Penchée sur la carte professionnelle de l'experte et galeriste d'art durant mon cours, ma vue se floute sur ce nom lu des dizaines de fois, Lauren Smith. Elle est entrée dans ma vie comme un coup de tonnerre s'abattrait sur un champ.

Une semaine me sépare du jour où j'ai ouvert les portes de cette exposition. Je me remémore la dernière entrevue dans son bureau de la galerie Daniel Templon. Le jour où j'ai réussi à la convaincre de m'apporter son appui expert pour mon devoir, sans savoir vraiment qu'elle en était ses motivations. Trois jours plus tard, je me suis rendue, de nouveau, à la galerie Templon. Non seulement par envie d'en savoir plus sur l'artiste lui-même, mais aussi pour comprendre les raisons qui l'ont poussée à m'aider.

Après m'avoir été d'un soutien inestimable pour mon travail, elle a persévéré et m'a appris la façon d'analyser correctement une œuvre d'art : la biographie de l'auteur, l'époque historique rattachée à son vécu, le mouvement artistique, la description de la création, puis l'interprétation symbolique, dont le mot m'était inconnu.

À la fermeture de la galerie, soit vingt heures, elle m'avait même proposé de la suivre dans son bureau ovale, qui se dressait en maître au milieu de la pièce, si peu conventionnel. D'un blanc nacré, il s'affichait sous un rouge tape-à-l'œil, à l'instar des murs placardées des peintures semblables à celles de Robert Combas : un style coloré (comme une bande-dessinée). Dans un angle une petite table en verre, entourée de deux fauteuils en cuir noir. Sur le meuble, deux tasses et une théière, agrémenté d'un petit plateau garni de biscuits. Lauren m'avait gentiment invitée à m'asseoir près d'elle.

Elle m'expliqua rapidement son souhait de m'instruire de sciences particulières, de codes, de symboles, de langages secrets et autres significations que l'on retrouvait partout dans les arts, les sciences, l'astronomie et bien d'autres domaines. Pourquoi ? Et bien que j'eusse envie de poser cent fois cette question, elle me restait en travers de la gorge, impossible à formuler, de peur qu'elle m'envoie balader. C'est si intéressant ! La symbologie est une science subjective et ésotérique et je voulais qu'elle approfondisse le sujet.

Lauren m'instruit, tout d'abord, sur les premières civilisations. Ils avaient mis au point des systèmes complexes, tels que le langage, la numération et l'écriture fondés sur la pensée abstraite. La création des symboles fut à l'origine des premiers chiffres. À partir des vestiges, les archéologues avaient dû faire appel à diverses techniques pour les étudier comme la cryptanalyse, pour comprendre l'évolution et le fonctionnement de ces tout premiers codes. Des aspects dissimulés souvent similaires dans diverses cultures. Ces symboles ont évolué au cours des siècles pour servir des moyens de communication, de manipulation et d'oppression.

Encore de nos jours, ces symboles sont appliqués par des sociétés secrètes ou par des fraternités. Nous pouvons en voir partout dans notre vie quotidienne, notamment dans l'architecture.

Certains monuments ont été construits pour canaliser l'énergie. Pour cela, les architectes édifiaient et édifient encore des bâtisses propres à cette spécificité. Les dômes, les octogones et les pyramides étaient considérés comme les plus puissants pour centraliser cette force. Dans les châteaux, les églises et les synagogues, par exemple, le dôme représente le féminin qui signifie la protection et la sécurité de la matrice. En plus, les mosquées ont toutes un croissant de lune sur leur dôme, symbole de la féminité. À l'opposé des pyramides, aux phares ou aux gratte-ciels, qui sont d'architectures masculines et symbolisent le pouvoir du mâle et de la connotation phallique.

Dès l'instant même où elle m'a révélé cela, mon cœur n'a cessé de battre anormalement. Sa connaissance a engendré ma passion. Son savoir a fait naître en moi une soif de curiosité incontrôlable.

Elle avait des idées concrètes sur la conception religieuse représentée dans les œuvres. J'ai eu droit à un cours très pointilleux sur les artistes italiens du XVème siècle. Elle a cité ainsi des noms comme Da Vinci, Botticelli, Michel-Ange entre autres.

Elle m'a inscrite sur une feuille une bibliographie, puis détaillée ce qu'il fallait à tout prix apprendre sur les mouvements artistiques, de l'art pariétal au contemporain et connaître leurs artistes phares.

— Pour savoir lire une œuvre, il faut être mathématicien disait Léonard De Vinci, a-t-elle ajouté. L'art est une science comme l'archéologie, la religion, les mathématiques, l'astronomie, les nombres, les couleurs, le corps humain et l'univers.

Elle a survolé la philosophie, les mythes et les légendes de notre monde.

En apprendre davantage sur de nouveaux savoirs m'ébranlait de la pointe de mes cheveux jusqu'au bout de mes orteils.

Pourtant, une question me taraudait : Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'avais de différent par rapport à n'importe quel autre étudiant ? Je n'eus pas besoin de lui demander quoi que ce soit, car, comme si elle avait lu dans mes pensées, elle m’a répondu : je le comprendrais à la fin de nos leçons.

Lauren est une dame pragmatique. Le détail dans ce qu'elle a à démontrer se révèle important pour la conclusion. Ma réponse sera alors plus facile à assimiler.

∞

La sonnerie de la faculté me sort de mes songes. Battant rapidement des paupières pour essayer de me rappeler où je me tiens, Camille, près de moi, range ses affaires dans son sac. D'un geste lent, je remets également les miennes dans mon cabas, et le numéro de Lauren dans ma poche.