Cela faisait maintenant plusieurs heures que nous délibérions. Bien que mes confrères et mes consœurs soient en accord avec nos principes fondamentaux, quelques résistances, opposées notamment par les plus jeunes, nous donnaient du fil à retordre. En tant que Grand Maître, je me devais d'obtenir une complète majorité car c'était l'objectif qui m'était demandé. Après avoir vu ce qu'il est advenu de mon prédécesseur, je n'avais certainement pas envie de goûter à pareil châtiment. C'est pourquoi j'avais préparé cette réunion secrète avec le plus grand soin. Je savais que la fatigue commençait à faire son effet et qu'il fallait donner le coup fatal. Je tâchais de recentrer le débat en ciblant la personne qui allait me faire remporter ma mission.
- Cher frère K, je vois que le traitement médiatique vous déplaît.
- En effet, il me déplaît, Grand Maître. Ce procès a été sur-médiatisé, jusqu'à ce que certaines presses people le tourne en dérision. C'est devenu une vaste blague qui tire sur le grotesque. Je trouve cela intolérable.
- Je comprends ce que vous voulez dire mais vous savez bien que le divertissement est capital pour maintenir les foules.
- J'entends mais je pense que le sujet de fond doit être porté à la connaissance de tous car il s'agit de la santé des enfants.
- Mais ce n'est une surprise pour personne que peu de gens s'intéressent au sujet de fond, comme vous dites.
- Au contraire, Grand Maître. Porter ce thème à la connaissance du plus grand nombre, c'est sauver des milliers d'enfants et en soigner des milliers d'autres.
- Il m'est étrange de vous voir en défenseur de la cause infantile alors que vous-même, vous avez des choses à vous reprocher.
Le frère K blanchit instantanément. Je l'ai vu remuer les lèvres mais aucun son n'est sorti de sa bouche. Il commença de s'agiter, de chercher du soutien auprès des autres membres mais ils se gardèrent bien de lui adresser le moindre regard. Je laissais l'angoisse le saisir un peu plus les membres jusqu'à le voir trembler, puis je m'adressais à lui avec une voix doucereuse.
- Voyez-vous, cher frère K, je connais sur le bout des doigts votre parcours et vos antécédents. Je sais que vous êtes un notable respecté et vous continuerez à l'être. Il serait malheureux de mettre un terme à votre carrière, si brillamment élancée, et qui possède devant elle un avenir des plus radieux. Vous êtes intelligent et vous avez, jusqu'ici, fait des choix pertinents. Je suis persuadé que vous réitérerez de manière perspicace.
Mes sœurs et mes frères, passons au vote. Êtes-vous d'accord pour poursuivre notre objectif ?
La majorité était totale.