Chapitre 8

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— On l’attachera pour la nuit, je préfère ne pas me retrouver avec une mauvaise surprise demain matin, déclara Neya en trinquant sa troisième tournée de rhum.

Le voyage s’annonça rude. Des rires éclatèrent, puis, un homme se mit à marcher dans sa direction. Dagmar se fit toute petite dans un coin de la salle à manger mais le pirate ne semblait pas décourager à l’idée qu’elle soit une proie facile.

— Bonjour, Tocard ! s’exclama-t-il.

L’insulte la laissa stupéfaite.

— Je m’appelle Tocard, se justifia-t-il.

— Ah.

— On se demandait avec les copains, c’est quoi ton nom ?

Elle frissonnait à l’idée d’entendre son prénom entre les lèvres de ces pirates.

— Dag, fit-t-elle, privilégiant un surnom qu’elle n’avait jamais trop aimé utiliser.

— Dague ? C’est super sanglant comme surnom ça.

Puis, il ouvrit grand la bouche, aspira une goulée d’air et rota. Dégoutée, Dagmar se couvrant le visage d’un bras, les relents de bières lui venaient directement sur le visage. Il repartit, fier de lui, le mot « dague » sur les lèvres.

Ce fut au tour de Sam de venir lui amener une gamelle, dedans, il y avait un bout de pain saucé avec leurs restes. Il la lui lâcha par terre et repartit, comme si de rien n’était. Elle l’attrapa et la posa sur ses jambes, le contact du métal chaud la réconforta.

— Et dire que le Capitaine avait jadis une flotte de six navires… Foutus loumiens et leur magie maudite, le Capitaine a plus que deux navires mais ce sont de très beaux navires, cracha un pirate bedonnant en frappant, de sa choppe en étain, la table. Je pense qu’on devrait lui régler son compte à cette sorcière.

Neya lui attrapa le bras.

— Assis.

Comme un chien s’assirait à ce simple ordre, il se rassit. Ils obéissaient au doigt et à l’œil à cette femme.

— Et Iolaus, j’espère qu’on va le retrouver vite.

Les yeux de Neya lancèrent des éclairs au pirate qui ne parvenait vraisemblablement pas à s’empêcher de parler.

— Et Tolyc, oh là là.

La tête du pirate frappa la table, son nez s’éclata dans une gerbe de sang. Neya reprit sa main avec un sourire, tourna ses bagues pour que la pointe de son bijou soit vers l’extérieur.

— Le prochain qui ose parler de Iolaus ou de Tolyc passe par-dessus bord.

*

Toute la nuit, elle resta là, assise sur ce vieux tabouret qui ne tenait debout par miracle. Un des pieds avait été grossièrement remplacé, il était plus court de quelques millimètres. Personne n’avait pensé à attacher Dagmar. Peu à peu, ils étaient tous partis. Et Neya s’était écroulée, un mélange de fatigue, d’alcool et de quelque chose d’autre que Dagmar eu dû mal à identifier, tristesse ou angoisse ?

Le soleil n’était pas encore levé, Dagmar était toujours levée.

Elle cauchemardait en étant réveillée, elle imaginait à quoi pouvait ressembler les ascaliens. Elle savait qu’ils étaient monstrueux, avides de pouvoir mais l’image n’apparaissait pas nette dans sa tête, est-ce qu’ils avaient un nez pointu, des cornes, des yeux fous ?

— Tu es là, Neya…

Dagmar fut étonnée du ton paternel que cette personne utilisait. En levant les yeux, elle tomba face au Capitaine, en haillons, il semblait s’être réveillé il y a peu. Ses cheveux en brosse étaient aplatis sur le côté gauche.

— Elle s’est évanouie il y a quelques heures, déclara Dagmar.

Le Capitaine leva les yeux vers elle, étonné de la voir ici.

— Oui, elle n’a pas eu le temps de m’attacher. Et oui, je suis toujours là.

— Tu devrais aller voir Doc demain, Dague. Il aura du travail pour toi. Ça sera ta manière de payer ton trajet.

Elle acquiesça de la tête.

— Je vous remercie Capitaine.

— C’est lui qui a tes affaires, si tu veux les reprendre, profite en.

Il parlait comme s’il savait. Comme s’il savait qu’elle allait repartir d’ici peu, filer en douce. Il attrapa Neya qu’il porta comme un poids plume.

— Essaie de dormir un peu Dague, demain sera une longue journée.

Elle suivit son conseil et s’approcha de la table pour dormir sur le banc.


Un courant la submergea de part en part tandis qu'elle essayait de marcher pour récupérer un cadavre qui flottait. Elle s'en approcha enfin et lorsqu'elle voulu le toucher, une main surgit et l'attrapa à la gorge. 


Paniquée, elle ouvrit les yeux sur une salle plongée dans le silence. Elle venait de s’endormir et était déjà tirée du sommeil par, par… qu’est-ce que c’était ? Dagmar toucha sa gorge et sentit les marques formées par des ongles sur la peau de son cou. Des larmes perlèrent dans ses yeux, elle ressentait toujours l’emprise de cet homme sur elle, de ce Iolaus. Comme s’il était là, tout près d’elle, prêt à finir ce qu’il avait commencé.

Sur le pont, un pirate passait un balai, mouillant le sol avec une eau savonnée. Tellement accaparé par sa tâche qu’il ne remarqua sa présence qu’au moment où elle se posta juste à côté de lui.

— Besoin d’aide ?

Il hurla d’effroi.

— Je crois voir une rougeur au niveau de votre cou, vous n’auriez pas des parasites de type puce par hasard ?

Il leva les mains qu’il secoua.

— Pas besoin de vos trucs de sorcières.

— Bon, ça démangera encore pendant quelques semaines alors, bonne chance.

Elle avança vers l’escalier qu’elle avait pris le soir de tempête lorsqu’il lui cria de s’arrêter.

— Oui ? demanda-t-elle en se retournant.

L’homme avait enlevé sa chemise, il avait les bras pliés pour dissimuler ses tétons. Elle ricana de sa pudeur.

— Je veux bien un peu d’aide, en fait.

Elle s’avança. Le Capitaine avait dit qu’il fallait qu’elle mérite sa place. Haut les cœurs, il fallait user de son pouvoir, encore. En espérant que ce pirate ne décide pas de lui couper la gorge. Elle serra et desserra ses doigts pour les décrisper. Maintenant, elle avait peur d’utiliser son pouvoir, c’était vraiment bête. Mais la dernière utilisation l’avait laissée… faible et vulnérable. Ils auraient pu la laisser mourir. Et si ça recommençait ?

— Beh alors ? s’impatienta le pirate.

— J’arrive.

Deux heures plus tard, cinq ongles incarnés, une toux et quatre infections soignés plus tard, elle parvenait enfin à faire la rencontre du docteur du navire.

— Dague ! C’est donc toi qui me voles tous mes patients, s’enquit-il en lui proposant sa main.

Elle la serra en espérant que le vieil homme n’allait pas la lui casser.

— Ce n’était pas voulu.

— Oh, ne t’en fais pas, j’ai pu dormir un peu plus ce matin.

Elle sourit. Elle ne trouvait rien à lui retorquer.

— Tu te demandes sûrement comment je parviens à soigner cette bande de truand. Moi, un vieil homme fou.

— Non, je sais que la médecine passe par de nombreuses techniques qui peuvent toutes êtres plus pertinents les unes que les autres.

Il grimaça.

— La tienne m’a l’air beaucoup plus efficace.

— C’est de la magie, avoua-t-elle.

— Oui, je sais. Il n’empêche que j’ai vu des hommes courir et bondir, ces mêmes hommes qui boitent depuis des semaines.

— Vous avez peut-être perdu un peu la main.

Elle eut peur qu’il lui montre un moignon où il manquait une main mais il lui montra une cicatrice sur toute la longueur de son bras.

— J’ai récolté ça en essayant de défendre un des miens. Même si l’os menaçait de sortir, j’ai quand même soigné une demi-douzaine d’homme. Tu ne me connais pas, évite de porter des jugements pareils.

La peur lui vrilla l’estomac, il allait la tuer.

— Pourquoi tu me regardes avec ses yeux de biche paniquée ? s’agaça-t-il en descendant les escaliers.

Elle le suivit avec prudence.

— Vous n’allez pas me tuer parce que je vous ai énervé ?

Il ria.

— Il en faut plus pour m’énerver jeune fille. Bon, tu veux bien m’aider avec mon seul patient de la matinée que tu as bien voulu me laisser ?

Elle hocha de la tête et le suivit dans la chambre dans laquelle elle s’était réveillée. Neya se tenait là, à vomir dans un seau vide, tandis que Tocard lui caressait le dos d’une main et lui tenait les cheveux de l’autre. Dagmar ne pouvait rien faire contre une gueule de bois, elle aurait peut-être à apprendre de Doc, finalement. Puis, il sortit une bouteille d’alcool de son étagère… bon, peut-être pas.

— Neya, tu as des responsabilités, tu ne peux pas te mettre minable comme ça t’arranges, sonna Doc.

Elle baragouina. Doc sembla tout comprendre et hocha la tête.

— Je sais qu’ils te manquent, ils nous manquent à tous. Iolaus peut encore revenir, tu sais. On part le chercher.

Tocard s’écarta de Neya et vint s’installer à côté de Dagmar.

— Elle ne va pas bien, commença-t-il. Tu pourrais pas la soigner de nouveau ?

— Je ne peux rien faire pour une gueule de bois, désolée Tocard.

Ses lèvres se tordirent dans un étrange rictus. Il souriait.

— Dague, tu ne devrais pas te sous-estimer.

Même si elle le pouvait, elle ne voudrait pas utiliser sa magie pour des bêtises pareilles. La veille, Neya s’était noyée dans l’alcool, elle avait empilé les bouteilles vides sur la table comme si c’était un jeu. Sauf qu’avec l’alcool, on ne peut pas gagner.

— Tiens, Neya. Bois, ordonna Doc en portant la bouteille aux lèvres de la jeune femme.

— Qu’est-ce qu’il lui fait boire ? demanda Dagmar à Tocard qui enlevait une couche de sale de sous ses ongles avec un petit couteau.

— C’est sa potion magique.

— Thé à la menthe poivrée, éclaircit Doc tandis que Neya buvait la boisson comme si c’était de l’or à l’état liquide.

Dagmar toussa pour s’empêcher de rire. Un thé ? Ca ne pouvait être aussi simple que cela.

— Ça va Dague ? Tu veux un peu d’eau ? S’enquit Tocard en la voyant s’étouffer.

Elle acquiesça. Elle mourrait de soif et de faim.


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