LANGAGE CORPOREL

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Reina

"La danse est l'expression perpendiculaire d'un désir horizontal."

De Anonyme

La simple mention du prénom de ce salopard est pour moi comme un supplice. Je maudis le jour où mon père dans sa naïveté a cru bon de le faire entrer dans nos vies. Je l'exècre tellement que pour pouvoir dissimuler mes mains tremblantes, je tente de déposer mon verre avec discrétion sur une petite balustrade. Ce n'est que par miracle que celui-ci ne se casse pas, car à cause de la situation, mes nerfs sont déjà mis à rude épreuve. Il faut dire que ma répulsion pour cet individu est si intense qu'elle provoque chez moi parfois de violents souvenirs du passé. Le suicide de mon père, la longue agonie de ma mère, mes nuits en foyer d'urgence, des événements qui me tourmentent et que je tente en vain d'effacer.

Or, pas un seul jour ne passe sans qu'ils ne dévorent au point de me dérober un à un les meilleurs parties de moi. Cette fois, pour une raison qui m'échappe, j'arrive à me contrôler suffisamment pour ne pas péter un câble. Dieu merci, car dans ces moments-là, je suis comme une droguée en manque de cocaïne. À prudemment y réfléchir, je me demande constamment si je vais être capable de supporter la présence de ce serpent et ceci en permanence. Parce que ne nous leurrons pas, c'est lui ma véritable cible. Il représente d'ailleurs tout ce que je déteste chez les riches et les puissants.

En revanche, je reste extrêmement intrigué par les paroles énigmatiques de Nicholas. Pourquoi ne veut-il pas ressembler à son père ? En général, pour la gente masculine, le père est le parfait modèle de l'homme qu'ils veulent devenir. L'exemple quasi-indétrônable, qu'ils veulent soit imiter, égaler ou dépasser. Nicholas, fait-il exception ? Son paternel et lui seraient-ils en désaccord ? Puis je me souviens qu'il est avant toute chose un Tellier et mon antipathie remonte en flèche, car je n'envisage pas de lui laisser le bénéfice du doute. Les membres de cette famille sont tous du même acabit que leur patriarche.

À mes yeux, ils sont tous identiques, malveillants. Ce ne sont tous que des pourritures parce qu'au vu de l'enquête exhaustive que j'ai fait mener sur leur vie, aucun d'entre eux ne mérite ma clémence. Ce que j'ai découvert sur eux grâce au privé qu'Ella a engagé n'a rien de reluisant. Bien au contraire, ce n'est qu'adultère, magouilles en tous genres, abus de confiance. Or, si Nicholas a été éduqué dans une telle atmosphère, il est impensable qu'il soit dissemblable de ses parents, de ses frères et de sa sœur Véronique.

Je veux les détruire, les réduire en miettes, faire de leur vie un véritable enfer sur terre. Je veux qu'ils me supplient, au point qu'ils ressentent dans leur chaire celui des derniers moments de ma mère. Je veux qu'il crève à petit feu en se demandant jour après jour qui creuse leur tombe. Jusqu'à ce que j'apparaisse en pleine lumière me nourrissant de leur déchéance, de leur discrédit.

Si je ne peux aucunement les assassiner un à un, ce n'est finalement pas très grave, parce que je vais faire en sorte qu'ils se dévorent et se déchiquettent entre eux. J'ai sacrifié ma passion pour l'art pour MBA à Harvard, une formation internationale de plus haut niveau en matière de gestion d'entreprise afin qu'il ne reste plus rien de leur empire. Maintenant chaque pas que je ferrais visera cet unique objectif, ils n'y échapperont pas.

_ Règle numéro cinq : divide, impera, diviser pour mieux régner. Semer la discorde parmi leur rang afin de les opposer pour qu'ils s'affaiblissent. La première étape réussie, l'usage du pouvoir acquis ne pourra que les influencer dans mon sens.

Même si je dois y laisser mon âme, regarder Bernard Tellier s'étouffer dans sa propre bile sera la dernière image que je verrais. Il est donc inconcevable pour moi de ressentir un quelconque désir ou une once de sympathie pour son fils.

Nicholas n'est que l'instrument de ma vengeance, il m'est juste un outil nécessaire. Je ne lui ferais jamais confiance et nous ne partagerons rien d'autre que du sexe. Des parties de jambes en l'air sans doute torride vu l'alchimie que je ne peux nier entre nous, mais certainement pas de l'intimité. De toute façon, je ne me laisserais jamais plus aller à ce sentiment parce que cela fait bien trop mal. Je préfère largement rester une femme froide et sans cœur que de souffrir de l'abandon ou de la mort d'un être cher. De plus, je ne sais pas aimer parce que comme l'a si bien dit mon ex Abel, je suis un iceberg, un corps vide, desséché comme privé de toute substance. La seule chose qui m'est possible d'offrir à un homme, c'est de la luxure.

Alors que je suis perdue dans les affres de ma rancœur, l'impensable se produit. Nicholas s'étant rapproché de moi sans que je m'en rende compte, m'attrape la main gauche et s'en suis pour moi un véritable choc. Car sans que je ne le veuille, mon corps se tend à l'instant même où ses doigts saisissent ma paume. Et ce simple touché fait bien plus de dégâts lorsque qu'il se transforme en caresse.

De légers picotements ainsi que de petites décharges électriques me remontent immédiatement le bras me faisant pratiquement trembler d'anticipation. Je n'ai jamais réagi comme cela avec aucun homme. Mon sexe quant à lui se contracte prolepse , dégouline et mouille mon sous-vêtement. Surprise, je relève les yeux vers lui et ce que j'aperçois dans ses prunelles bleu d'après-orage, me laisse fébrile.

Du désir. Encore du désir...

Un désir à l'état brut prêt à dévaster tout sur son passage. Une émotion si intense, qu'elle retourne quelque chose en moi. Mais tout cela est associé à un autre sentiment et ce n'est que lorsqu'il me parle enfin que je parviens à l'identifier.

_ Vous allez bien ? Il y a quelques instant, vous sembliez dévastée, presque comme si vous souffriez perdue quelque part bien loin d'ici.

Et là, c'est le chaos parce que ce mec s'inquiète pour moi. Je pensais avoir adroitement masqué ma douleur, mais il l'a vue, il l'a sentie. En équilibre sur une pente glissante, la peur me gagne, c'est dangereux, très très dangereux.

Sans réponse de ma part, il se rapproche de plus en plus de moi et paralysé, je n'arrive pas à m'écarter de lui. Son odeur, poivrée, épicée de bois de santal m'embaume et mon cerveau vrille littéralement. J'ai envie de le sniffer jusqu'à l'overdose, je désire me frotter à son corps brûlant à l'orgasme certaine à cet instant que je peux y parvenir en restant complètement habillée.

Il se penche lentement à mon oreille, son souffle mentholé effleurant mon cou et je frissonne. C'est alors qu'il me murmure d'une voix sensuelle :

_ Danse avec moi.

Troublée, je n'arrive pas à lui répondre, alors il se met à rire. Les secousses de son corps me provoquent davantage de sensation, de fait, je n'arrive plus à me détacher de lui. Mes bras se nouent autour de sa nuque et naturellement au son du slow qui nous parvient nous nous mettons à onduler. C'est délicieux. Nous dansons en symbiose totale comme faits l'un pour l'autre.

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