29 - Conte de fée et queue tordue
Jour inconnu de la saison du soleil 2448
- C'est impossible! hurla Argent à bout de souffle. Ça ne peut pas être vrai. Je ne suis pas supposée être capable de les voir...
Devant elle, debout là-bas dans le corridor du palais qu'elle appelait son chez soi, un jeune homme à la peau pâle l'observait curieusement. Celui-ci sourit légèrement, révélant une canine pointue. Sa longue queue noire dont le bout était touffu pendant jusqu'au sol et s'enroulait tel un serpent autour de son mollet. C'est exactement comme Argent soupçonnait: il n'était pas humain ni d'origine elfique.
- Un mauvais esprit, dit-elle les lèvres tremblantes. Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais chez moi?
Un mauvais esprit était un mauvais esprit. Il ne fallait jamais prendre de chances avec eux, qu'importe leur physique. Celui-ci était plutôt court, pas plus que 5 pieds de haut. On aurait pu le confondre pour un elfe lunaire à première vu en cause de ses oreilles pointues, mais avec une observation plus attentionnée, on pouvait distinguer une différence de forme subtile, un peu comme si elles avaient été cassées et guéris. De plus, il avait une corpulence svelte donc, il ne devait pas être très bon combattant. Bien qu'elle fût une femme, Argent se sentait confiance qu'elle aurait gagné un duel contre ce type s'il avait été mortel. D'ailleurs, il avait un accoutrement plutôt étrange, mais élégant. Argent aimait bien son long manteau noir au col haut. Il était ouvert et révélait une tunique foncée et un pendentif dont le symbole paraissait lugubre qui était attaché à une longue chaine fine.
- Oh si, je suis un mauvais esprit, ricana-t-il avec malveillance. Je vais te dévorer comme... comme... Outch!
Étrangement, l'esprit perdit sa concentration et son sérieux. À présent, il se frottait la tête comme s'il avait reçu un coup, mais personne d'autre n'était présent.
- Ça va, ça va, radota-t-il. Tu n'es vraiment pas amusant.
Il tenta de peigner sa chevelure noire en bataille qui cascadait jusqu'à la mâchoire avec ses doigts, mais ses efforts furent furtifs. Les mèches rebelles refusaient de s'aplatir.
Puis, Argent ouvrit les yeux et une nouvelle réalité lui fut présenté: la vraie situation dans laquelle elle était coincée. Au début, elle ne vit que le paysage qui l'entourait, soit une humble forêt avec des grands champignons bleus et rouges qu'elle ne reconnaissait pas. Les deux soleils se faisaient hauts dans le ciel donc, il devait être à peu près temps de dîner. Parlant de nourriture, Argent sentit son ventre gargouiller.
- Qu'est-ce qui se passe? marmonna-t-elle en clignant ses yeux fatigués.
Un homme musclé la portait sur son épaule comme un sac de patates. Maintenant, elle se souvenait de ce qui s'était passé. Elle était captive d'une bande de barbares qui désiraient copuler et engendrer des enfants avec elle. Répugnée, elle se débattit en vain. La poigne de son porteur était bien trop solide. Le mauvais esprit qu'elle avait vu dans ses rêves n'avaient plus d'importance à présent. Si elle ne s'évadait pas rapidement, elle se retrouverait enceinte et obligée à élever des petits barbares à en devenir.
- Pas confortable? demanda le barbare d'un ton obtus comme s'il s'exprimait avec difficulté.
- Pas vraiment, murmura Argent.
L'homme fit un mouvement brusque de l'épaule en tentant de déplacer Argent dans l'espoir de lui accorder un peu d'aise. Par contre, tout ce que cela accomplit fut de lui obliger à respirer le visage écrasé contre son épaulière de cuir et de fourrure sale. Elle leva la tête et expira longuement.
- On va être à la maison bientôt, lui assura le barbare. Tu va voir, c'est beau. D'abord, il faut gagner un peu d'argent.
Argent s'imagina une petite tente rudimentaire fait de peaux d'animaux supportée par des longues bûches. Elle essaya de se débattre une nouvelle fois encore sans succès. Elle détestait jouer les demoiselles en détresses, mais c'était semblait-il sa dernière solution.
- À l'aide! hurla-t-elle.
- Non, il ne faut pas, dit doucement le barbare. Le chef du raid ne va pas être content.
- Raid?
- Oui! s'exclama l'homme trapu avec énergie. Ça va être amusant. Nous allons piller le prochain village et prendre leurs femmes car, nous en avons besoin. As-tu déjà pillé un établissement?
Le pauvre... Argent se rendit compte qu'il n'était effectivement pas très brillant et qu'il ne savait pas faire la différence entre le bien et le mal. Tout ce qu'il savait c'est ce qu'on lui avait appris depuis sa naissance. Heureusement, il semblait posséder une personnalité affectueuse. D'ailleurs, il traitait déjà Argent comme si elle l'une des leurs. Décidément, il devait être naïf aussi. Peut-être pourrait-elle le convaincre de la laisser partir ou de se retourner contre son chef de raid. Parlant de tout ça, elle ne savait pas pour combien de temps elle était restée inconsciente. D'ailleurs, une partie de sa mémoire la défaillait. Comment avait-elle été assommée?
Un deuxième barbare, cette-fois une femme, lui donna une petite tape sur son autre épaule et lui lança un regard froid. Celle-ci possédait un éclat plus vif dans ses yeux. Elle était plus intelligente que son compatriote.
- Fait attention à ce que tu lui dis, grogna-t-elle. Elle n'a pas été apprivoiser. Tu la bien choisit. C'est une guerrière et elle farouche. Elle ne va pas être facile à amadouer.
Argent se sentait comme un cheval sauvage que des éleveurs venaient de capturer. Elle observa la nouvelle venue. Celle-ci avait une longue chevelure rousse décoiffée et un visage sombre avec quelques taches de rousseurs. Ses dents étaient toutes intactes, mais elles étaient jaunes et sales. C'était probablement le mieux que l'on pouvait espérer venant de ces gens. Comme la plupart des autres barbares, elle portait une armure légère de cuir et de fourrure et traînait sur son dos une immense hache de guerre. Pour une femme, elle était en forme physiquement. On pouvait aisément reconnaître qu'elle s'était probablement entraînée longuement et durement pour être accepté dans ce raid parmi les hommes. Sur ce côté, Argent compatissait car, elle comprenait le sentiment.
- Le chef de raid l'a rejeté en fin de compte, dit l'homme. Je ne comprenais pas pourquoi. Elle est jolie et forte!
- Tu es un peu lent parfois Bautog.
- Désolé Gwenda, murmura le dénommé Bautog.
- Au moins, tu es l'un des guerriers les plus efficace que nous ayons. Bon, je te laisse en tête-à-tête avec ta nouvelle conquête.
Elle s'élança en direction du début de la file, sûrement pour reporter sa conversation avec Bautog au chef de raid. Bautog allait probablement être punit pour sa naïveté plus tard.
- Tu sais Bautog, tu vas probablement te faire gronder lorsqu'on sera arrêté.
- Comment ça? questionna Bautog avec surprise. Bautog se comporte bien.
- En effet, en effet. Tu es un grand homme avec un bon cœur.
Elle détestait utiliser la manipulation, surtout sur un être si innocent, mais elle ne voyait aucune autre issue. Elle déglutit et approcha son visage de l'oreille du colosse.
- Est-ce que tu es bien traiter avec eux? chuchota-t-elle. D'après ce que je vois, tu essayes tout simplement d'être une bonne personne et pour cela, tu vas te faire disputer. Ça ne semble pas juste à mes yeux.
- Bautog ne pense pas que le chef de raid va faire ça. Bautog fait confiance...
Malgré les mots de Bautog, celui-ci semblait convaincu. Il se mordillait la lèvre inférieure, signe de stresse. Argent savait qu'elle était sur la bonne voie et se prépara à continuer alors qu'un sifflement attira l'attention de tout le monde. Immédiatement, Bautog s'arrêta net et leva les yeux vers l'avant.
- On prend une pause, annonça le chef de raid. Vous avez quinze minutes pour vous rafraîchir puis, on continue la marche.
Il fit volte-face, sa longue cape en fourrure endommagé par ce qui semblait être des griffes virevoltant dans ses mouvements brusques, et pointa en direction de Bautog et d'Argent.
- Vous deux, venez avec moi.
- Oui, Chef de Raid Tharulkon, dit Bautog avec une foi qui attristait sincèrement Argent car elle savait ce que Tharulkon allait lui dire.
Tharulkon guida Bautog à l'écart des autres membres du groupe, près d'un grand arbre et d'un champignon bleu phosphorescent aussi grand qu'un homme. Même les spores du végétal coloré étaient incroyablement éclatantes. Argent n'avait jamais rien vu de pareil. Il était impossible qu'elle soit encore dans Daigorn; peut-être était-elle dans un territoire elfique. Elle avait entendu des rumeurs venantes de Buhrik que la présence des elfes à long terme transformait la nature autour d'eux en correspondance avec leur mode de vie. Par exemple, le territoire des elfes gris était plutôt stérile, avec peu d'arbres et était coincée dans une nuit éternelle. Donc, Argent en conclut qu'elle n'était pas là. La forêt autour d'elle était florissante, mystique, presque magique. C'était tellement beau qu'elle sentit une larme se former au coin de son oeil et elle se sentit soudainement attirée par le mystère de la faune.
- Alors, commença Tharulkon en s'adossant contre le champignon qui vira à une teinte rougeâtre à son contact. J'ai entendu dire que tu t'entends à merveille avec ta nouvelle campagne, Bautog.
- Elle est gentille, confirma le colosse aux petits yeux bleus remplis d'affection.
Le visage du chef de raid se tordit avec dégoût et il posa une main sur le champignon ce qui provoqua encore le végétal. Ce dernier frémit légèrement et libéra plusieurs spores qui infesta l'air aux alentours.
- Inacceptable! aboya Tharulkon avec rage. Elle est une intruse, espèce d'idiot.
Immédiatement, la réaction de Bautog fut évidente. Il baissa son regard, honteux d'avoir déçu son supérieur. Pendant que Tharulkon continuait de l'abaisser, Argent garda son attention fixée sur les spores qui se répandaient autour de l'oppresseur. Elle sourit lorsque celui-ci toussota. Il continua son discours, complètement ignorant de sa situation dangereuse. À ce point, Bautog tremblait comme s'il essayait de ne pas pleurer.
- Elle n'est rien de plus qu'une truie qui va te servir de contenant pour faire pousser tes enfants! Rappelle-toi bien de cela. Tu ne peux pas lui faire confiance. Tu ne peux pas partager nos plans avec elle. Réalises-tu le danger que ça pourrait causer?
On dirait qu'il allait continuer de gueuler, mais il toussa, plus profondément cette-fois. Lorsqu'il se rétablit, il remarqua enfin les petites particules bleutées qui flottait autour de sa tête et s'écarta avec panique.
- Tu n'as rien dit, beugla-t-il, son visage pourpre de colère. Cela est une tentative d'assassinat indirecte!
Sur le coup, Argent imaginait mal Tharulkon vaincre Bautog en combat. Il avait une carrure moyennement costaude et le colosse... eh bien... c'était une bête humaine. Ce dernier était trois fois plus large que son chef. Elle n'était donc pas inquiète pour le gentil géant.
- Quoi? dit Bautog avec incompréhension. Je n'ai jamais désiré que...
- Menteur! Maintenant, tu vas payer avec ta vie!
Il agrippa sa gigantesque hache de guerre et s'élança vers Bautog. Le colosse déposa Argent en s'assurant qu'elle était en dehors du nuage de spores, se tourna vers son chef et haussa les bras en signe d'abandon. Clairement, il ne mentait pas. D'ailleurs, il ne devait pas avoir assez de jugeote pour penser à ce genre de trahison.
- Chef! pleurnicha-t-il. Croyez-moi! Je n'ais jamais voulut votre mort!
Tharulkon s'en foutait ; il ne ralentit pas sa course. Perdu dans sa soif de sang, il leva ses bras et se prépara à balancer l'arme de toute ses forces. Argent ordonna à son corps de fermer les yeux, assuré que le colosse n'allait pas se défendre et mourir, mais elle resta figer sur la scène.
- Zril, ne fait pas ça! hurla un homme qu'Argent ne reconnaissait pas.
Soudainement, Tharulkon perdit son équilibre et fut projeté en plein dans le champignon qui devint aussi rouge que du sang au contact avec l'humain. Le végétal frémit agressivement et libéra un deuxième nuage de spores qui se joignit au précédent.
Le hurlement désespéré de Tharulkon ainsi que le rire démoniaque du dénommé Zril résonnèrent au travers de la forêt.
- Chef! rugit Bautog.
Argent agrippa la main du colosse qui était sur le point de se suicider à essayer de sauver son chef.
- N'y va pas, dit-elle. C'est trop tard pour lui.
Quelques instants plus tard, Tharulkon se mit à se tortiller et trembler. Ses convulsions s'aggravèrent rapidement et enfin, il s'immobilisa, mort étendu sur le l'herbe. Entretemps, un deuxième jeune homme sortit de sa cachette et rejoignit Zril. Il paraissait choquer comme la situation le dépassait.
- Frère... Non...
Zril cligna des yeux et leva son poing dans les airs comme s'il se préparait à défendre ses actions en grondant son frère.
- Tu as tué mon chef! beugla Bautog en lança un regard noir à Zril. Tu vas payé de ta vie!
- Hé, je t'ai sauvé le gros, rétorqua Zril.
Bautog s'avança tel un bœuf agité près à commencer une débandade à un seul individu. Sous le poids de ses pas, le sol tremblait.
- Zril! appela le deuxième inconnu.
Celui-ci poussa son frère hors du chemin alors que Bautog se mit à charger tête première en sa direction. Heureusement, personne ne fut dans blesser. Enfin, sauf la queue de Zril qui s'était fait piétiner par Bautog. Le dénommé Zril hurla et s'agrippa la queue pour la caresser en tentant d'atténuer la douleur.
- La queue ?! dit Argent tout haut, complètement choquée par sa découverte.
- La queue ! beugla le frère de Zril dramatiquement.
Il accourut vers Zril et tenta de lui prendre sa queue pour la cacher, mais son frère se débattit.
- J'ai mal, espèce de connard! grogna Zril avec rogne. Arrête!
- De toute façon, c'est trop tard, dit son frère avec abandon. Nous sommes découverts.
- Ce n'est pas la fin du monde, tu sais.
Enfin, Argent reconnut cette queue, ce visage, ces canines anormalement longues et pointues...
- Toi! s'exclama-t-elle en pointant Zril du doigt. Tu étais dans mes rêves.
- Prit sur le fait, ricana Zril avec un sourire innocent.
- Je t'avais dit de ne pas jouer les morveux, lui rappela son frère.
- Laisse-moi m'amuser un peu Shinko. Nous sommes ce que nous sommes, après tout. Et... Ma queue est tordue!
Il leva sa queue qui avait en effet été tordue par le poids immense de Bautog. D'ailleurs, le colosse s'était presque cogné dans un arbre. Il se retourna lentement et étrangement, il avait perdu toute trace de colère.
- Je ne sais plus quoi faire, avoua-t-il en reniflant. Je suis une honte. Les miens ne m'accepteront pas. Je n'ai pas pu sauver mon chef. J'aurai dû mourir à sa place pour lui apporter la paix intérieur qu'il méritait.
- Bah, il était un sale connard, dit Zril un peu trop ouvertement. C'est pour ça que je l'ai tuer. En plus, c'était hilarant! Je lui ais donner un coup de pied au cul et il a revoler dans le champignon vénéneux.
Argent et Shinko secouèrent la tête en signe de désaccord. Au moins le deuxième frère agissait un peu plus noblement.
- C'était un coup bas, reprocha Shinko. Que tu peux être idiot. Tu nous mets constamment en danger. Il est plus prudent que notre identité reste anonyme. Comment va-t-on expliquer ta queue à ces humains maintenant? Ein?
- Bah, on leur dit la vérité! s'exclama Zril. Je veux dire... Le gros est un peu stupide, mais ils ont tous les deux bons cœurs de ce que j'ai pu voir. De plus, être en compagnie d'humains va rendre notre quête beaucoup plus facile, non?
- Il est hors de question! aboya Shinko avec irritation. Je ne sais même pas quoi faire de notre situation courante. Nous n'étions pas supposés révéler notre identité!
Un long pleurnichement retentit. Bautog était accroupie à côté du corps de son chef et se mit à bafouiller des excuses comme si le corps pouvait l'entendre. Heureusement, le champignon s'était calmé, avait retrouvé sa teinte bleue et les spores avaient disparus. Shinko croisa les bras et accorda un regard répréhensif à son frère.
- Je sais, je sais, marmonna Zril.
Il s'accroupit à côté de Bautog et passa un bras autour des épaules du colosse qui était toujours en train de murmurer incompréhensiblement. Il était si petit à côté de lui qu'on dirait qu'il était un gamin de quatorze ans avec un corps et un visage mature. Ses bras n'étaient pas assez longs pour se rendre jusqu'à l'épaule opposée de lui.
- Tu es plein d'émotions, dit-il comme si c'était supposé être un compliment.
- Zril, grogna Shinko.
- T'es vraiment rabat joie, se plaignit Zril à son frère avant de tourner son attention vers Bautog. Je crois qu'on devrait tous voyager ensembles!
- Quoi !? beugla Shinko. Absolument p...
- Tut tut frère, coupa Zril. Ne désirais-tu pas un peu de diplomatie avec les humains? Bah, voilà! J'essaie de nous trouver des amis.
- Bautog n'a plus rien, dit le colosse en prenant affectueusement la main de son chef dans la sienne. Le code d'honneur... C'est le pire déshonneur de laisser mourir ton chef sous ta garde!
- Bah, voilà! Viens avec nous! Et toi...
Il fixa son attention vers Argent qui était toujours sous le choc des événements. Elle ne savait vraiment pas quoi penser de ces créatures étranges. Zril et Shinko se ressemblaient beaucoup physiquement. Shinko avait un visage un peu plus jeune, mais il était légèrement plus grand. Elle assuma qu'il devait posséder une queue lui aussi, mais celle-ci était cachée, probablement dans ses culottes.
- De ce que j'ai compris, tu étais la prisonnière de ces barbares, continua Zril. Alors... Vien avec nous! On pourrait t'aider à retrouver tes proches. On ferait d'excellents compagnons de route.
- Ummm... je ne sais pas, dit Argent.
- On ne mord pas.
- Mmm.. Je dois avouer que je ne connais pas cette région...
- Où sont tes proches?
- Ma famille est... à Elthen. On voyageait à la capitale provenant de Daigorn quand nous avons été séparés.
Argent sentit soudainement un nœud se former dans sa gorge. Dans un sens, elle mentait, mais elle avait un devoir envers Kiojar malgré que ce n'était pas la joie parfaite qui l'attendait à sa nouvelle maison. Le prince avait été clément et doux envers elle et elle l'appréciait grandement. Son honneur ne lui permit pas de l'abandonner ainsi. De plus, si elle s'était enfuie, elle ne pourrait jamais revoir sa famille car, elle aurait été renié et rejeté.
- Et toi, gros lard, continua Zril en s'adressant maintenant à Bautog. Tu viens avec nous? C'est mieux que de rester avec tes abuseurs, nah?
- Bautog protège Argent, dit le colosse avec détermination. C'est la seule chose qui me reste!
Argent réalisa que Bautog pensait probablement que lui et elle allait quand-même être un couple et qu'ils allaient procréer. Il allait bien falloir qu'elle lui fasse comprendre qu'il n'y avait rien entre eux.
- Bon, c'est décidé! annonça Zril. On fait demi-tour et on part pour la capitale d'Elthen! J'ai toujours voulu la visiter de toute façon.
- Attend un instant, ordonna Shinko qui paraissait très mécontent. Que fais-tu de nos plans?
- L'aventure cher frère, l'aventure, dit Zril. Notre plan est... bah, pour être franc, il me lasse. Il y a des manières bien plus amusantes d'atteindre nos buts.
Shinko grogna et après un long moment de déni, il accepta la situation.
- Foo! hurla Zril soudainement.
- Foo...? questionna Argent en haussant un sourcil.
- C'est le dernier membre du groupe et mon meilleur ami. Allez Foo, montre ta sale carcasse!
Soudainement, un hurlement qui ressemblait étrangement à un celui d'un loup, mais aussi à un feulement de félin glaça le sang d'Argent. Elle scruta ses alentours pour une arme, et remarqua la hache de guerre de Tharulkon. Elle semblait assez grosse pour décapiter un cheval, alors elle ferait l'affaire si le besoin survenait.
Des pas firent trembler la terre légèrement. Quoi que Foo fût, il était gros. Alors qu'elle aperçut une paire d'yeux bleu givré scintiller dans l'ombre d'un buisson géant, Argent déglutit avec difficulté et se prépara à riposter à une attaque. Une grosse créature à quatre pattes sauta et atterrit directement à côté des frères qui ne réagirent pas comme si c'était un événement banal.
- Je vous présente Fooros, dit Zril. Foo, voici nos nouveaux compagnons de route Argent et... et...
- Bautog, termina le colosse avec un sourire. Quel beau chien!
Fooros émit une sorte d'aboiement en guise de salutation et s'assit, réclamant des caresses à la tête de son maître. Il devait être assez robuste pour porter les deux frères considérant qu'ils ne faisaient qu'aux alentours de cinq pieds en hauteur. Honnêtement, Argent ne pouvait pas dire si Fooros était un canidé ou un félidé. Il semblait un parfait hybride des deux types. Il possédait des longues oreilles flexibles et pointues qui tombaient vers l'arrière lorsque celui courait, deux canines supérieures qui émergeaient devant sa mâchoire inférieure, une fourrure plus longue au cou, sur les côtés de son visage, au sommet de sa tête allant jusqu'au milieu de son ventre et à la queue, des grosses pattes griffues, un nez foncé de chien et une épaisse queue qui faisait la même taille que le reste de son corps, ainsi doublant la longueur totale de l'animal. Malgré son physique imposant, son expression faciale brillait de bien-être. Il devait être bien traité et heureux.
- Par Elysia, comment avez-vous réussi à dissimuler cette créature? questionna Argent.
Elle désirait toucher et même flatter Fooros. Sa fourrure lisse et gris-bleu foncé lui rappelait de sa couverture en soie. Il semblait si doux, mais elle n'osa pas lui manquer de respect, alors elle n'approcha pas.
- Il manipule l'ombre alors, c'est assez facile pour lui, expliqua Zril.
Argent se sentit soudainement très mal à l'aise. Les prêtres et les guides spirituels enseignaient à leur peuple de se tenir loin de ceux qui contrôlent l'ombre, car ils sont associés avec le dieu des ténèbres Noktow et n'attirent que du tracas. Par contre, cette espèce de loup-félin semblait loin de correspondre à cette description. Il était présentement entrain de lécher le visage de Zril et balançait sa queue gaiement.
- D'où vient-il? demanda Argent. Je n'en n'ai jamais entendu parler.
- Des landes grises, répliqua Shinko qui semblait tout aussi stressé qu'elle.
- Comme nous! s'exclama Zril en rigolant entre les coups de langues de Fooros.
- Frère! Un peu de retenu! Ces gens sont toujours des étrangers pour nous.
Argent resta bouche-bée à cette révélation. Ce n'était pas possible. Les landes grises... Les légendaires landes grises dont personne ne revenait et où des créatures hors de ce monde rôdaient. C'était comme si on compte de fées venaient de se manifester devant elle.
- Quoi? questionna Zril qui avait remarqué qu'elle les fixait.
- Bah... c'est tellement... incroyable... que vous existez, expliqua-t-elle en cherchant ses mots.
- Vous les humains, vous êtes coincés dans votre propre petit monde. La plupart d'entre vous ne savez même pas que vos voisins sont des elfes. Vous êtes tellement égocentriques et aveugles. Aerinda est bien plus intéressants et grands que vous le croyez! Vous n'y connaissez rien à vos compatriotes Aerindiens et peut-être avec raison!
- Que veux-tu dire? Si j'aurai su que vous existiez, j'aurai été très intéressé à en savoir plus.
- Oh, mais je crois que tu le savais inconsciemment. Nous sommes toujours aux alentours, cachés ou encore, dans vos livres. Contrairement à vous, plusieurs autres races sont curieux et aiment apprendre. Nous vous observons et parfois, nous faisons passer pour l'un des vôtres. Nous ne sommes pas des créatures de contes de fées et de légendes pour faire peur à vos enfants! Heheheh.
À la mention de livres et de contes de fées, Argent eut une vision de du vieillard qui lui avait vendu un livre rempli d'informations suspicieuses à propos de ce qu'elle croyait être le manuscrit d'un excellent conte. En effet, elle s'en était servi pour effrayer ses jeunes sœurs, mais au plus profond d'elle-même, elle avait toujours eu un doute sur sa véracité. Peut-être que cet homme qu'elle avait rencontré au marché n'était pas humain... peut-être désirait-il éduquer un humain qu'il croyait digne de confiance. Elle ne découvrirait probablement jamais la vérité.
- D'habitude, on n'agit comme ça que si on a des intentions malicieuses comme une invasion, mentionna Argent en tentant de faire parler les frères un peu plus à propos de leur peuple.
- Pah! Vous êtes tellement paranoïaques et violents.
- Alors, pourquoi interagissez-vous pas avec nous? rétorqua Argent qui commençait à sentir sa patience diminuée.
- Parce que vous êtes une race jeune et en pleine croissance, expliqua Shinko avec sagesse et patience. Vous n'êtes jamais satisfaits et autodestructifs. Notre peuple croit que notre révélation à la race humaine nous apporterait destruction et guerre.
Argent cligna et repensa aux histoires que son père lui avait raconté et aux évènements récents de sa vie. Il y avait tant de guerres, de conflits, de guerres civiles, de meurtres et de trahisons. Tout ce que les humains, particulièrement les plus importants désiraient était la richesse et le pouvoir.
- Vous avez raison, avoua-t-elle à contrecœur. Mais, nous ne sommes pas tous comme ça.
- Bah, on vous fait confiance, dit Zril. À son certain degré... Si quelque chose ne va pas, bah, Foo vous dévora.
Shinko roula les yeux et soupira.
- Mon grand frère Zril n'est pas toujours le meilleur exemple du peuple assukar. Par contre, je vous demanderai à toi et à Bautog de ne pas révéler notre identité. Certains d'entre vous... ne réagissent pas bien à ce choc.
- Et on aimerait bien rester vivant, ricana Zril.
- Quoi assukar? questionna Bautog.
- C'est ce que nous sommes, gros lard, grogna Zril avec impatience.
- Vraiment, j'aurai cru que Shinko serait le plus âgé des deux, commenta Argent avec une légère pointe de moquerie. Physiquement et mentalement.
- D'accord, d'accord, dit Zril. Je m'excuse, Bautog.
- Le premier soleil commence à tomber, informa Shinko en observant le ciel. Il va falloir trouver un endroit où dormir.
- Yahooo! s'écria Zril avec excitement. Il doit y avoir un village ou une ville à proximité. J'ai besoin de me faire soigner la queue aussi. Rahhh... Bon, Foo, à toi de jouer!
Fooros leva la queue et les oreilles puis, il se mit à renifler. Décidément, il possédait le flair d'un chien. Il tourna autour du groupe de compagnons quelques fois avant de s'arrêter sur une piste.
- Il va falloir ralentir notre cadence si on veut que nos deux humains puissent nous suivre, se moqua Zril alors qu'il enfourcha le loup-félin.
- Tu es si malpoli frère, grogna Shinko alors qu'il s'installa derrière son frère sur le dos de Fooros.
- Tu sais bien que je taquine. Allez, Foo! Tout doux, par contre!
Fooros débuta sa marche, balançant la queue joyeusement. Argent décida de laisser la hache de guerre de Tharulkon derrière par respect pour Bautog. D'ailleurs, elle remarqua que le colosse s'était accroupi près de son défunt chef et parut bouleversé.
- Ça va aller, lui assura Argent en posant une main sur sa grosse épaule solide. Tu ne seras pas seul dans ton deuil.
- C'est vrai, dit Bautog en reniflant.
- Viens, il est temps de partir, dit Argent avec douceur. Et, je t'assure que tu te sentiras mieux avec le temps.
- Merci, belle fleur blanche.
Il se leva et accompagna Argent pour rattraper les deux frères assukars qui avaient déjà pris un peu d'avance. La brunette devina que Bautog l'avait surnommé belle fleur blanche en cause qu'elle était originaire de Daigorn, mais comment avait-il eut cette information?
- Pourquoi ce surnom?
- Ta peau clair et ta beauté... Tu ne peux pas être originaire d'Elthen. Alors... J'imagine que tu dois être du royaume de cette fleur blanche.
- Aspérule, corrigea Argent en souriant. Et, tu as raison. Bien vue, Bautog.
Le colosse lui rendit son sourire. Il paraissait sincère ce qui était rassurant. Son cœur commençait déjà à guérir.
En parlant d'aspérule, Argent se demanda comment allait sa famille, incluant Azéna. Elle regrettait amèrement de ne pas avoir été là pour son départ à l'académie.
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