Chapitre 18 : Les limites.

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L’acier des bagues de Kley rencontrait ses lèvres. Enveloppé par ses pensées, ce dernier s’épanchait sur l’annulaire de la femme en face de lui. La sienne était en or. Elle l’obnubilait tant, qu’il en avait oublié l’espace dans lequel il se trouvait. Il fut ramené dans sa chambre par un mouvement de jambe.

  • Ça ne nous pose aucun problème, dit Adam, d’une voix affirmée, qui n’était pas sans plaire à leur charmante compagnie.

En se présentant au Major, la cliente avait formulé une demande bien spécifique. L’impatience se lut dans ses prunelles lorsqu’elle les déplaça sur le plus jeune des escorts. Ces deux-là n’avaient encore jamais travaillé ensemble.

  • N’est-ce pas, Kley ?

À nouveau ancré à la réalité, il jeta des traits à sa silhouette : une poitrine aussi divine donnerait le tournis à n’importe quel homme. Pourtant Adam maintenait son regard à bon niveau. L’homme affichait un sourire cordial, mais au fond de lui, Kley savait qu’il mourait d’envie de lui faire la peau.

  • Aucun problème, répondit ce dernier. Si ce n’est quelques règles.
  • Des règles ? releva la cliente, la voix chargée. Je suis venue ici pour faire des choses qui ne nécessitent aucune règle.

Il ne fut pas étonné qu’Adam prenne la relève.

  • Ce que mon collègue essaye de vous dire, c’est qu’il ne souhaite pas que l’on emprunte sa petite porte, ce soir. C’est un grand sensible.
  • Je vois, dit-elle, pincée de plaisir. Ce n’est pas ce que j’avais en tête. Mais, si je m’en réfère à ce que vous dites… C’est la première fois que vous faites cela ?
  • Pour ma part, j’ai l’expérience derrière moi, reprit Adam. Sans mauvais jeux de mots… Quant à lui, c’est notre plus jeune recrue. Il n’a jamais fait de plan à trois.

Elle le détailla sous un autre jour. Adam profitait de chaque occasion pour le descendre. Ils se présentaient pourtant à armes égales devant cette femme, tous deux vêtus de costards.

  • Dans ce cas, puis-je savoir pourquoi tu as accepté ma proposition ?
  • Pour l’argent.
  • Haha, quel malin ! rit Adam. Veuillez excuser son comportement…
  • Non, j’adore ça.

Mal assis dans sa chaise, Kley leva ses sourcils en direction de la brune. Sa chevelure tombait en cascade sur sa poitrine, celle-ci se soulevant sous son corset en dentelle. Le blazer sur ses épaules n’en dissimulait que le deux tiers. Il déposa son regard sur les diamants autour de son cou, puis sur les boucles d’oreilles qui ornaient ses appétissants lobes. Une si belle femme…

  • Je peux vous en poser une en retour ? Qu’est-ce qui fait défaut à votre mari ?

Elle laissa échapper un demi-rire. Adam, sur le siège à côté, manqua de s’y enfoncer. Il lança un regard en direction de la bague accrochée à son annulaire. Habituellement, les clientes s’en débarrassaient avant même d’entrer dans l’établissement.

  • Il y a bien quelque chose qui lui manque ?
  • C’est un sujet… que je ne souhaite pas aborder.
  • C’est à ça que sert ce premier échange, déclara Adam. À poser vos limites. Vous n’êtes en rien obligé de nous dévoiler votre vie privée.
  • Il n’est pas bon au lit ?
  • Kley, fit Adam, en serrant les sourcils. Sois correct.

À l’aide de son pouce, elle fit rouler sa bague autour de son doigt. Bien qu’elle parut ennuyée, un petit jeu s’était installé. Enfin, elle décroisa les jambes.

  • Il est infirme, dit-elle, l’air relâché. Mon mari… et moi, faisons tout un tas de choses, mais… c’est un homme attentionné, vous savez. Étant donné qu’il ne pourra plus réaliser une grande partie de ses fantasmes, il souhaite que je réalise les miens. Cependant, dit-elle en se levant de son siège. Je ne suis pas certaine de trouver mon bonheur ici.

Kley l’observa traverser la chambre. Il ne s’était pas attendu à une telle réponse. L’air d’Adam le mit en garde. Il avait intérêt à réparer son erreur, et vite, car cette femme avait déposé une grosse somme d’argent pour coucher avec eux deux. Leur patronne, Galia, s’en était assurée. Elle avait négocié un prix à la hauteur d’une nuit avec ses deux meilleures parties.

  • Je m’excuse, dit Kley, platement.

À niveau du lit, elle se retourna. Elle trouva un garçon stoïque, qui cependant, ne décolla pas ses yeux des siens. Grandie par ses talons, elle tritura les diamants à son cou.

  • Je me demande… comment tu pourrais te faire pardonner ?
  • Je peux faire, tout ce que vous voulez.
  • Laisse-moi réfléchir…

Elle tapota son index sur ses lèvres quand une idée vint enflammer ses prunelles boisées. Elle trouva place au bord du lit.

  • Avant qu’on ne passe aux choses sérieuses, je veux que ce soit lui qui te déshabille.
  • Lui…

Pointé du doigt, Adam sembla ravi. Il fit lever son collègue d'une simple pression sous son menton. À ce moment-là, Kley se demanda comment il était atterri aussi vite sur ses pieds. La vision de son sourire, agrandi, le fit regretter d’avoir joué au plus malin… Il observait le sol avec force quand il sentit les pans de sa veste se soulever. Celle-ci tomba à ses pieds. Le tourment s’installa en lui, et comme si Adam l’avait deviné, il s’approcha de son oreille après l’avoir contourné.

  • Essaye d’y prendre plaisir, lui chuchota-t-il, en l’exposant à sa cliente. Regarde comme cela l’excite, dit-il en ouvrant le premier bouton de sa chemise.

En effet, le désir naviguait entre ses traits. Elle se découvrit au fur et à mesure qu’Adam fit sauter ses autres attaches. Une fois en soutien-gorge de son côté, ce dernier glissa ses doigts au niveau de sa ceinture. Il les amena un peu plus bas.

  • On dirait que ça te plaît ?

Kley frissonna, il eut une légère convulsion à cette idée même. Il l’initia à retirer son pantalon et l’imita. Tous deux nus, Adam apporta à nouveau son attention sur leur cliente.

  • Oh, c’est vrai, vous êtes là, ricana-t-il. Que voulez-vous qu’on fasse ensuite ?

Elle écarta les jambes en faisant signe à Kley de s’y loger pendant que l’autre prenait place dans le lit, derrière elle, où il tira sur son cou pour l’embrasser. À mesure que ses gémissements grandirent, elle devint de plus en plus docile. Kley n’avait jamais passé la nuit avec une cliente aussi avide de domination et de soumission à la fois. Il ne savait pas vraiment dans quel ordre faire les choses, mais son collègue, lui, connaissait la recette. Il la poussa à se mettre à quatre pattes.

  • Que diriez-vous de vous occuper de lui ?

Lorsque ses lèvres rencontrèrent son sexe, il laissa échapper un soupir. Ses yeux se fermèrent automatiquement. Quand il les rouvrit, ils se déposèrent sur Adam. Il avait un large torse, et ce “V”, qui se rapprochait de légers vas et vient, devint hypnotisant. Il entendit un cri étouffé. Ce n’était pas lui qui lui fait pousser ces bruits-là. Arriverait-il au même résultat ? Il sentit son membre s’enfoncer dans sa gorge. Adam exerçait de telles pressions à l’arrière qu’il la poussait un peu plus loin à chaque fois. Il le vit jauger ses réactions, amusé. Son nez se renfrogna. Il allait jouir bientôt. Adam accéléra le mouvement. Il ne tint pas plus longtemps.

Aussitôt, la grande main d’Adam vint encadrer les joues de leur cliente, son torse étendu contre son dos. Elle lui montra sa langue en guise de preuve. La main sur son sexe, Kley le vit attraper ses deux bras et la tirer en arrière. Elle tenait sur ses genoux, tout contre lui. Adam lui tourna la tête, de force, et lécha entièrement les lèvres qui l'avaient précédemment entouré. Il vit son regard se balader au-dessus de son épaule et le petit signe qu’il lui octroya pour qu’il s’occupe d’elle. Il le prenait pour un gamin. Renfrogné, Kley s’exécuta. Il grimpa sur le lit et se plaça à sa hauteur. Sans difficulté, il glissa un doigt dans son vagin. Il n’avait pas réalisé qu’Adam l’avait pris par l’autre côté. En jouant de ses doigts, sa langue glissant le long de son cou, il obtint un joli cri. Il grimpa jusqu’à son lobe d’oreille où son regard croisa à nouveau celui de l’escort. Ce dernier vit ses lèvres se faire conquirent par l’index de sa cliente. Elle les porta ensuite à celles de Kley. Il sentit son ventre s’enrouler.

Adam plaça le sien sous sa mâchoire. Il l’invita à se rapprocher. La pression de sa bouche, délicate, puis violente, lui donna un élan. Il attrapa sa langue de la sienne. En se détachant, l’envie dans ses yeux avait grimpé. Il découvrit le sourire en coin d’Adam. Ce dernier abaissa les siens sur son sexe. Ils allaient bien s’amuser.

***

Adam sortit de la douche, plutôt heureux. La séance s’était bien déroulée. Mieux qu’il ne l’avait imaginé, car avec Kley, ce n’était pas gagné d’avance. Il enroulait sa serviette autour de ses hanches quand il trouva ce dernier assis au bord du lit, à moitié habillé.

  • Alors, ça fait quoi d’entrer dans la cour des grands ? lança-t-il. Tu t’es pas trop mal débrouillé pour ta première fois !

Il adorait le taquiner. Adam se plaça de manière à mieux voir son visage, avide de découvrir sa réaction, mais tout ce qu'il trouva fut un air grave. Ce dernier glissa ses doigts sur son front, le regard cloué au sol.

  • Que se passe-t-il ?

Kley remua les lèvres, mais aucun son n’en sortit. Il fixa les paumes de ses mains à la place. Le trouble s’était insinué en chacun de ses traits. Il remua la tête et releva ses yeux dans ceux d’Adam. Ils lui parurent désespérés.

  • Pourquoi je t’ai… embrassé ?

L’escort eut un moment de recul. Il ne pouvait pas se moquer de lui, même s’il aurait préféré. Il ne le comprenait malheureusement que trop bien. Il fit un pas vers lui et s’assit à ses côtés.

  • Tu sais parfois, et surtout dans notre boulot, on fait des choses qu’on aurait jamais cru faire. Les tentations auxquelles on est confrontés nous échappent et nos actes aussi. Ce que tu as fait lors d’une nuit en tant qu’escort ne définit pas qui tu es. C’est le travail.
  • Je n'avais pas envie de t’embrasser, répondit-il si rapidement qu’il lui arracha un rire doucereux.
  • Je m’en doute.

Kley enferma son crâne entre ses mains, torturé.

  • Qu’est-ce qui te fait peur ?
  • C’est comme si… j’avais pas de limites, dit-il à voix basse. J’ai peur de… de ressembler à ma mère… C’est elle qui a trompé mon père. C’est pour ça qu’il est parti. Un jour je suis rentrée chez moi et je l'ai vu en train de se faire défoncer par deux types. Cette vision, j'essaye de m'en débarrasser depuis, mais je vaux pas mieux. J'ai fait exactement pareil aujourd'hui.
  • Est-ce que ça t’a plu ?
  • Quoi, je ne sais pas, je…
  • Pour être honnête, j’ai été assez surpris. Tu es plus sexy que je l’avais imaginé, dit-il en entourant sa cuisse. Je crois que je ne serais pas contre de coucher avec toi.

Le souffle dans son oreille le fit trembler. Il se sentit basculer en arrière, poussé par Adam. D'un coup sec, il le repoussa.

  • Fils de… !

La frayeur calée dans les pupilles, Kley se décomposa en l’entendant rire franchement.

  • Tu vois, tu as des limites.

Ses yeux s’illuminèrent. Il tourna la tête d’un coup. Adam se pourlécha les lèvres. Même s’il essayait de les cacher, il vit les traces de ses larmes tombées sur son jogging. Il l’entendit réprimer un hoquet. Cela avait l’air douloureux. Ils restèrent comme ça un moment, jusqu’à ce qu’il récupère une meilleure respiration. Kley garda longuement son visage caché entre ses deux paumes. Il finit par les décoller de son nez. Il fixa un point devant lui, comme si plus rien autour n’existait.

  • Je ne veux pas lui ressembler.

Adam ne dit rien.

  • Ni à ma mère, ni à mon père, d'ailleurs. Il est parti. Sans moi. Alors que c’est grâce à moi qu’il a su…

Il se mordit les lèvres.

  • Dès qu’il s’est barré, elle a pas perdu du temps pour arrêter de s’occuper de moi. Elle buvait déjà pas mal, mais ça s’est empiré et je ne te parle pas des types qui défilent chez nous… Elle n'est même pas assez intelligente que pour se faire payer, dit-il, rempli de sarcasme.
  • … Et toi tu payes pour ses dettes. Vous n’êtes pas pareils. Ce que tu fais, tu le fais pour survivre. Tout est une question de contexte.

Encore une fois, Kley se vit attribuer des attentions dont il n’avait pas le mérite.

Il se renfrogna :

  • Non, tout cet argent, je le garde pour moi, avoua-t-il, la tête basse.
  • Alors, t’es moins con que je l’avais imaginé. Tu as bien raison. Mets-toi en plein les poches et pense à ton avenir. Tu y as pensé ? Tu voudrais faire quoi plus tard ?

La question lui décocha deux yeux ronds.

  • Ha, je… sais pas, euh… bégaya-t-il, ses joues se réchauffant. Je pensais à un truc comme… éducateur…
  • Éducateur, répéta Adam, d’un air content.
  • Après, je sais pas ! J’y ai pas pensé plus que ça, et puis, faudrait déjà que je réussisse mon année. C’est pas gagné, dit-il en grognant.
  • Galia te fait travailler plus qu’avant, devina-t-il.
  • … C’est ma faute, j’ai laissé les choses traîner avec Judith. Je pensais que je serais tranquille maintenant qu’elle vient moins, mais Galia me fait clairement payer mes manquement. Elle s’en fout que j’ai moins de temps pour l’école.
  • Ça ne m’étonne pas d’elle.

Le ton qu’il employa attisa sa curiosité. Adam serra son épaule comme pour l’encourager. Sa serviette se défit quand il se leva. Kley dévisagea ses fesses comme s’il ne les avait jamais vues. Il amena son pouce à ses lèvres et commença à le grignoter. Adam remarqua son drôle de silence.

  • Qu’est-ce qu’il y a ? Tu peux plus te passer de moi ?

Il se retint de l’insulter.

  • Non, en fait, à ce propos, je me demandais… Tu crois que tu pourrais me rendre un service ?
  • C’est bien ce que je disais, tu peux plus te passer de moi.

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