La démone aux yeux bleus, maîtresse de toutes les ombres.

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Chaque jour et chaque nuit qui passe est pénible, je fais un métier qui me déplaît, mon sang me lie des gens peu recommandables et mon sexe est un critère pour me dévaloriser. Selon eux, je suis bonne pour une seule chose ; tenir un bar de nuit où des filles dance pour ces messieurs.

Moi la fille du chef de clan kusuke Ito, l’ainée qui plus est, réduite à ça ? Hors de question ; pourtant c’est ainsi.

Dans ma vie je n’ai fait qu’une bonne action, celle de sauver deux âmes éperdument amoureuses. Quant à moi, je suis tout seul ; même mon bien aimé frère se détourne lentement de moi. Je n’ai pas fait assez attention à lui, croyant naïvement qu’il serait différent de notre père. Il lui ressemble un peu plus chaque année ; cette idée m’écœure et me fait beaucoup de peine.

En tant que fille de Yakuza, on a parfois l’impression d’être suivi. C’est pour cela qu’à la base je m’entraine aux kendos avec un maître ; j'y ai pris goût, bien plus que je ne le devrais, c'est une passion. De fil en aiguille j'ai progressé jusqu'à être reconnu dans cette discipline en gagnant plusieurs tournois.

J’y prends un réel plaisir libérateur, même mon maître commence à avoir du mal lors de nos affrontements, son nom Yamamoto Kazuhiro. Il est d’une grande sagesse, me disant souvent que la lame ne doit être tirée que pour la paix et la protection des faibles. Un vieux de la vieille comme on dit ; l’ancien temps étant incarné par cet homme. Cela me fait souvent sourire, car je me demande qui tire encore une lame pour protéger à l’air des armes à feu et de la guerre à distance.

Plus important, depuis peu, j’ai cette sensation d’être épié plus que d’habitude. Je n’arrive jamais à savoir qui. Une semaine pluvieuse fut annoncée ; nous sommes lundi et mon maître qui semble inquiet s’adresse à moi avant que je parte.

- Kuroe, j’ai remarqué qu’une ombre vous suivait en ce moment. Votre famille aurait-elle des problèmes avec d’autres clans ?

Je lui réponds avec sérénité.

- Non, pas que je sache. Mais qu’entendez-vous par une ombre ?

Tout en grattant son menton, il préfère éluder la question.

- Fais attention à toi mon enfant.

- Maître, j’ai 30 ans, je suis suffisamment forte pour me défendre.

Ce soir je n’ai pas ressenti cette sensation déplaisante.

Nous sommes mardi. Je travaille dans mon bureau pour la comptabilité, mon ordinateur agit bizarrement. Des pop-up apparaissent, mon logiciel de sécurité n’est pas à jour surement.

Il n’empêche, certains d'entre eux étaient pour le moins étranges. La plupart étaient des fonds noirs sans son ni temps de vidéo, même pas l'option arrêter/continuer.

Mercredi, la pluie s’intensifie un peu plus. Cette fois-ci c’est mon ordinateur personnel dans mon domicile qui n’est pas à jour avec les mêmes pop-up agressifs. Mon chat noir agit bizarrement et semble en colère ou apeurer, regardant vers l’extérieur.

Il n’y a rien à part la rue qui est envahie par l’obscurité. Étrange, elle est tout le temps allumée d’habitude. Ça doit être une coupure de courant ou les lampes qui ont sauté ; un truc du genre.

Jeudi, je vais voir mon maître après notre entrainement. Durant notre affrontement il n'y a rien d'anormal, mis à part qu’il y met un peu plus d’énergie. Comme quoi le vieux dragon a de la ressource.

Une fois terminé, il a comme la dernière fois cette attitude de réflexion inquiète.

- Kuroe, connaissez-vous le démon Hannya ?

Qui ne la connaît pas. Ce n’est pas comme si son masque était représenté absolument partout dans la culture moderne.

- Oui, c’est le fantôme d’une jeune femme qui vient se venger, il me semble.

- Et bien hier soir, dans mon dojo, j’ai vu quelque chose qui y ressemble ; un grand sourire et des yeux remplis de colère.

Il y a de quoi avoir peur ; un psychopathe avec un masque sortant tout droit d'un shōnen, manquer plus que ça.

- Êtes-vous sûr que vous ne vous êtes pas attiré des ennuis ?

- Non, je ne vois vraiment pas. Mais plus important, qui était cette personne ?

Il semble hésiter ce qui est rare.

- Ma chère enfant. Cette chose, je ne sais pas si je dois la décrire comme une personne. Quand j'ai allumé les lumières, elle s'est aussitôt évaporée comme la brume face au soleil.

- Inutile de s’inquiéter, maître, personne n’oserait s’attaquer à une fille de yakuza.

- J’espère que tu as raison.

La pluie est forte cette nuit, je cours dans une petite ruelle, Katane à la main. Puis j’entends un souffle derrière moi, je dégaine et j’attaque avec un coup diagonal gauche tout en me retournant. Le temps ralentit. Je vois chacune des gouttes d’eau traversée par ma lame ; et il y a elle. Munie d’un Katana à la lame noire, la chose le sort à peine de son fourreau, laisse ma lame venir à sa rencontre pour glisser sur la sienne ; d’un simple mouvement de jambe, son épaule rencontre mon épaule puis elle me donne un coup de coude dans le ventre.

À genoux, je m’empresse de me redresser, une bourrasque souffle à ce moment précis, le temps reprend son cours. La chose n’est plus là.

Un liquide chaud suinte sur ma joue, du sang provenant d’une légère entaille. Comment a-t-elle pu me toucher ? Je n’ai ni vu ni senti le tranchant parvenir sur mon visage.

Ne pas savoir me rend anxieuse ; le Maître pourrait me dire quelle technique elle a employée. Deux jours après je le revois et la précipitation se fait de plus en plus lourde ; on a un typhon sur nous.

À peine que j’entre dans le dojo qu’il remarque la trace.

- Comment vous vous êtes fait ça ?

- Une chose m’a suivi et sans que je sache comment, elle m’a infligé cette blessure.

- Elle la fait avec une arme ?

- Le même genre avec laquelle je suis m’est entrainé toutes ces années.

Il observe avec grand intérêt la blessure et le sens de la taille.

- En combien de coups cette chose t’a-t-elle vaincue ?

- Je l’ai attaqué puis il se défend avec ce qui ressemblait à une parade molle et d’un coup, il se retrouve à côté de moi et tape mon ventre avec le coude puis disparu. Je n’ai pas pu voir le mouvement qui a fait l’entaille. Cela me perturbe beaucoup.

Cette sensation étrange qui persiste depuis, une pression sur ma joue, une faiblesse dévoilée qui me rend vulnérable. Je déteste ça.

- Qui donc peut faire de tels mouvements ?

Mon maître comme à son habitude, vif d’esprit répond sans attendre.

- Elle se bat avec d’autres règles, celles qui nous empêchent de nous tuer en compétition. Ce coup aussi rapide et imprévisible est-il, ressemble à ceux qu’utilisaient les samouraïs d'antan.

Ce mouvement pourtant n’était pas normal.

- Maître, je connais les techniques et les parades molles. Retenir mes coups pour mettre de la distance fait partie de ce que je maîtrise à la perfection, pourtant j’avais l’impression que ma lame était retenue par la sienne. J’ai attaqué avec prudence et pourtant je me suis fait surprendre comme une débutante.

Il acquiesce, tout en disant.

- Tu n’es pas sans savoir que l’on peut trouver plus fort que soi.

C’est absurde, d’autant plus que je suis une championne.

- Vous m’avez toujours dit que mon ennemi était moi-même. Qu’il fallait se dépasser pour atteindre son plein potentiel et que ce n’était qu’à cette condition que je pouvais battre mes adversaires. Alors, que faire maintenant que mon ennemi n’est plus en moi, mais bel et bien a l'extérieur ?

- Je t’ai toujours dit cela, car en tout temps et dans toutes les conditions c'est valable à partir du moment où tu restes en vie. Si ton adversaire t’a battue, alors il faut que tu persévères pour encore te surpasser.

Il soupire.

- malheureusement je ne peux t’aider, car ton niveau technique est proche du mien.

Quoi ? Déjà ?!

- Maître, cela est faux, vous me battez encore pendant nos entrainements.

Il sourit.

- C’est parce que je te connais, tu te bats avec beaucoup d’agressivité et use les adversaires avec ton endurance, tu sais aussi faire preuve d’attaque technique et imprévisible. Il ne te faudra plus longtemps avant que je perde la moitié de nos combats. Nos styles sont différents, mais notre maîtrise est proche.

Je redoutais qu’ils me le disent ces choses-là et à tout cela il ajoute.

- C’est pour ça que je pense que c’est une bonne chose d’avoir un nouvel adversaire, il t’apprendra surement de nouvelles manières de te battre. Vous pourrez, peut-être, explorer d’autres approches de notre art.

- Mais ce n’est pas une compétition cette fois.

- Défie-le alors.

Il n’est pas sérieux ?

- Pourquoi fais-tu cette tête ? Où est passé mon hargneuse disciple ? Celle qui défie toutes personnes maniant une lame. Celle qui a battu à plate couture tous ses adversaires en tournois.

J’ai honte de le dire, mais je l’exprime malgré cela.

- J’ai simplement peur de mourir.

- Il est normal d’avoir peur, le tout est de la transformer en volonté de vaincre pour ne pas se faire abattre.

Il a raison

- Merci maître.

Je pars en lui disant au revoir, tout en espérant que ce n’est pas le dernier.

Il pleut encore et dans la même rue ou personne ne passe, je sens la présence de la dernière fois. Alors je hurle.

- Montrez-vous! Je sais que vous vous cachez dans les ombres !

Je me retourne et je vois cette forme sombre à l’autre bout de la rue.

Un regard glacial comme un ciel clair d'hivers d'Hokkaido. Elle s’approche, à chaque pas mon cœur bat un peu plus fort. La forme est habillée d’un hakama noir et d’un chapeau de paille de voyageur.

Me revoilà, la lame sortie. Je vois enfin son visage, semblable à celui d’Hannya, des canines développé, un sourire évoquant la peine et la colère.

C’est une femme à ce que je ressens. Son visage, il n'est pas aussi carré qu’il le devrait ; mais cela ne la rend pas plus douce pour autant. Son buste qui est comme dénudé confirme mes soupçons. Tout est étrange chez elle, sa peau texturée comme si tout n'était que fibre musculaire ; même ses longs cheveux bien trop longs qui semblent être la seule chose réelle, si on omet le fait qu'ils ondulent comme portée par une force mystique et invisible. L’air lui-même devient un peu plus lourd. Peut-être est-elle bien un spectre vengeur. Peut-être que c'est bien Hannya .

- Je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous voulez, mais je souhaite une seule et unique chose.

Je me mets en garde.

- Que l’on croise le fer encore une fois.

Elle pose sa main sur sa garde, quand elle dégaine une vérité se révèle. Sa force s’émane d’elle sous forme d’éclair bleu, une énergie la traverse. Sa chevelure est parcourue par cette force. C’est complètement irréel. Même l’eau s’évapore, la femme se met en position d’alerte à son tour. J’ai la chair de poule et j’entends un rythme régulier ; un tambour ?

- Le dieu Raijin serait en colère s’il savait que vous avez volé son pouvoir.

Elle continue à rester silencieuse, je ne sais même pas si elle comprend ma langue ou même si elle est humaine. J’attaque ; chaque coup que je mets est paré, esquivé. Un combat qui sembler être de force équivalent. Jusqu’au moment où j’entends un bruit de métal, un frottement ; non ! J’arrête l'assaut et nous remettons toute les deux de la distance entre nous.

Elle désigne sa joue avec l’index, je touche la mienne et vois du sang, là où il y’avait la précédente entaille. Comment a-t-elle fait ? Cette précision est quasiment divine ! J’assène un nouvel assaut avec toute ma hargne, d’une seule main elle arrête mon attaque ; elle n’a même pas peur du tranchant ! Je me dégage de quelques pas en arrière.

Un instant, elle m’observe, puis elle met un pied dans les ombres et s’évapore dans la brume tel un spectre. Rien ne peut la blesser et rien ne peut la toucher selon sa volonté.

Le soir venu, je rêve du combat et je compris que ses mouvements sont une dance macabre ou chaque angle d’attaque, chaque posture, ouvre une multitude d’opportunités ; sa dextérité faite qu’elle peut continuer ainsi. Le combat n’était pas du tout à force équivalent ; combien de temps aura-t-elle pu maintenir ce rythme effréné ? C’est pile au moment où j’étais essoufflé qu’elle pût m’infliger cette seconde humiliation. Deux combat seulement et déjà elle connaît mes limites.

De plus, elle ne cherchait absolument pas à m’atteindre. En réalité, elle me montrait qu’elle peut ouvrir une faille n’importe où dans mes défenses et s’y engouffrer tout en se repliant.

Elle ne laisse pas mon sabre la frapper avec force et inversement, préférant plutôt l’effleurer avec sa lame et se replacer pour mieux me frapper. Un grand classique certes, mais avec elle c’était… différent ; comme frapper le vent.

Le lendemain j’y repense encore, le 7e jour, cette vitesse d’enchainement n’est pas humaine, je connais de grands bretteurs, aucun n’a atteint cette vitesse, toute sa puissance est là et c’est pour ça que je ne vois jamais ce coup final. À quel point faut-il ralentir le temps dans mes souvenirs pour que je puisse entre voir le coup ? Même en imaginant je ne peux comprendre quel mouvement elle a utilisé.

Durant sa retraite je suis en garde, comment peut-elle m’infliger son coup ? Comment ? Elle ne touche même pas mon sabre.

Aujourd’hui, je laisse mon bras droit gérer le bar exceptionnellement.

Cette semaine est éprouvante et cette étrange guerrière y est pour beaucoup. Pour décompresser et surtout faire part de mes malheurs ; je vais à la rencontre d’un des rares amis que j’ai, Isamu Sato. C’est dans son manoir traditionnel familial cerné d'un mur que je vais à sa rencontre. Je sonne à sa porte, dont l’auvent laisse couler l’eau comme une cascade ; à peine chose faite, qu'il s’exclame dans l’interphone.

- Oh ! Mais c’est toi, Kuroe, entre donc !

La porte se déverrouille, j’entre dans la demeure en traversant la barrière d’eau. J’emprunte tout juste l’allée de pierre, que je le vois arriver muni d’un parapluie en courant avec son sourire radieux qui en ce mauvais temps réchauffe le cœur. Il m’accompagne jusqu’à l’intérieur et me dit, tout en fermant la porte.

- Franchement, Kuroe, achète-toi un parapluie.

- J’aime la pluie, ça me rappelle qu’il n’y a pas que moi qui peux être triste.

- Tu es une fille bizarre, mais je t’aime bien.

- C’est très gentil Sato.

Nous nous installons dans le salon au tour d’une table, à genou ; il m’invite à grignoter quelques chips. C’est ce qu’il aime le plus ; régulièrement je lui en offre.

- Zut, j’ai oublié de t’en apporter.

- Ce n’est pas grave Kuroe ; mais sinon, que me vaut cette heureuse visite à l’improviste ?

- Il y a une femme qui m’a affronté aujourd’hui.

- évidemment, le kendo.

- Et c’était dans la rue avec des katana en acier.

Son premier réflexe est de gratter son menton comme le maître ; puis il percute enfin et se lève.

- Tu n’es pas sérieuse ?! On t’a agressé ?! C’est à cause d’elle cette blessure à la joue ?!

- C’est bien de sa faute.

Il prend son katana de son support non loin de nous et le dégaine ; toujours trop sanguin même pour moi. Avec son chignon et sa coiffure généreuse qui part un peu partout, il ne cesse de me rappeler cette caricature de samouraï errant et rebelle avec sa barbe. Mais c’est en réalité un brave homme très droit et discipliné. Sauf quand il est comme ça.

- Où est-elle que je la remette sa place ?!

- J’apprécie que tu veuilles défendre mon honneur, mais c’est inutile. Sa technique et sa vitesse nous sont bien supérieures ; je me demande même si elle est humaine.

- Elle est si forte que ça ?

Un tir retentit ; son père nous rejoint en courant, effrayé, les yeux sortant pratiquement des orbites.

- Il faut…

Silence de mort, sa tête tombe. Elle est là, devant moi, l’ombre qui me suivait.

- Je vais…

Je retiens mon ami et l’implore en hurlant.

- C’est elle ! Court !

Un des gardes ouvre le feu sur elle ; par les dieux ça ne lui fait rien ! Nous fuyons et malgré ce déluge, nous le faisons vite et à pied, deux hommes de main nous emboitent le pas. Un coin de rue, elle réapparait devant nous avec la tête du père qu’elle nous tend.

- Rendez-moi mon père !

- Venez donc le chercher, jeune loup.

- À ta guise !

Au lieu de prendre son Katana, c'est une mitraillette que tenait un de ses hommes et le plomb de balle. La furie d’un fils contre la froideur des ténèbres. Elle glisse sur le sol tel un fantôme et arrive à notre niveau. Noirceur infinie et tempête ; cet être le regarde avec une intensité que seul un dieu possède. Toute puissante, elle lui saisit sa mâchoire.

- Des larmes sincères d’amour.

Comment… comment peut-elle les voir ? Avec ce temps.

- Nul chagrin ne peut être ignoré par mon âme. Mon serment est sacré et je ne peux m’en défaire. Je vous rends la tête de votre père. Grand malheur, ce n’était pas celui que cherchait ma lame.

Elle me regarde comme si je devais y décerner un quelconque sens cacher ; Sato reprend son père et le tient fermement contre sa poitrine, laissant son arme tomber. Sans crainte elles nous tournent le dos.

- Je vous tuerais ! Je vous le jure !

- Ainsi j’entends une promesse d’un homme d’honneur. Comment pourrait-il comprendre mon acte sans avoir vu la véritable horreur ? Si seulement il pouvait savoir ô combien pour moi la vie a tant de valeur.

Il dégaine son katana.

- venez-vous battre et…

L’arme lui est arrachée des mains par une force imperceptible, fonçant droit sur elle, par la lame elle s’en saisit ; c’est surréaliste.

- La vengeance n'est pas votre. Ne sombrez pas sur ce chemin de damnée et préférez plutôt celui des cerisiers. Un jour vous comprendrez et vous saurez qu’il est préférable de pleurer. Maintenant, reprenez là.

- Puis ce que la vengeance est votre, gardez-la pour que vous n’oubliiez pas ce que vous avez fait !

- Oubliez...

Les yeux rivés sur l'eau si claire qui renvoie son propre reflet, elle ajoute.

- Ce n’est pas en mon pouvoir.

Elle disparaît dans un flash dû à la foudre ne laissant nulle trace.

- Kuroe… cette… chose… cette chose est un démon. Dans quoi sommes-nous empêtrés ?

- Je ne sais pas quoi te répondre. Veux-tu de mon aide pour…

- Inutile, rentre chez toi mon ami. J’ai besoin d’être seul avec père.

- Comme tu voudras, n’hésite pas à m’appeler si le besoin s’en fait sentir.

Son âme est vidée de toute joie et ça me fend le cœur. Cependant, je dois respecter sa volonté, alors je retourne chez moi.

Je rentre dans mon appartement me consoler auprès de mon chat. Je suis soulagé de sentir l'odeur familière de ma bulle, mais il y a cette sensation oppressante. Pas encore... Trois pas en arrière et je vois cette femme encore, parcouru de lumière bleue. C'est elle qu'il l'allume, me faisant comprendre qu’elle décide de tous.

Je réalise trop tard que je suis totalement sous son emprise depuis qu’elle a posé ses yeux sur moi.

- Qui êtes …

L’index sur ma bouche, elle prend mon téléphone de l’autre main, il sonne ; elle me le tend tout en ayant sa serre gauche sur la gaine du sabre.

- Kuroe, comment vas-tu ?

C’est mon frère ; je réponds par le mensonge.

- Je vais bien.

- Ne s’estc -il rien passer d’anormal dans ton bar ? Personne ne t’a vue.

Et là je réponds par vérité.

- Non.

Alors il me révèle que des évènements abjects vient d'être commis dans plusieurs quartiers yakuza de la région. Il y a eu des meurtres de membre de divers clans, des établissements saccagés, des bâtiments officiels bruler, le tout se produisant dans cette journée. Je le rassure en spécifiant que je n'ai eu aucun ennui dernièrement et je raccroche.

- Allez-vous me tuer ?

J’ose à peine la regarder.

- À votre avis ?

En y faisant plus attention, elle possède un accent qui m'est inconnu, elle cache son origine en essayant de s’approcher du nôtre, mais son articulation la trahit sur les R qui ne sont pas assez roulés en L ; peut-être que c'est une Occidentale. Quant à sa question, le faite que je sois en vie y répond.

- Non. Mais alors que voulez-vous ?

- La vérité. Rien d’autre que la vérité ; pour l’instant.

Tant qu’elle cache toute de ses intentions, j’aurai cette peur en moi. Peut-il se produire quelque chose de pire que la mort du père de mon ami ? Je me pose déjà ce genre de question. Si ça continue, le stresse va me submerger. Reprends-toi Kuroe.

- êtes-vous responsable des meurtres récents ? Mis à part celui où j’étais témoin.

- J’ai déjà répondu à une seule question, Kuroe Ito, et c’est déjà une de trop. Maintenant, dites-moi, aimez-vous votre père ?

- Mes relations avec mon père ne regardent que moi.

Sereine comme une mer d’huile d’aspect, je sens que cela l‘hérite un peu ; va-t-elle l’assassiner lui aussi ?

- Aimez-vous votre frère ?

Elle me menace ?!

- Que me voulez-vous ?

J’aurai beau rester calme, elle continuera à bien me faire sentir avec insistance qu’elle aura ce qu’elle veut.

- Femme Ito, je suis ici et là où je pose le pied se sont mes règlent qui s’applique dont la plus importante et de répondre à mes questions.

J'essaie de lui tenir tête, voir si je peux obtenir une information ; elle ne me tuera pas dans tous les cas. Pas tout de suite.

- Et moi, ma règle est d’ignorer les questions des étrangers.

- Avez-vous une idée de la raison de ma venue ?

- Absolument aucune.

- Bien, vous avez répondu. Continuons ainsi. Connaissez-vous un certain homme qui porte le prénom Ari et une certaine femme nommer Ji-Young ?

D’accord, elle joue à ce jeu-là. Alors je vais continuer le mien.

- Je ne connais pas ces deux personnes.

Elle approche son visage, comme pour regarder dans mon âme.

- Menteuse.

Elle prend mon cou fermement sans pour autant m’étrangler, malgré cela, son animosité m’est transmise.

- Deuxième règle, on ne me ment pas, car je sais beaucoup.

- Je suis …

Elle serre un peu plus.

- Qu'ai-je dit ?

Je répète alors sa maudite règle

- Je ne dois pas vous mentir.

Dans son regard je sens qu’elle prépare une question difficile

- C'est bien Femme yakuza. Êtes-vous déjà tombée amoureuse par le passé?

J’acquiesce à ça.

- Combien de fois ?

- Deux fois.

Elle s’étonne. Comme quoi elle sait beaucoup, mais pas tout.

- Oh ?

Son étreinte n’est plus, me laissant un répit que j’espère définitif.

- Chanceuse. Qui étaient les élus de votre cœur ?

C’est exactement le genre de question que je veux éviter.

- Non, je refuse.

- Non, vous refusez ? Pourquoi transgressez-vous ma règle ?

Si cela se trouve, elle sait. Non, je refuse d’y croire ; c’est un secret bien gardé.

- Avouais de qui je suis tombée amoureuse à une étrangère, c’est une honte pour moi.

- Vous me mentez, encore, et en plus vous refusez de croire que l’on puisse comprendre ce que vous ressentez.

Quoi ? Mais qu’est-ce qu’elle me raconte? C'est perturbant, sa manière de s’exprimer est un message clair ; elle a connaissance de chose intime sur moi. Ça me révolte, alors je hausse bien le ton ; je ne laisserai pas passer cela !

- Mais que cherchez-vous ?! Que me voulez-vous ?! Arrêtez donc vos sous-entendus et dites-moi ce que vous savez !

- La vérité, seulement la vérité, pour l’instant. Alors, dites la vérité, celle que vous me cachez.

Je fais quelques pats en arrière pour m’éloigner de son emprise, c’est inefficace, son regard le maintien sur mon âme, ce sourire moqueur, froid me dit.

- je sais tout.

Cela me fatigue alors j’avoue en criant, presque en larmes

- Je suis lesbienne ! Voilà ! c'est dit !

Aucune réaction, elle attend autre chose.

- Et je connais un certain Ari et une certaine Ji-Young. J’étais amoureuse de cette dernière, mais elle l’était d’Ari. Et la première fille que j’ai aimée m’a rejeté, alors je ne vais pas revenir sur elle !

Son hochement de tête est peut-être le signe qu’elle va me laisser tranquille avec ses questions invasives.

- vous oubliez le reste, avant cette question.

Agaçante, elle n’oublie rien ; bon c’était il y a quelque minute, mais ça aurai pu arriver.

- Je haïs mon père et j’aime mon frère.

- Pourquoi ?

- Pourquoi ?

J’ai presque envie de rire, alors je sèche mes larmes.

- C’est évident pourtant. Je hais mon père, car il rend mon frère comme lui. Intolérant, méprisable, imbus de lui-même. Vous connaissez une partie de ma vie, félicitations.

J’applaudis bien fort pour que cela claque.

- Maintenant cela vous avance à quoi ?

- Ce n’est pas moi qui ai avancé, mais vous. D’ailleurs, c’est vous qui avez organisé le départ de Ji-Young et Ari en France ?

J’acquiesce. Pas besoin de nier ; cette fouineuse a surement tout découvert.

- Ils voulaient s’éloigner de tout ça, de cette vie misérable pour une vie simple et normale. Vivre l’amour ; chose dont moi je suis privé parce que mon père refuserait d’entendre que sa fille est je le cite : Une erreur de la nature.

- Vous avez fait cela juste pour ce motif ?

Vraiment, elle met en doute ma parole ? À ce stade je n’ai plus aucun intérêt de lui mentir.

- bien sûr ! Moi ; j'ai l'habitude de cacher qui je suis, mais eux ne pouvaient s'y résoudre ; ils ont fini par avoir des ennuis, alors je les aie aidés.

- Alors, pourquoi avoir dépêché des hommes pour les assassinées ?

- Des hommes pour… non je n’ai pas…

Je suis choqué par cette révélation.

- ils sont … ?

Ma main gauche qui serre mon épaule, j'attends sa réponse

- Non, ils sont vivants et en bonne santé.

Ah… je suis soulagé de l’entendre ; leur mort m’aurait anéantie.

- Par contre…

À nouveau, je retiens ma respiration

- La femme enceinte qui était de passage dans les environs de la fusillade est morte d’une seule balle dans la tête, ainsi que l’enfant qu’elle portait dans son ventre.

Est là, dans ce regard de glace je sens la vengeance, une flamme ardente qui veut consumer toute vie.

- Deux morts de mon pays, sur mon sol, sous ma protection, innocente, pleines de vie, deux rêves brisés.

Voilà sa raison.

- Alors vous venez par vengeance.

- Oui, je viens tuer les responsables. De plus, je constate que votre implication dans ce double homicide n’est d’avoir que déplacé deux personnes dans mon pays en pensant que personne ne les suivrait.

- Hannya… vous êtes comme cette légende, une femme possédée par sa propre colère.

- En effet et je ne trouve pas de repos tant que je n’ai pas fait couler le sang.

Il est navrant de voir cette personne dans cet état d’esprit.

- cela est-il obligatoire de passer par la violence femme de l’Ombre ? Si c’est le cas, votre valeur est égale au malfrat que vous tuez.

Et sur un ton d’autant plus glacial, elle rétorque.

- Mais à quel moment j’ai dit vouloir valoir mieux qu’eux ? Si j’ai une arme, c’est que je compte bien l’utiliser s’il n’y a pas d’autre choix. En l’occurrence la mafia s’arrêtera uniquement en coupant quelques têtes. Et tout en particulier ceux qui se disent être des guerriers.

Mes proches… elle va s’en prendre à eux ?

- De qui parlez-vous exactement ?

Elle répond en lisant en moi.

- À votre avis ? Il y a peu de possibilités quant aux responsables de cette escouade de la mort.

- Non, pas ma famille ; c'est impossible.

- Et pourtant, vous devriez le savoir mieux que quiconque. De qui avez-vous voulu protéger vos amis? Qui a bien pu l'autorisé à prendre autant d’hommes pour les envoyées en France?

- Vous pensez à mon frère et à mon père ?

- Tout juste.

- Est qui vous a mis sur cette piste?

- Vous ou plutôt votre journal intime. Ainsi qu'un homme de main qui vous surveillez, envoyez par votre père qui vous a trahi une fois. Il savait tout, y compris que vous teniez ce journal, est deviné qui la lut. Devinez qui pouvait savoir quels mots de passe vous aviez mis.

Impossible…

- Mon frère ?

- Oui, exactement.

- Comment est-ce possible que vous en sachiez autant ? Vous passiez votre temps dehors à m’observer et à saccager tout.

Son rire lugubre souligne là mon ignorance. Ce n’est pas qu’une démone vengeresse usant de force, c’est un esprit malin qui fait diversion en montrant cette image d’une brute qui frappe au hasard. Elle est la pire ennemie que l’on puisse avoir, violente et intelligente.

- De ce que je lis sur votre visage ahuri, vous commencez à comprendre ma façon de faire. Vous voyez au-delà de ce que je montre.

- Et vos plans me concernent ?

- J’allais y venir, très chers Ito, j’allais y venir.

Sa lame sifflante est sortie, de sa main libre, elle la fait marcher doigt par doigt de la garde jusqu’au milieu faisant cliqueter ses ongles sur l’acier comme des gouttes d’eau. Ensuite elle fait glisser l’index jusqu’à la pointe, provoquant un bruit subtil de frottement et de vibration symphoniquement morbide.

- Je vais trancher la tête de votre frère, l’apporter à votre père et l’humilier devant un public, et le point culminant sera son suicide. C’est du moins ce que ferait un vrai guerrier adhérant au bushido, laver l’honneur dans son propre sang et la souffrance. Qu’il souffre, qu’il agonise ; ce ne sera jamais aussi profond que la cicatrice qu’il a laissée à ce monde.

Abominable, manipulateur, impitoyable, voilà ce qui la définit. L’honneur et l’horreur sont ses armes qu’elle affute pour atteindre sa finalité.

- Vous voulez faire de moi votre pion ?!

- Je préfère plutôt...

Elle caresse mon menton avec la même délicatesse que son arme, mais avec plus de fermeté.

- Le terme de collaboratrice. Je tue deux êtres chers à vos yeux et je vous donne l’opportunité de changer votre, redorer le nom de votre famille et par la même occasion, reprendre en main votre destin.

- Comme si vous saviez ce que je ressens.

Ce démon connaît mon cœur et le séduit par de belles promesses.

- Oh, mais j'en ai une petite idée. Je vous cite : j’aimerai tant pouvoir faire de ma famille un groupe respecter et non craint dont le véritable honneur est rétabli, celui de servir les démunis à la place de l’intérêt de notre famille et de l’argent. Un esprit de valeur dans un corps au cœur humain.

C’était mon enthousiasme quand j’étais plus jeune ; bon c’était il y a cinq ans, mais depuis je me sens vieille. Comme si le temps m’avait frappé avec la réalité pour me changer en cette femme impuissante qui ne peut que se libérer avec son katana.

- Vous rougissez, je comprends, c’est une pensée dés plus gênante et secrète.

Elle enlève enfin sa main de mon visage et prend la mienne, la mettant contre son cœur

- Sachez-le, ces mots m’ont beaucoup touché quand je les ai lus, cela me donne encore de l’espoir pour l’humanité.

-J’aimerais savoir la vérité.

Elle ne semble pas comprendre

-ce que vous m’avez dit sur mon frère c’est vrai ?

- Oh, que je suis désolé.

Comment ça, oh? pourquoi me dit-elle soudainement ces mots ?

- Posez-lui la question, il est en bas de l’immeuble. Je vais me cacher et nous déciderons ensemble s’ils méritent de mourir.

- Vraiment ?! Il est là ?!

Elle me lâche la main.

- la vérité, c’est ce que je recherche.

Les lumières s’éteignent, elle disparaît, l'acte suivant de ma tragédie s'annonce en sonnerie. Mon seul espoir de le sauver, c’est la vérité. Cette voix familière est chaleureuse, c'est bien mon frère, je l’invite à monter .

Il vient à moi, seul, j’ouvre ma porte. Il se doute qu'il y a du changement, si j'en crois son regard qui inspecte mon appartement avec beaucoup trop de mouvement de tête, comme le ferait un animal qui près sent une menace.

- Ma sœur, il s'est passé quelque chose ?

- Rentre mon frère.

Il enlève son manteau est me dit

- ma sœur, demain mon père voudrait nous voir à propos des récents évènements.

- En quoi cela me concerne ?

Il soupire.

- écoute-moi, il s’inquiète beaucoup pour toi.

Il ment, en réalité c’est parce qu’il a promis à ma défunte mère de bien s’occuper de moi. À comprendre que je ne meurs pas avant lui.

- Dis-moi, mon frère, te soucies-tu de mon bien-être ?

Sa tête se redresse et ses yeux s’écarquillent un instant.

- bien sûr, pourquoi cette question ?

- Alors, explique-moi ; pourquoi as-tu mandé des hommes pour abattre deux personnes qui me sont chères et que j’ai moi-même mises à l’abri en France !

- Comment tu sais ?...

Il met sa main devant sa bouche ; par les dieux…

- Alors c’était bien toi ?!

Là il ne peut nier avec ce lapsus

- Et père à donner sa bénédiction, j’imagine.

- Oui, car Ari savait beaucoup de choses sur notre clan, il fallait le faire taire ! Tu as de la chance d’être sa fille, car sinon tu auras eu de gros ennuis !

Ça suffit, j’en ai assez.

- Menteur ! C’est parce que tu aimes Young et que tu as mal pris le faite qu’elle aime Ari ! De ce fait, tu préfères la savoir morte ! Comme un enfant capricieux à qui on a pris son jouet favori !

- Et alors ?! Ce n’était qu’une prostituée nord-coréenne !

- Une prostituée nord-coréenne dont je suis amoureuse !

Il se fige avant de réaliser.

- Attends, quoi ?!

- Exactement ! C'est bien là le seul détail que je n’ai pas mis dans mon journal intime !

J’ai presque envie de rire tellement son visage déformer par la stupeur est ridicule. Mais comme avec cette révélation il semble peiner à comprendre, il m'oblige à appuyer mes propos.

- Sombre idiot ! Je suis lesbienne en plus de ne pas passer mon temps à détruire ce que l’on ne peut posséder avec certitude !

Il se met en colère, la chaleur laisse place à un ton brulant et irritant.

- C'est toi l'idiote pour les avoirs couverts à cause de sentiments aussi futiles ! L’amour ?! Notre famille passe avant tout, Kuruoe Ito !

J’en ai la certitude maintenant, je suis trop différente. Je l’ai toujours su.

- kyokai ito ! L’amour c’est ce qui est le plus important ! L’amour c’est ce qui nous manque à toi, à moi et à papa ! On est plus une famille depuis fort longtemps et on ne le sera plus jamais !

- Jamais ?

- Kyokai Ito, mon frère. Je suis désolé, car il y a une personne qui est venue pour toi. Comprends-moi, tu es devenue comme notre père et cela me répugne au plus haut point !

- Qui ?

Les lumières s’éteignent et l’ombre luisante de bleu apparait derrière lui.

- Kyokai Ito.

Il se retourne avec énergie.

- Qui est là ?!

À peine retourner la lame noire s’enfonce dans le corps de mon frère.

- Aujourd’hui, vous mourez pour vos actes. Lesquels ont abouti aux décès d'une femme enceinte qui se trouva dans la même rue que les cibles. Elles sont toujours en vie.

La lame sort du corps qui tombe sur son dos. Mon pauvre frère crache beaucoup de sang, il essaie de se relever, en vain, l’ombre s’assoie sur son ventre, plante le katana sur sa main qui cherche à saisir un objet.

- Vous êtes toujours en vie, alors sachez ceci ; votre tête sera coupée, cette dernière engendrera le malheur de votre père, lequel se suicidera.

- Monstre. Et toi, ma sœur, tu la laisses faire.

Je me penche pour voir son visage déformer par la colère ; je ne le reconnais plus.

- mon frère, ce qui t’arrive et ce qui arrivera sont de votre faute à tous les deux. Elle est venue pour prendre deux vies et venger ces âmes innocentes.

Il rit

- Et tu te crois à l’abri ? Elle détruira tout ce que nous avons construit et toi avec.

-Tu n’as donc rien compris. Cet héritage ne mérite pas d'être sauvé. Pour ce qui est de l’Ombre, elle voit sans doute en moi qu’une pauvre femme dont on a privé tout bonheur possible ; je suis trop misérable pour être tué.

- Ma sœur, tu es folle.

Ça suffit, je prends le premier objet à portée de main

-tais-toi et rejoins notre mère !

Je saisie un objet, frappe en fermant les yeux, je n’ai même pas senti de résistance. Quand je les ouvre, l'image de la tête de mon frère décapiter les yeux fermés s'imprime de mon esprit comme une feuille marqué par des tampons d’une vieille machine à écrire. J’ai tué mon très cher et unique frère.

Je réalise enfin que l’objet était le katana de l’ombre, enfoncé dans le sol. Tout le long de mon bras, un violent torrent de regret, d’amertume et de haine remonte jusqu’à ma tête en passant par le cœur.

- Qu’ai-je fait…

Je lâche prise et m’éloigne de quelque pas, honteuse de ce que j’ai fait.

- Vous avez abrégé les souffrances de votre frère.

- Non, c’est faux, je l'ai tué par colère.

Elle retire la lame plantée dans le sol sans mal.

- Moi aussi je l'ai tué par colère. Ce geste nous l’avons ensemble.

- Que vais-je faire maintenant ? Je suis seul…

Elle nettoie son katana avec précaution.

- N’était-ce pas le cas avant ?

- Non, j’avais un frère. Enfin …

Une triste réalité bouscule mes sentiments et obscurcit ma vision.

- Il était en quelque sorte déjà mort.

- Vous venez de perdre votre innocence, il est grand temps de vous donner une arme en plus de votre armure.

- Hein ?

Elle change de ton, plus doux. Son comportement plus respectueux se signifie par le faite qu’elles évitent d’envahir mon espace vital.

- Oui, Kuruoe, j’ai dit que vous alliez collaborer avec moi. Ça vous dit une petite promenade nocturne ? J’ai un parapluie et un joli camion qui attendent.

- Et bien…

Mes mains sont couvertes de sang, je me sens vraiment sale ; peut-être que sortir me lavera de mon crime. Je peux toujours rêver.

Nous marchons l’une à côté de l’autre dans des ruelles au hasard, semble-t-il, elle qui tient le parapluie et moi qui me lamente.

- Voilà, on y est. N’est-il pas beau mon camion ?

C’est quoi ce truc ? Du chrome, des bouts de carlingue inutile, ça n’a aucun sens et surtout, ce truc devrait être interdit de rouler sur la route. S’il percute quelqu’un, soit il se fait défoncer le crâne par le superflu, soit il fait une crise cardiaque en voyant cette laideur exister. Apparemment son visage est peint sur chaque angle. La subtilité elle ne connaît vraiment pas.

- Il est personnalisé à mort, c’est quoi ce délire ?

- C’est pour honorer la tradition locale du tuning .

Mais bien sûr, j’y crois à peine. L’excuse bidon du « j’honore la tradition », pour en réalité ce faire un plaisir onéreux, je connais. Regardez ma fabuleuse armure intégrale traditionnelle, j’honore mes ancêtres samouraïs entourés de tout un tas d’antiquités tout aussi chères ; la lubie d’un collectionneur de la famille, mon oncle, plutôt distant avec nos affaires, qui pourrait ouvrir un musée de l’ère Edo.

- En dessinant votre face sur le flanc de la remorque ? Vous n’avez pas la vague impression que c’est un peu comme mettre une pancarte « c’est le camion de l'ombre bleutée ».

- C’est un masque d’Hannya ; regardez le menton, ce n’est pas le même et les yeux sont rouges.

- Ce n’est absolument pas discret et en plus, vous l’avez mise en pleine lumière.

- C’est pour ça que ça l’est.

Inutile d’argumenter, elle se fiche complètement de moi là.

- Montons à l’arrière.

Quand elle ouvre les portes, c’est bardé de lumières informatiques et d’écrans. Par-ci par-là, il y a des caissons métalliques et au milieu de tout ça, un sarcophage d’acier. J’entre, elle referme aussitôt. Elles me placent devant moi des malles qui se déverrouillent.

- Je vous donne mainte occasion ce soir. La première, être celle qui sonnera le déclin de la mafia au Japon telle que nous la connaissons.

Le sarcophage siffle un peu de vapeur.

- La deuxième, devenir la première guerrière cybernétique du Japon.

Je m’approche de ce qu’elle me présente. Sur l’un des écrans, je vois un mot qui s’affiche ; initialisation. Qui aurait cru que le français m’aurait servie en de pareilles circonstances. Une sorte de conteneur transparent avec un liquide noir apparait d’une sorte d’armoire murale à ma droite.

- La troisième et surement la plus importante de votre vie, montrez à votre père que vous valez mieux que lui et enfin vous émancipez de son emprise.

J’hésite ; alors les quatre malles s’ouvrent, des lames sublimes dans un tissu de velours rouge m’éblouissent de leur perfection.

- Nous serons éloignées par beaucoup de chose dans l’avenir. Mais avec ceci vous serez protégé de beaucoup de danger. Vous aurez de la force, de la rapidité et une résistance accrues.

- Et si j’en fais mauvais usage ? Si je me mets à vouloir dominer les autres organisations mafieuses ou encore le gouvernement ?

Elle rit, comme un démon, tape mon épaule avec force, mais chaleureusement.

- Ma très chère Kuruoe, c’est ce que je veux, vous dominerez la mafia, vous en ferez des gens intègres en plus d’une puissance économique sans reproche comme vous le désirez. De cette manière, vous aurez du pouvoir. En soi ce n’est pas un mauvais usage, c’est de l’ambition.

Cette idée séduisante me conquit instantanément.

- Mais qu’est-ce que cela vous rapporte ?

- Une amie.

- Une amie ? J’ai des doutes sur la pertinence de ce mot.

- Nous nous entraidons, Kuruoe ; n'est-ce pas ce que font les amies?

Avec un rapport, de force déséquilibrez, mais bon, pourquoi pas ? D’autant plus qu’elle me donne les outils pour être à son niveau ; c’est intéressant.

- On forme un étrange duo.

Dis-je en souriant ; elle acquiesce à cela.

- Mais complémentaires. D’ailleurs, choisissiez votre lame.

L’une est rougeoyante comme le sang et le feu d’un dragon. L’autre noir comme la nuit. La troisième lame, celle que je déteste là plus ; la bling-bling doré. Enfin, la plus traditionnelle ; la blanche, d’une pureté telle que je peux voir mon reflet. Je la choisis elle, le Tsuba semblable à fleurs de cerisier. Oui, c’est cette lame qu’il me faut.

- La pureté de la fleur de cerisier. Telle est son nom. Un excellent choix si vous voulez garder vos intentions pures.

J’observe la sienne, plus noir que celle qui est dans la malle.

- Et la vôtre ?

- Son nom est la sombre destructrice.

Cela veut tout dire sur le but de cette arme, elle est comme sa maîtresse.

- Alors comment cela va se passer pour l’armure ?

- D’abord, déshabillez-vous complètement, sinon le protocole ne fonctionnera pas.

- Je…

La température de mes joues monte d’un cran, pas de doute, je rougis.

- Dans d’autres circonstances ça aurait était très inconvenant, on se connaît à peine.

Mains sur ses hanches, redressant un peu plus son dos, c’est une posture fière qui m’envoie un message du genre : « moi, tu vois avec cette tenue moulante, c’est presque tout le temps. »

- Pour une Japonaise habitué au bain public vous êtes très timide.

Définitivement, c’est que sa posture sous-entend. Elle ouvre le sarcophage et m’invite à venir d'un mouvement de main ample.

- Allongez-vous dedans.

Ce que je fais, ce n’est pas très confortable, mais bon.

- Malheureusement, je n’ai pas amélioré la technique pour l’intégration de nanomachine, alors je vous avertis, vous allez avoir mal à certains moments.

- Pardon ?!

- À tout à l’heure.

Le couvercle se referme, mille couleurs et sensation m’envahissent. Exacerbés, mes sens perdent la notion de l’espace et du temps. Puis le calme, un moment éphémère que j’apprécie.

Le sarcophage s’ouvre. Je me redresse sans difficulté.

- Regardez-moi.

Dis l’ombre bleutée.

- Initialisation de l’armure finalisée.

J’entends ma voix dans ma tête, comme une pensée, mais en beaucoup plus forte.

- Cette voix est votre conscience cybernétique, celle de votre armure, vous êtes elle et elle est vous. Grâce à cela vous gérez avec efficacité votre équipement.

Ma peau est comme la sienne et blanchit soudainement, pure comme la lune. Elle pose sa main sur mon bras avec une certaine sensualité. Elle le tâte et acquiesce, fait bouger mon bras puis remonte et inspecte ma mâchoire, jette un œil à mon dos puis mon buste avec le détachement d’une doctoresse.

- Flexibles, fonctionnels, pas d’anomalie visuelle, les voyants à l’écran sont aux verts. Aucune erreur. Grâce à ça, notre combat deviendra plus authentique.

- Quels combats ?

- Votre père réuni en ce moment des gens important, c’est là que vous interviendrez pour sauver l’honneur des Ito, mais aussi que vous l’humilierez. Au fait, j’ai failli oublier la question la plus importante.

Gardant le contact, encore cette main sur l’épaule.

- Vous vous sentez comment ?

- C’est-à-dire, je me sens comment ?

- Globalement.

- Je me sens… changer.

- Rien d’autre ?

Elle doit surement ce douter quel point je souffre en mon for intérieur.

- Si, je suis triste.

Ma main dans les siennes, prise avec délicatesse.

- Un sentiment fabuleux, c’est que la meilleure partie de vous vit encore. Quand tout ceci sera terminé, vous pourrez prendre le temps de faire votre deuil. C’est important.

L’espace d’un instant, j’ai cru qu’elle allait m’enlacer. Peut-être que c’est ce qu’elle désire ou peut-être c'est moi qui en ai besoin.

- J’y compte bien. Venons-en à l’étape suivante.

- Il faudra être courageuse. Êtes-vous prêt ?

- Oui.

J’écoute son plan et il est d’une simplicité déconcertante dans sa conception, n’importe qui aurait pu le penser ; par contre, la mettre en pratique c’est autre chose.

Plus tard au sein même de notre résidence, mon père invite des chefs de la mafia. Les motifs de cette charmante réunion sont les évènements récents. Ils se réunissent dans une grande salle, une vingtaine de membres d’importante à genou autour d’une table rectangulaire en bois noir Shou suri ban, entouré de murs de papier et de bois.

Moi je n’y suis même pas convié.

De ma fenêtre au premier étage là où se trouve mon ancienne chambre, j’attends un signe de son arrivée. L’orage tombe toujours, mais devient soudainement plus violent. Avec la puissance d'un typhon, le vent hurlant de rage s'engouffre brutalement dans la rue et se fracasse sur notre bâtiment. De là où je suis, je vois sa silhouette sombre portant encore le hakama noir muni de son grand chapeau de paille de voyageur, enfonçant notre porte d'enceinte. Je me demande où elle a dégotté un déguisement aussi réaliste. Pourquoi elle tient tant à le porter ? Peut-être pour respecter encore nos traditions ou plutôt, nos vieux clichés.

Vraiment, je peine encore à comprendre cette lubie de la mise en scène. Nos hommes tirent, elle charge pour les envoyer valdinguer d’un revers de la main. D’après elle ces hommes-là n’ont pas commis de crime méritant la mort ; juste une petite humiliation.

Elle s’approche de la salle de réunion tandis que descendent tout juste des escaliers. Je suis là, non loin de la réunion, du coin de l'œil elle remarque ma présence.

Son signal est une entrée fracassante depuis la porte de celle-ci, je m’interpose avec mon sabre.

- Qui êtes-vous ?!

Je crois que c’est réaliste, ça sonne suffisamment grave en tous cas. L’ombre sort d’un sac de paille la tête de mon frère et la jette vers mon père qui blanchit. Il m’est impossible de faire semblant d’être horrifié face à mon propre crime ; je le suis.

- c’est votre fils, monsieur Ito .

Mon père se lève furieux

- comment osez-vous ! Vous…

Elle ne lui laisse même pas le temps de finir. Calmes et posés, forts de sa présence, tous l’écoutent attentivement.

- Vous, misérable chien, comment osez-vous vous cacher derrière votre fille, n’êtes-vous pas assez fort pour venir m’affronter ? Vous n’avez aucun honneur. Vous avez envoyé vos hommes chez moi arraché deux âmes, une jeune femme et son enfant encore dans son ventre. Vous croyez que j’aurai toléré ça de la part de si pitoyables individus ?

- De quoi parlez-vous ?!

Demande mon père stupéfait par ces accusations et l'audace de l’assaillante.

- vous savez très bien de quoi je parle. C’est votre fils qui a eu l’idée n’est-ce pas ? Tuer deux anciens membres de votre clan. Qu’elle manque de compétence, ils ont tué les mauvaises personnes. Je suis venu de loin pour les venger, pour prendre des âmes.

Et maintenant elle la pointe de sa lame.

- Il manque plus que la vôtre.

D’une simple pulsion, elle charge mon père toute en glissant sa lame contre la mienne pour lui trancher le bras droit.

- plus de fils et plus tête pour le clan !

Je la repousse de toutes mes forces en la rattrapant, nous engageons un combat fictif, mais très brutal sous les yeux ahuris de nos spectateurs, l’armure de couleur chair que je porte me confère tellement de célérité que j’arrive à suivre ses mouvements.

J’ignore les gémissements de mon père qui, de toute façon, va mourir. À la fin nous finissons la lame sous la gorge chacune comme convenu.

- Bien, je vois qu’il y a au moins une personne de valeur ici. Votre fille vous a sauvé votre vie, pour l’instant.

Elle recule jusqu’à la sortie dans les jardins.

- Mais si vous posez encore un pied chez moi, je vous jure de vous faire vivre un enfer pour ceux qui se trouvent dans cette salle. Je ferai partir en flamme, encore une fois, tout ce qui vous appartient et je me servirai dans toutes vos caisses noires. Sachez-le, vous avez perdu 20 % de votre argent aujourd’hui.

L’un des hommes se lève et demande

- Qui êtes-vous ?

- Une ombre faite de lumière bleutée, pauvre ignorant. Et si vous osez me contrarier, ce ne sera pas cette femme qui vous sauvera, je n’ai pas que ce corps comme arme.

Mon amie Sato demande alors.

- Qu’allez-vous faire maintenant ?

- Je vais faire pleuvoir des larmes de sang sur moi.

On entend des moteurs au-dessus de nous et d’un éclair, elle disparut, ne laissant que des vêtements fumants. Et personne ne put voir l’engin, pourtant, il en était mention dans son plan de l'arrivée d'un aéronef gros comme avion long-courrier, ont aurai dû au moins apercevoir sa silhouette.

Un des hommes dit en soupirant qu’elle est mort ; à cela je lui rétorque.

- Et où est son katana ? Nulle part, donc elle n’est en vie.

Père gémissant.

- tu n’as rien à faire ici Kuruoe !

Je réponds avec comme arme la vérité.

- Oh que si père, à cause de vous mon frère est mort. À cause de vous je suis maintenant prise pour cible par cette femme. À cause de vous nous sommes tous affaiblis et des proies faciles pour nos adversaires. Votre ingérence et votre faiblesse nous ont menés là où nous en sommes !

- Comment oses-tu me parler sur ce ton !

- Et vous, père ! Vous ne m’avez jamais traité en égale avec mon frère ! Je suis meilleur que lui dans tant de domaine et même meilleur que vous ! Vous vous dites descendant de guerrier, mais dès que l’on vous coupe un bras vous hurlez comme une femme !

Il frappe du poing la table.

- Ça suffit Kuroe ! Tu me fais honte !

Si prévisible.

- la honte, c’est vous qui nous l’infligez. À nous tous.

Je tends mon arme

- Faite comme vous l’avez demandé à certains de nos membres à mainte reprise père, pour l’honneur du clan. Nous avons déjà des témoins.

- Non, ma fille. Ce qui m’arrive est différent. Je dois me venger et arrêter cette chose.

Il a refusé. Je ne m’y attendais pas. Que faire ?

Étonnamment un chef plutôt âgé me soutient.

- Votre fille a raison, si on en est là c’est à cause de vous, cette chose est venue par votre faute, vous devriez au moins vous retirer.

Et mon cher Sato en rajoute.

- Mon père est mort, décapité par cette chose dans notre maison.

Et pour bien signifier sa révolte, il se lève en lui faisant face, droit dans les yeux.

- Et vous avez attiré son courroux ! Elle est venue abattre son courroux et bien nous faire comprendre qu'elle peut faire ce qu'elle veut de nous ! Vous méritez d’être destitué ! Vous avez mêlé deux âmes innocentes dans nos affaires ; un acte malheureux qui n’aura jamais dû se produire !

Les chefs chuchotent, acquiesce, mais mon père refuse. Alors l’ombre me parle.

- Kuruoe, il faut que ton père meure, de sa main ou non. Il ne doit pas vivre.

Je le sais, en m’approchant de lui, mon cœur se met à battre plus fort et ma main affermit sa prise sur mon sabre.

- Père, saluez mon frère de ma part…

Je le décapite, il tombe.

- En enfer.

Je prends sa place en poussant son corps.

- Ceci appartenant dorénavant aux passées ; je vais réparer ce qui peut l’être.

Je regarde l’un de mes rares hommes qui a attendu dans l’ombre tout ce temps.

- Toi, débarrasse-nous de son corps. Mets-le de côté, qu’importe le lieu.

Les chefs me regardent et semble impressionner, chacun semble réfléchir quant au remplacement de mon père.

- Je sais comment retrouver des forces et même devenir plus puissants.

Ils sont tout ouïs.

- Nous n'allons pas tarder à entrer en guerre contre nos rivaux qui vont s'accaparer nos territoires. Alors il faut accélérer nos transitions vers des activités licites et abandonner tout le reste.

Leurs visages me disent : et comment ?

- Nous avons l’argent, nous avons des entreprises et quelques actifs, il nous manque le respect du public qui nous craint. Nous allons les protéger des nôtres en fondant une entreprise de sécurité privée.

- C’est ridicule.

J’entends en voix basse.

- Ridicule ? Non. Difficile ? Oui. Mais c’est la seule voie possible. Les lois sont en train de nous étrangler, le monde veut nous mettre à terre. Esquivons les problèmes en sortant de l’étiquette de Yakuza et nous n’aurons plus des gens comme l’ombre bleutée sur le dos.

Sato acquiesce et se rassoit.

- Ça semble une bonne idée, moi en tous cas j’y vois une opportunité d’affermir notre autorité dans la zone tout en restant dans le cadre légal.

Et la question que j’attends vient enfin.

- Et pourquoi devrions-nous vous suivre ?

À ça je réponds.

- Je vous ai protégé de l’ombre une fois, je le peux une deuxième fois. L’une de mes connaissances sait comment elle procède à ses actes de piratage, elle peut nous en protéger. Elle n’est pas inconnue dans le vaste monde du virtuel. Il faudra cependant me faire confiance et placer l’argent dans une banque qui sera gérée par mes soins.

Ils semblent suspicieux, certains me regardant du coin de l’œil tout en fermant un peu leurs paupières.

- Elle recommencera, videra et remplira l’argent comme bon lui semblera, elle se servira de nous et nous causera des torts dans des transactions pour ses projets. Mon contact a étudié des cas de grands comptes se retrouvant sans rien et traduits en procès pour fraude fiscale. Ces derniers avaient beaucoup de difficulté pour prouver leur innocence, d'autant plus que tous les transferts étaient réalisés en leur nom.

L’ombre me chuchote.

- regarde-les, vos mots les convainquent. Continuez à remuer la crainte que j’inspire, dites-leur qu’ils n’ont que ce choix, car c’est la réalité.

- Acceptez, vous serez à l’abri de ce problème.

Sato rehausse sa tête et toute sa posture, comme s’il comprenait mon intention véritable.

- Non pas que cela me dérange, mais cela fait de toi notre chef. Tu auras notre argent, donc un moyen de pression sur nous.

Je ne peux nier ce fait.

- C’est bien vrai, mais si vous acceptez mon offre, vos noms, vos clans, survivront. Je serai votre chef de famille, mais aussi celle qui vous protégera de cette menace qu’est cette ombre bleutée et le Nouveau Monde qui vient.

- Quel Nouveau Monde arrive ?

Je réponds franchement.

- Je ne sais pas, mais il arrive et l’ombre bleutée semble bien en faire partie. Si elle se permet tout cela, c’est parce que l’avenir lui appartient. Alors, évitons de nous la mettre à dos elle et ce Nouveau Monde.

À ces mots ils acceptent.

Les mois suivants, mes échanges avec elles étaient indirects, via des machines dissimulées dans des camionnettes banalisées, transportant des serveurs pour la banque Yakuza-ito, et bien souvent dans les ombres de toute chose. Des échanges électroniques ou de brefs messages visibles uniquement par mes yeux.

Des fois je la vois à la télé et c'est entrer très spectaculaire.

Un mois passe et un jour je suis conviée dans une sorte de dojo fortifié par des murs toujours avec un esthétisme local, cette fois ancien. Un lieu surveillé, isolé en lisière de la forêt Aokigahara. Un choix des plus mystérieux dont elle refuse catégoriquement de me dire pourquoi, même en lui rappelant que j’ai participé à l’investissement. Elle appelle cet endroit la petite forteresse privée. Tout est noir ou blancs, pas de couleur. Gardé par des machines semblables à des samouraïs et des drones aériens.

Les samouraïs s’entrainent dans les divers cours quand ils ne patrouillent pas ; tous me saluent respectueusement en prononçant mon nom en entier. Voilà une petite armée bien polie dont je suis ravie de ne pas en être l’ennemi.

Patiemment j’attends le crépuscule, servi par des geishas impassibles artificielles maîtrisant l’art de servir le thé. Une imitation inquiétante de perfection.

L’Ombre m’attend dans une cour dehors, en pleine nuit, avec un bassin d’ornement.

- Ombre bleutée, vous m’avez appelé, me voilà.

Elle a le dos tourné vers la lune, les cheveux immaculés de reflets qui les font ressembler à des fils d’argent, flottant au gré des vents.

- J’ai eu un mois difficile, Ito. Alors j’aimerais que nous discutions avec plus de familiarité.

- C’est ce que j’ai peu comprendre vous…

Je me corrige

- Tu as remué ciel et terre pour trouver la vérité. Cette fois cela a abouti ?

- Cela n’a pas abouti et le responsable court encore, il est aussi ton ennemi, il est ce que tu détestes le plus. Avide de pouvoir, il ne répond qu’avec les armes tout en les utilisant à mauvais escient.

- Alors tu as besoin de mon aide ?

- non, pas encore, mes plans te concernant ne sont pas prêts. Des derniers recourent en cas d’échecs. Continue à étendre ton influence sur le Japon, instaure un climat de confiance entre tes yakuza blancs et le gouvernement japonais, cela m’aidera beaucoup. D’ailleurs où en es-tu ?

- Cela avance. De plus, j'ai changé le nom de notre clan.

Elle semble intriguer

- Et qu’elle est ce nom ?

- Les ombres d’Hannya ; comme c’est la mort d’une jeune femme qui a provoqué cela, autant en prendre le nom du spectre vengeur pour l’honorer.

- tu disais ça comme si tu étais Hannya.

Mon armure apparait, masque blanc souriant aux crocs démoniaques et tranchants.

- C’est parce que je suis Hannya, Ombre bleutée.

- Alors tu as décidé de porter un masque toi aussi. Ton clan acceptera-t-il ?

- Ils ont tous accepté, nous officialisons la chose demain, tous porteront un masque noir d’Hannya. Et moi, Hannya, j’étendrai mes ombres sur tous ceux qui me barreront la route.

Le silence, je dégaine mon sabre.

- Et j’aimerai une revanche. Ombre bleutée.

Son sourire, grandi au point que le métal de son visage en vient à se déformer.

- Je n’en attendais pas moins de toi, Fille du levant.

Elle dégaine sa lame.

Nous nous regardons dans les yeux, puis nous nous affrontons, toute la nuit.

À chaque fois que nos lames se croisent, j’ai l’impression que nos âmes se lient l’une à l’autre, à chaque fois, nous lisons parfaitement nos mouvements de telle sorte que ce combat ressemble plus à une dance au rythme des lames qui se frotte l’une contre l’autre, qui vibre à chaque choc et siffle dans le vent.

J’ai trouvé une véritable amie. Nous finissons par une égalité ; nous avons toutes les deux baissé notre garde en même temps. Elle a son ventre exposé que j’aurai peu percé et quant à moi, encore mon visage.

Nous en restons là et nous saluons avec respect. Sans prévenir, elle me pose une question.

- Au fait comment va votre ami Sato ?

- Il va comme un homme ayant perdu son père. Vous avez des regrets ?

- Là n’est pas la question. S’il apprend que vous collaborez avec moi…

- Il le sait déjà.

- Oh… Comment l'a-t-il découvert ?

- Il semble être tête en l’air, mais c’est tout le contraire. Il a deviné en se posant une bonne question. Pourquoi nous laisser en vie ? Et donc, il en a déduit qu’il y avait un complice, de préférence une personne sous-estimée pleine de rancœur et de regret. C’est à dire moi. Il est arrivé chez moi avec des chips et ma demandée si j’étais de mèche. Je lui ai tout expliqué.

- Et comment à digérer cette histoire?

- Il a compris en tous cas que je n’avais pas commandité tous ces meurtres. Mais un jour, il faudra que tu répondes à quelque une de ses questions, quand il sera prêt.

Elle semble vraiment regretter ses actes, sa tête inclinée vers le bas et ses yeux qui se perdent dans des pensées qui me sont pour l’instant inaccessibles.

- Veut-il ma mort ? Ce serait logique.

- Il a renoncé à sa promesse. Son père été tué par quelqu’un d’autre de toute manière ; lui aussi a fait trop de mal.

- Lui aussi…

Son moral est vraiment en berne, elle a un souffle retenu et très lent.

- Je ne peux, pour l’instant, répondre à ses attentes, pas sous ce visage ; il y a trop de choses à construire et surtout, pour lui faire honneur, je dois lui faire face. Et pour moi c’est impossible actuellement. Parfois quand je regarde dans la glace, je suis tellement écœuré que je me détourne de mon propre reflet.

- Alors vous avait bien des regrets.

-Oui, j’en ai beaucoup. Mais à quoi bon ; ça ne va pas le soulager. J’ai décapité son père sous ses yeux et aujourd’hui, je recommencerais à le faire si c’était nécessaire. Voilà un aveu terrible.

- Vous pouvez arrêter.

- Non ; je ne peux pas. La mort est le seul moyen d’être sûr que ceux qui portent le mal ne nuisent plus. Une triste réalité dont je ne peux pas me soustraire d’un claquement doigt. C’est pour ça que j’ai créé le grand projet de l’aiguille noir.

- Le grand projet de l’aiguille noir ?

- Oui, le grand projet de l’aiguille noir. Tu es en ma source d’inspiration. Cette organisation que tu as créée, elle est formidable. J’ai vu sa progression fulgurante en faisant juste le bien. Je vais m’en inspirer, recruter des gens de valeur telle que Sato ou même toi ; plein de bonne intention. Ça me changera du chantage et la pression par la menace imminente de mort.

- Si tu le dis. Tu peux m’en dire plus ?

- Bien sûr, mais pas trop.

Ainsi, nous discutons de son grand projet jusqu’au lever du soleil ; avant que je la quitte, ses derniers mots sont empreints d’espérance et d’ambition de bonheur pour tous. Mais j’ai peur que cela dégénère, cette fois on sombre dans la complexité abyssale de la géopolitique et du complot à échelle mondiale. J’espère qu’elle y arrivera, dans le cas contraire, on ne retiendra d’elle rien d’autre que la souffrance.

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