Là ou se meurent les âmes
Là, où se meurent les âmes, Atropos regarde le fil d'or qu'elle va devoir couper. Une nouvelle vie qui s'arrête, un nouveau chemin sans issue. Elle retarde un peu le moment fatidique, celui qui détruira un peu plus son cœur. Un cœur déjà réduit en mille morceaux par des milliards de morts. Certains disent même qu'elle n'en a pas, de cœur, elle est seule à chercher encore au fond de son corps cet organe qui bat au ralenti.
Clotho, Lachelis et elle sont jumelles, mais elle parait des siècles plus vieille. Ses longs cheveux sont blancs et tressés dans son dos, ses mains sont fines et ridées, mais ses yeux brillent encore de cette petite flamme de vie qu'elle maintient allumée.
Atropos adore ses sœurs, mais après des siècles à vivre à leurs côtés, elle les connais assez pour savoir que cet amour n'est pas réciproque. Clotho qui crée les âmes, Lachelis qui tise leur destin et elle qui les détruit. Voilà le triste sort réservé aux déesses du destin.
Atropos, les yeux dans le vide, coupe le fil d'or placé devant elle. Voilà, c'est fait, et maintenant, c'est au tour de quelqu'un d'autre. Elle décide du destin des autres quand le sien est bloqué pour l'éternité. Qui a décidé de son destin à elle ?
Autrefois, elle est tombée amoureuse. Daphnée était une jeune fille pleine de vie, qui vivait au nord d'Athènes. Et puis il avait fallu qu'elle s'approche un peu trop près de la mer et le fil avait été coupé. Atropos n'avait pas pleuré ce jour-là. Comme elle n'avait jamais pleuré devant la mort. La mort, c'est pour les mortels, pas pour les dieux.
Elle savait que sa bien-aimée rejoindrait les âmes aux côtés des arbres de l'Olympe. Elle voyait son visage lorsqu'elle regardait les étoiles et entendait son rire dans le vent. Mais Atropos était celle qui détruit les âmes, elle ne pouvait s'attacher à personne.
- Attachez-vous, ô vivants, aux choses dont le cœur bat encore.
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