serais jamais revenu de l'autre côté. Certes mes relations avec Julie se résumaient à quelques caresses, mais quelles caresses !
Bref j'étais le plus heureux des chats.
Le chemin serpentait à travers la forêt froide, humide , puis déboucha sur une clairière. Julie poussa un cri ; « Regardez, il est là ! ».
Immobile,, un chevalier habillé tout en noie nous attendait. Il devait dépasser les deux mètres, son épée immense et maculée de sang s'enfonçait à terre, à un pas de lui.
La troupe s'arrêta, figée par la terreur, ne sachant que faire.
Je chuchotai à l'oreille de Zirki :
« Qui est-ce ?
— Le chevalier noir, répondit mon amie, visiblement terrorisée.
— C'est un mangeur d'âmes ?
—Non, répondit Zirki. C'est un humain, avec des pouvoirs magiques. Nos ennemis le payent, mais il est totalement indépendant, tout le monde le craint, y compris ses employeurs.
— Alors, il faut le tuer décidai-je.
— C'est impossible, il est invincible. Le sang sur son épée est celui de nos compagnons, ils étaient une centaine devant nous : ils sont tous morts. »
Je réfléchissais à une stratégie, quand la belle voix grave et virile du chevalier retentit :
« Hé bien, vermisseaux, vous vous demandez pourquoi vous n'avez pas,encore, péri ? La réponse se tient devant moi.
Dame Julie, la sorcière aux yeux violets m'avait promis la plus belle femme du monde. La vieille n'a point menti, Je serai magnanime : si vous venez à moi, j'épargnerai tout le monde, y compris ce matou ridicule »
Je proposai à Zirki : « Tu l'amuses par devant et je l'attaque par derrière. »
La femme oiseau m'approuva du regard.
Zirki était vive, je n'eus pas même le temps de faire le tour qu'elle avait déjà bondi sur l'ennemi. Mais le chevalier noir, encore plus rapide, avait pu prendre son épée et rater, volontairement, mon amie.
Je sautai sur lui et restai suspendu dans les airs. Le monstre me tenait par la queue et avait mis sa lame sur ma gorge. Il se tourna vers la douce blonde, qui venait de lancer, en vain, un sort :
« Désolée, Dame Julie, contre moi, toute magie est impuissante, la sorcière m'a immunisé.
— Hélas, je connais trop bien la puissance de Viviane, répondit ma promise en pleurant. Je vous en supplie, épargnez mon chat !
— Il vous suffit de m'épouser, gente dame.
— Jamais, rétorqua Julie ; je n'aurai comme époux, que le chat que vous menacez.
— Alors, pendant quelques jours, faites comme si nous étions mari et femme.
— J'ai déjà promis à maman d'accepter, sanglota ma fiancée.»
Tout alla très vite. Le chevalier noir siffla et un dragon apparut, nous montâmes tous les trois et je sentais la lame de l'épée flamboyante sur ma gorge.
En quelques minutes, nous arrivâmes devant un château entouré de ronces. Le chevalier noir le va la main et le mur sauvage s'écarta.
Un nain vint à notre rencontre, difforme et laid. Il me prit et m'enferma dans une boite, percée de trous pour que je puisse respirer et voir l'extérieur.
Le nain me dit en riant : « Bienvenue, petit chat roux, nous t'attendions ».
Il me promenait à la suite du couple maudit. Le chevalier enleva son armure.
Je m'attendais à voir un jumeau du nain, il n'en fut rien ; devant Julie, visiblement émerveillée, se tenait un jeune homme, beau comme un dieu, brun aux yeux bleus, avec un corps d'athlète et un visage d'une immense douceur.
Le couple remonta l'allée centrale du château, cernée par les roses et les acacias en fleur. Le couple se tenait tendrement la main.
Soudain, je m'étranglai de rage, ce sale type venait de relever la robe de Julie, dévoilant de délicieuses fesses , que j'aimais tant embrasser, quand nous vivions de l'autre côté. La douce blonde sourit et l'homme paru étonné :
« Hé bien, ma belle, vous ne protestez point ?
— Nous sommes mari et femme, minauda la traîtresse.
— Pour la vie ?
— Non rétorqua Julie, pour quelques jours : je n'ai promis que cela.»
On installa la boite en haut d'une armoire, pour que je ne perde rien du spectacle.
La chambre à coucher du chevalier sentait bon, le lit était recouvert de pétales de roses.
Le monstre déchira la robe de ma fiancée, révélant le corps de rêve de ma promise.
Je pleurai, je criai, je suppliai.
Julie m'ignora, la pointe de ses seins s'était durcie, ses yeux fiévreux ne quittaient pas ceux du chevalier.
La suite fut le plus horrible instant de ma vie. Elle le déshabilla , avec une immense tendresse et se mit à caresser et faire durcir le sexe gigantesque de mon rival.
Mourir, je voulais mourir.
Un souvenir me revint, la page 764 : Méraugis et Gorvain écumaient, eux aussi, de rage. Ils se combattaient à cheval , à l'épée. Je me voyais pourfendre ce être immonde, quand Merlin apparut.
L'enchanteur s'avança. Le couple était tendrement enlacé, Julie gémissait de plaisir.
Je voulus sauter à la gorge de mon ennemi, mais je me heurtai de nouveau au mur dressé par Viviane. Le couple m'ignorait totalement, plongé dans la jouissance.
Nouveau saut, nouveau mur, Merlin me regarda, désolé :
« Je t'avais prévenu, petit chat, ton couple sera désuni.
— Que faire, demandai-je bouillonnant de rage ?
— T'enfuir et vite : ici c'est la magie de Viviane qui s'impose. Mon pouvoir est limité. »
Nouveau saut, nouvel échec. Le chevalier noir sursauta. Julie se fit encore plus tendre et me fit un signe de la main : je devais partir, vite !
Merlin a jeté un sort, la boite s'est envolée et je me suis retrouvé ici. Puis tu as ouvert la boite, tu connais la suite !
Ce chat me faisait de la peine, je voulais l'aider, mais comment ?
Mon portable vibra, je lus ce message :
« Désolé, cette boite n'aurait jamais dû vous parvenir. Remettez le à l'intérieur, il arrivera à destination. Je vous remercie. Signé Merlin. »
Je m'exécutai immédiatement. Le chat me regarda, avec des yeux suppliants.
Sans réfléchir, je mis un pied dans la boite.
Elle se mit à grandir, puis se referma sur nous deux. La boite vibra, avant de s'envoler.
Et dire que j'avais peur de m'ennuyer pendant ces vacances !
« Et la suite, demande la voix féminine ?
— Je ne sais pas, réplique la voix masculine !
— Mais sait-il qu'il est train de rêver ?
— Non, bien sûr, répond l'homme et c'est préférable.
— Pourquoi, demande la femme ?
— Parce qu'il pourrait se douter que, chaque nuit, nous épions ses rêves ! »
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