Excité par tous les objets plus saugrenus les uns que les autres, Marin ne pouvait s'empêcher de pousser des petits cris d'exaltation et de courir à toute allure et en tous sens. Les personnes alentour avaient presque l'impression d'avoir vu débouler un gamin de huit ans, sans aucune manière.

La vieilliesse des objets était certifiée, leur qualité n'en était pas moindre, loin de là ! Marin avait des soubressauts qui lui parcouraient le corps entier, il ne tenait pas en place, il fallait qu'il achète quelque chose, mais quoi ?

Tout était si attirant ici, et il ne pouvait pas se permettre d'acheter tout ce qui se présentait à ses yeux ! Non, il lui fallait autre chose, une chose bien plus intéressante, un objet parmi les objets, une splendeur cachée au milieu de tant d'autres, rien que ça !

Et soudain, comme si on avait lu dans ses pensées, il entendit une voix dire: "Eh oui, bienvenue à Bazar bizarre petit ! Ici, y a tout ce qu'il faut pour un collectionneur, personne t'y vendra de la camelote petit gars ! Mais si tu cherches le meilleur étalage, je crois que t'es bien tombé, héhé... Attends ! Ne parle pas, je sais ce qu'il te faut ! "

Marin se retourna, et vit face à lui un vieil homme aux yeux d'un bleu troublant et à la barbe broussailleuse. Ses mèches de cheveux, blanchies par le temps, ne se comptaient malheureusement plus que sur les doigts de la main, et sa dentition jaunâtre où apparaisaient de multiples trous béants lui donnait un air de sorcier.

L'homme farfouillait dans une sorte de malle aux motifs ornés d'or et d'argent, faisant virevolter au loin tout ce dont il n'avait pas besoin, et d'un coup, il se releva, avec l'objet qu'il fallait apparemment à Marin. Il s'agissait d'une montre, en métal précieux, qui avait la particularité de posséder trois cadrans de tailles et formes différentes. Marin, d'abord émerveillé, eut ensuite un mal de crâne soudain, puis, sans crier gare, il s'exclama: "J'ai déjà vu cette montre ! Il me semble même qu'elle m'appartenait ! Vous me l'avez volée ?

- Mais qu'est-ce que tu racontes minus ? C'est une authentique marchandise tout droit venue du Caire, en Egypte ! Elle ne t'appartiendra sûrement jamais si tu uses de si petits stratagèmes pour essayer de la voler gamin !

- Excusez-moi, je ne sais pas ce qui m'a pris, les mots sont sortis tout seuls de ma bouche, mais je suis sûr de n'avoir effectivement jamais vu un truc pareil. Un montre à trois cadrans, voilà qui sort du commun ! "

Et pourtant, Marin avait comme l'impression que la montre lui avait appartenu un jour. Il se souvenait de sa forme dans les moindres détails. Il se souvenait même l'avoir déjà portée à son poignet.

Mais peu importait, il ne voulait pas contrarier le vendeur, et il serait près à tout pour acquérir un tel objet, alors le choix était vite fait, il devait ravaler sa fierté pour cette fois. Le vendeur acceptant alors les excuses, commença à parler encore et encore de l'objet en prétendant qu'il était et possédait des pouvoirs magiques. Marin ne mangeait pas de ce pain, ça sentait l'arnaque à plein nez.

Mais seulement, l'objet l'intriguait, et la sensation de déjà-vu commencait à devenir une certitude.

Puis, quand le vieil homme finit son discours sur le fait que Marin ne pouvait pas encore savoir quel était le pouvoir de cet objet, et qu'il le découvrirait par lui-même, car il était voué à une grande destinée, il annonça le prix. 5 euros, dérisoire...

Marin se demandait bien pourquoi le vendeur s'était évertué à faire un récit complet de ses aventures aussi inintéressantes que fausses, si c'était au final, pour vendre sa marchandise presque gratuitement. Non mais franchement, décidemment, ce sénile lui avait fait perdre beaucoup de temps.

Marin acheta la montre, puis repartit chez lui, fatigué de la matinée. Finalement, les courses pourraient attendre le lendemain...

Où avait-il bien pu voir cette montre pour la première fois ? Le jeune homme ne voulait plus y penser...