24 - Le saule au bord du lac

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35e jour de la saison de la faux 2448

Après avoir raccompagné Azéna à sa tour, Serfantor retourna à la sienne en évitant les regards curieux. Bien que sa tâche fût complétée, il n'arrivait pas à relaxer. Il fixa sa main pendant un long moment en chemin et songea à la situation compliquée dans laquelle il était coincé. Sa mère était impitoyable et il savait qu'elle avait des yeux à l'académie qui l'observait, ceux-ci probablement parmi les apprentis. Son petit frère en était probablement un, non par choix malheureusement. Il savait que Katanor ne lui voulait aucun mal. Les intentions n'étaient pas assez dans la société elfe grise pour faire une différence.

Serfantor voulait réellement changer de camp. Il admirait les valeurs des Gardiens et il savait qu'il valait mieux que ce que ça mère voulait qu'il devienne. Aussi, il y avait Merryn. Malgré qu'il ne l'avait pas revue, il était satisfait de savoir qu'il avait accomplie cette bonne action pour elle. Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur la raison qui l'attirait tant chez cette jeune femme. Pourtant, il ne connaissait quasi rien sur elle et ils avaient passé qu'une brève soirée ensemble. Il avait lut dans un livre à l'académie que l'amour était parfois un phénomène étrange, inexplicable, mais que c'était le sentiment le plus pure au monde. Dans la culture elfe gris, on ne parlait pas de ces choses. L'amour c'était une faiblesse qu'il fallait éradiquer. Maintenant qu'il y pensait, aucun de ses pairs ne comprenait complètement pourquoi c'était vu comme un égal à une malédiction. D'après lui, ça ne semblait pas si mal. Oui, ça pourrait amener à des situations fâcheuses, même très dangereuses, mais il avait le pressentiment que ça pourrait peut-être en valoir la peine. Azéna était une tête de pioche impulsive, mais il enviait parfois sa relation avec ses amis.

Il secoua ses sentiments affectueux et concentra sur sa destination. Il devait rester alerte. Il savait que les guetteurs de sa mère notaient tout par la simple peur de mourir de la main de la reine. Ils allaient obéir. L'angoisse, si assez solide, était une chose terrifiante et manipulatrice. C'était l'arme parfait pour un être aussi cruelle que sa mère.

- Hé Serfantor, appela une jeune femme avec vivacité.

Le jeune elfe n'eut le temps que de se tourner la tête et aperçut Lythrana qui balançait les bras pour attirer son attention. L'enthousiasme de la dragonnière draina sa patience si soudainement qu'il l'a maudit silencieusement. Il continua tout simplement son chemin en espérant qu'elle le laisserait tranquille.

- Lyth... Je crois qu'il aimerait mieux être seul, dit le jumeau de Lythrana.

- Attends une seconde, répliqua-t-elle.

Elle rattrapa l'elfe gris en marchant lourdement. Serfantor pouvait l'entendre s'approcher et à chaque pas qu'elle faisait, son angoisse grandissait. Il finit par sentir les muscles de ses bras se contracter et une douleur légère s'installa. Il résista la tentation de se tourner et de frapper en exaltant longuement. Clairement, la patience commençait à lui manquer.

Quelques instants plus tard, une jeune demie-elfe grise lui bloquait le chemin. Elle avait été bénie par une apparence qui penchait beaucoup plus vers son héritage elfe gris, mais elle était handicapée par une attitude humaine qui lui rappelait celle d'Azéna. Normalement, un elfe gris l'aurait aisément trouvé de son goût: peau gris foncé, magnifique visage à la mâchoire puissante, longue chevelure neige et une silhouette élégante. Il y avait qu'une seule tâche qui aurait ruiné cette parfaite oeuvre picturale: ses yeux, celui de droite étant bleu et celui de gauche étant vert. Pour certains, c'était une vision troublante tout simplement en cause que c'était inhabituel. Serfantor devait être une des rares exceptions à y rester insensible. Il entendait parfois des murmures, provenant particulièrement de pairs elfes gris, qui la décortiquaient à nue cruellement. Soit elle était inconsciente de son entourage, soit elle s'en moquait. D'une manière ou d'une autre, ce n'était pas le problème de Serfantor.

- Peux-tu dégager, s'il te plait? demanda-t-il avec neutralité.

- Je voulais juste m'excuser tu sais, pour tout à l'heure, répliqua Lythrana.

- C'est bon, pas la peine de t'en faire. Ça ne m'a pas dérangé.

Il voulait en finir avec cette discussion qui lui causait un calvaire, mais quelque chose en lui le poussait à défendre l'honneur d'Azéna.

- Azéna ne l'a pas trop appréciée, lâcha-t-il un peu trop brusquement. Tu devrais peut-être penser avant de cracher des conneries de ce genre. Ça risque d'endommager l'image d'autrui. Remarque bien que tu es entouré par des enfants, enfin du moins mentalement, pour la plupart. Ils vont tout absorber sans se poser de questions et tordre ces paroles qui étaient des mensonges du début. Ça peut causer beaucoup de dégâts. Maintenant, peux-tu me laisser seul?

Lythrana cligna les yeux plusieurs fois de suite, comme si elle essayait de bien comprendre de ce que l'elfe gris venait de lui expliquer. Finalement, elle hocha la tête et se retira à son groupe.

- Ben dit donc, tu as mordu dans le nid de la guêpe, dit Nymfrein au retour de sa soeur.

Serfantor continua son chemin. La dernière chose qu'il entendit des jumeaux fut ce qui semblait être un juron de la part de Lythrana et un gémissement de douleur provenant de son frère. Elle devait l'avoir frappé encore une fois. Étant capitaine de leur équipe de skotar, Serfantor était très familier avec les réactions de colère de Lythrana.

Une fois devant l'escalier qui menait à la Tour de la Clarté, la résidence des troisième années, l'elfe gris eut un moment d'hésitation. Il ne sentait pas très bien; l'énergie n'était pas là. Il opta donc pour une marche dehors en compagnie de le seul être en qui il faisait réellement confiance: Shalith.

La dragonne noire se trouvait exactement où il savait la trouvé: roulée en boule à l'intérieur d'un immense saule pleureur au bord du lac de Cristal. Celle-ci avait toujours préférée la solitude tout comme son dragonnier. Il savait bien qu'elle restait à cette académie pour lui. Elle aurait déguerpi il y a longtemps si elle ne s'était liée avec lui lors de leur rencontre durant la cérémonie du liage de sa première année. Il n'avait pas été heureux d'être là non plus puisque sa mère le forçait à être présent pour le simple désir de le voir émerger de l'académie plein de pouvoir. Deux regards attristés avaient réussi à trouver le bonheur ensemble. Pour lui, c'était beau et il ne regrettait rien. Shalith non plus, ça il le savait. Il le sentait au profond de son cœur.

De son côté, Shalith avait été sauvée du Sang du Dragon par les dragonniers et les dragons de l'académie d'Archlan lors d'une patrouille régulière près de leur territoire. Elle était sévèrement blessée et elle n'avait pas eu d'autre choix que de les laisser l'emporter avec eux pour qu'elle puisse se faire soigner. Elle resta sous leur protection pendant quatre longues saisons avant de faire la connaissance de Serfantor. Elle lui avait avouée qu'elle était sur le point de s'échapper puisqu'elle se sentait beaucoup mieux. Les règlements l'énervaient. Même l'idée d'être parmis les rangs des dragonniers la rendait malade. Elle était une véritable dragonne sauvage. Ils s'étaient promis qu'ils deviendraient forts et indépendants pour que personne ne puisse leur voler leur liberté. Ainsi, ils décidèrent de rester sous la tutelle de l'académie jusqu'à ce qu'ils finissent leur éducation. Ensuite, ils allaient partir à l'autre bout du monde et même peut-être fonder leur propre famille s'ils trouvaient des partenaires d'ici ce temps-là.

La présence de Shalith le réconfortait instantanément. Il sourit et accéléra sa marche alors qu'il approchait du sanctuaire de la dragonne.

Un petit reniflement retentit et un seul œil se mit à briller dans la pénombre de l'arbre.

- Te voilà, dit-elle en sortant sa longue tête maigre de sa cachette.

Ses muscles relaxèrent alors qu'il serra affectueusement le museau de sa compagne. Elle sentait comme un poisson mort et humide comme à son habitude, mais l'odeur nauséabonde ne le dérangera pas. Ses écailles gluantes non plus. Il redoubla la force de son étreinte et la dragonne émit un petit rire coquin.

- Que me vaut cette visite? demanda-t-elle. Tu ne devrais pas être ici à cette heure. Rendar va se faire un plaisir d'arracher tes os de ton minuscule corps après t'être calciné vivant.

Ils ricanèrent, sachant mieux. Serfantor se ferait disputer certes, mais pas torturer de la sorte. Shalith traîna sa carcasse squelettique sur une butte à côté du saule et se coucha à nouveau. Serfantor se nicha dans le creux de son ventre et elle ferma ses ailes pour le tenir au chaud du mieux qu'elle le pouvait. Ce n'était pas un exploit facile quand elle était un dragon au sang-froid.

- Qu'est-ce qui ne va pas? questionna-t-elle.

L'elfe gris sourit malgré lui. Shalith était la seule personne sur ce monde a pouvoir lire ses émotions sans qu'il ne les dévoile volontairement.

- La vie, répliqua-t-il tout simplement. Tu sais...

- Mhhmmm, répondit Shalith en ronronnant. Pas de nouvelle de ta petite amie encore?

- Arrête avec ça. Merryn... ce n'était rien... c'est impossible. Elle doit être à l'autre bout du monde maintenant. J'ai fait une bonne action, c'est tout. Ça m'aide à dormir le soir... Pour une... bonne conscience.

Serfantor tentait de garder une certaine neutralité, mais la dragonne ne semblait pas convaincue du tout. Elle émit une sorte de pouffe et une petite bouffée d'ombre sortie de ses narines. Clairement, elle riait de lui.

- Alors, tu devras bien t'en trouver une autre.

- Tu seras trop grosse pour ton arbre bientôt, commenta l'elfe en tentant de changer le sujet.

- Oh ne me le rappelle pas, marmonna-t-elle avec tristesse. C'est le seul dans lequel je peux entrer.

- Désespéré pour te cacher de toute source de vie ein?

- C'est en plein ça.

Les plaisanteries des deux amis furent interrompues par des bruits d'ailes. Un dragon avait atterri près d'eux, sûrement pour s'abreuver d'eau du lac. Shalith émit un grognement sourd, sûrement énervée par la nouvelle présence.

Le nouveau venu répliqua en ronchonnant aussi. Une ombre sauta au sol et tapota le flanc du dragon pour le calmer. Décidément, Serfantor n'était pas le seul à ne pas vouloir dormir ce soir. Grâce à sa vision nocturne, il reconnut sa coéquipière de skotar Arièlla. La blonde s'approcha de son capitaine et plissa les yeux pendant que son dragon se pencha pour boire.

- Serfantor? appela-t-elle, incertaine de qui il s'agissait puisqu'elle avait une mauvaise vision nocturne comparée à celle des elfes de sang pure.

Shalith siffla un avertissement à la blonde. Cette-dernière recula d'un pas pour ne pas contrarier la dragonne encore plus. Serfantor soupira. Décidément, la vie ne voulait pas qu'il ait la paix aujourd'hui. Il fit signe à Arièlla d'approcher.

- Ça va, dit-il s'avouant vaincu. C'est moi. Shalith est juste un peu délicate.

La dragonne noire fit la moue. Elle savait bien qu'il était aussi délicat qu'elle sur la chose, mais il avait quand-même choisi de mettre le blâme sur elle.

- Nous pouvons vous joindre? demanda Arièlla en baissant légèrement la tête en signe de politesse. Je ne voulais pas vous déranger.

Serfantor lui fit signe de venir encore une fois. Arièlla n'était pas trop encombrante; durant les parties de skotar, c'était d'ailleurs sa meilleure attaquante. Elle était extrêmement passionnée. La blonde et sa dragonne rouge s'installèrent à leur côté. La dragonnière grelotta et se blottit contre les écailles chaudes d'Harath.

- Tu n'as pas froid? questionna-t-elle à son capitaine de skotar.

- Un peu, avoua Serfantor. Ce n'est pas si mal; nous ne sommes qu'à la saison de la faux. Il y a pire.

- Je ne suis pas aussi insensible que toi à la fraîcheur. Je suis plutôt habitué à la chaleur d'Harath.

- Je peux faire un feu, proposa la dragonne rouge.

Shalith pouffa si doucement que seul Serfantor l'entendit. L'elfe gris retint un commentaire réprobateur. Elle était complètement jalouse. À côté d'elle, Harath faisait costaude et solide. La différence de taille et de corpulence était opposée.

- Ça ne va pas t'ennuyer j'espère? demanda Arièlla directement à Shalith. Je sais que les dragons noirs ne sont pas très amateurs de la chaleur.

Arièlla était habituellement très têtue et débordante d'énergie, mais elle pouvait s'avérait diplomate et polie lorsque c'était approprié. Ce côté d'elle remplissait toujours son capitaine de bonheur. Lorsqu'il graduerait, il avait l'intention de la nommer capitaine si rien ne changea son avis d'ici là. Il était assuré qu'elle ferait une excellente meneuse de groupe.

Shalith ne réagit pas pendant un moment. Serfantor la sentait tendue; elle était très protectrice de son dragonnier et elle détestait lorsque quelqu'un pouvait l'aider mieux qu'elle. Finalement, la dragonne noire donna son accord d'un hochement de tête. Harath partit chercher du bois. Pendant ce temps, Arièlla se mit à recueillir quelques roches qu'elle plaça en cercle. Serfantor l'observa avec intérêt.

- Rendar va sûrement nous repérer, avertit-il.

- Si c'est le cas, je lui dirais tout simplement que j'ai toujours vécue ici et que ne n'a jamais été un problème pour moi, expliqua Arièlla avec un sourire malicieux.

- Ça marche ce truc?

- Oui. Ne t'en fais pas.

- Tu parles comme si ça t'est déjà arrivé.

- Malheureusement, plusieurs fois. Même quand je n'étais pas une apprentie. J'ai toujours adoré ce lac durant la nuit. Je ne sais pas pourquoi.

Shalith leva la tête brusquement.

- C'est donc toi qui venais rôder dans les environs, réalisa la dragonne noire.

- N'as-tu pas une vision nocturne? demanda la blonde.

- Si, mais pour tout t'avouer, je m'en foutais de savoir de qui il s'agissait.

- Parfaitement raisonnable.

Serfantor échangea un regard avec sa dragonne et celle-ci grommela avant de continuer:

- Tu ne me dérangerais pas de toute façon.

Arièlla sourit, plaça une dernière roche et le cercle fut complet. Elle s'installa du côté opposé de Serfantor et de Shalith en attendant Harath. La dragonne rouge fut brève, quelques bûches mal coupées furent déposées à la droite du cercle de roches.

- Même des brindilles, s'exclama Arièlla. Je te félicite, ma vieille. Cette-fois, tu n'as pas oublié.

- Ne joue pas avec moi dragonneau, grogna Harath. Je ne suis pas vieille.

La dragonne offusquée déposa les brindilles dans le cercle, se coucha derrière sa dragonnière et se prépara à allumer le feu en se bloquant une narine d'un doigt.

- Attend, attend! s'écria Arièlla en balançant ses bras comme une folle. Je veux allumer le feu.

Harath baissa la patte et se mit à rigoler. Son rire était bien plus imposant que joyeux ce qui rendit Shalith mal à l'aise avant qu'elle ne comprenne que son intention était innocente.

- Tu vas encore faire ta frimeuse? questionna la dragonne de sa voix caverneuse.

- Arrête un peu, répliqua Arièlla qui s'était positionnée devant le cercle de roches. C'est de la bonne pratique! Toi, tu es une dragonne donc, ton talent est tout au naturel.

Harath s'éclata de rire. Sa queue épaisse fouetta dans le vide, éventuellement endommageant le saule pleureur de Shalith. C'était un acte d'horreur pour la dragonne noire au bord d'une crise de rage qui grinça des dents et qui plantait ses griffes dans le sol. Serfantor posa une main sur sa patte en espérant qu'elle ne succomberait pas à ses instincts sauvages. Jamais il n'avait vu Harath aussi énergétisée; elle était normalement plutôt sérieuse.

Heureusement, la dragonne aux écailles rubis se calma rapidement et recommença à se moquer de sa dragonnière:

- Allez championne, montre-nous donc ce que tu peux faire.

Arièlla s'assura qu'elle était bien solide sur ses jambes et avança une main, mais rien ne se produit.

- Harath! s'exclama-t-elle. Le feu... Tu sais, je ne peux pas le chier du néant.

- Et moi qui avais si espoir en toi, répliqua la dragonne en roulant les yeux.

- Allez, sois sérieuse!

Arièlla n'eut pas besoin de se répéter; sa compagne souffla une flammèche de sa narine que la dragonnière se mit immédiatement à manœuvrer avec des mouvements secs et agressifs. La flamme flotta jusqu'au centre des roches et embrasa les brindilles instantanément. Arièlla relâcha la flamme et inspecta son travail en s'accroupissant.

- Je crois que c'est en plein dans le mil, affirma-t-elle.

À cet instant, quelque chose décliqua en Serfantor. Il ne savait pas si ce n'était que l'effet de la lueur brune de la lune et de la luminosité du feu, mais soudainement, Arièlla paraissait encore plus vivante qu'auparavant comme si elle rayonnait. Il avait toujours vu cette vivacité chez elle, mais ça n'avait jamais été comme en ce moment. Il sentit le sang monter à ses joues alors qu'il admira la splendide jeune femme qu'il avait devant lui. Une petite secousse provenant du ventre de Shalith le fit revenir à la réalité. Il haussa les yeux et remarqua qu'il y avait quelque chose d'anormal chez elle, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Avait-elle remarqué qu'il trouvait soudainement la demie-elfe de son goût? Il se rendit compte de ce qu'il venait de lui passer par la tête. Ça confirmait bien qu'il avait éprouvé une attirance pour Arièlla il y avait un instant de cela.

« Qu'est-ce qui se passe? songea-t-il avec une légère panique. Pourquoi maintenant? »

Arièlla se pencha vers l'arrière contre le ventre d'Harath en s'appuyant la tête avec ses mains, donnant un sourire malicieux à la dragonne. Elle semblait si heureuse et en parfaitement acceptation avec elle-même.

Cette fois, Serfantor sentit la pointe de ses oreilles surchauffer. Il détourna le regard en espérant qu'elle l'ignorait pendant qu'il retrouve son sang-froid.

- Tu es beaucoup plus agréable en tête à tête, commenta Arièlla. On devrait se faire des petites soirées comme ça plus souvent.

Sa franchise fit rougir l'elfe gris encore plus. Mais que se passait-il si soudainement? Il ne perdait jamais le contrôle comme ça. Dans tous les cas, il avait été sauvé par le manque de vision nocturne d'Arièlla grâce à son sang humain. Elle ne s'en rendrait probablement pas compte. Les yeux humains étaient inutiles dans le moindre ombre.

- Oui, répondit-il tout simplement en espérant qu'elle l'oublierait.

Shalith s'agita à nouveau. Cette fois, Serfantor suivit son regard. Elle fixait Harath qui semblait aussi énervé qu'elle. Les deux dragonnes avaient comme un éclat dans leurs yeux. Harath sortit momentanément sa longue langue et Shalith l'imita. Les deux semblaient d'accord à propos de quelque chose.

- Qu'est-ce qui se passe? questionna Arièlla qui avait aussi remarqué que sa compagne agissait étrangement.

Serfantor compris soudainement la situation. Shalith avait fait part de son attirance pour la demie-elfe à Harath.

- Rien du tout, dit-il impulsivement.

Il se rendit compte que cela n'allait qu'empirer la situation, soulevant la curiosité d'Arièlla.

- Ce garçon désire engendrer tes dragonneaux, lâcha Harath avec une franchise qui frappa Serfantor comme une tonne de briques. Je ne suis pas convaincue qu'il te convienne, mais on verra.

Le silence qui suivit fut très long et embarrassant.

Finalement, Shalith s'impatienta et annonça qu'elle avait faim et sommeil. Arièlla et Harath décidèrent de rester près du feu.

- On remettra ça à une autre fois? demanda Arièlla.

- Bien sûr, répondit Serfantor maladroitement.

L'elfe gris grimpa sur le dos de sa dragonne et s'accrocha à un piquant. Il évita le regard de sa coéquipière de skotar alors que Shalith se dépêcha de décoller.

Une fois assez loin pour qu'ils ne puissent pas les entendre, Shalith prit la parole:

- Quel idiot tu peux être. Tu as complètement ruiné ta chance de l'impressionner avant ton hésitation. Il fallait que je t'aide alors j'ai inventé des excuses pour qu'on sorte de là.

- Tu penses que je vais me...me...

- Oui t'accoupler avec elle, finit-elle sèchement. Pourquoi pas? Vous feriez des œufs dignes ensembles.

- Pourquoi vous faites ça? C'est gênant.

- Tu sais, on ne veut que le bien pour nos dragonniers. On désire que vous vous trouviez un partenaire adéquat et ce, même si Harath m'irrite. La jeune humanoïde compense par contre.

- Tu crois vraiment que...?

- Oui, je le vois bien. D'ailleurs, Harath m'a confirmé qu'Arièlla t'a toujours un peu trouvé de son goût, mais qu'elle n'avait jamais rien fait de plus à ce sujet.

Serfantor resta bouche-bée, embarrassé.

- Allons, réplique au moins, insista Shalith.

- Et Merryn elle? questionna l'elfe gris.

- Ce n'était pas destiné à arriver et tu as fait une bonne action pour elle. Tu devrais peut-être songer à essayer de connaître Arièlla. Tu as besoin d'un partenaire de vie. Ça te ferait du bien.

- Mais tu détestes Harath. Elle te rend folle.

- Oh tu sais, soupira Shalith. Ça va me forcer à développer ma patience et mes compétences sociales. C'est d'accord tant qu'elle ne bousille pas mon saule pleureur. Tsk... Les sacrifices que je fais pour ta sale carcasse.

- Que vous êtes étranges... Mais bon, rien n'est assuré. Ne t'y fais pas à cette idée. Les relations humanoïdes ça ne marche pas comme les vôtres.

- Rien n'est assuré jusqu'ici, répliqua-t-elle avec un air coquin. On verra demain.

À ce moment, Serfantor oublia tous ces soucis. Il avait la possibilité de se trouver une amoureuse et il avait une dragonne comme partenaire. Il leva les yeux et le laissa bercer par ses rêveries alors qu'il observait la lune briller de son brun réconfortant.

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