32 - La Caille et les Voyous
11e jour de la saison de la mort 2448
Cela faisait maintenant deux pleines journées que l'escouade des Ombres Passagères marchait qu'avec un bref répit de quelques heures par nuit. Les chevaux comme leurs cavaliers étaient épuisés et assoiffés. Heureusement, ils avaient rencontré un marchand voyageur en chemin qui vendait des gourdes d'eau à des prix scandaleux. Il pouvait le faire puisque c'était littéralement une question de vie ou de mort dans cet environnement désertique.
- Merci pour votre business, avait chantonner le marchand barbu. J'en ai assez pour une soirée avec la plus magnifique des femmes dans une auberge de luxe!
- Regarder une bonne partie de notre budget partir avec cet homme me donne des frissons, avoua Sanah. C'est répugnant.
- Pas le choix, dit Morcan avec un sourire en coin. Le désert est vraiment cruel en ce temps de l'année.
- Par cela, tu veux dire qu'il l'est en permanence, pas vrai? taquina la jeune elfe.
- Roh, ça va, ça va, ronchonna l'élémentaliste en évitant Sanah du regard, évidemment frustré.
Encore une fois, Azéna dut se retenir pour ne pas trop boire. Elle était habituée à une source illimitée de nourriture et de rafraîchissements et elle éprouvait de la difficulté à se contrôler. Elle soupira et détourna la tête lorsqu'elle entendit le bruit constant et familier d'ailes battantes au loin. Tyrath était encore venu jeter un coup d'œil sur elle. Il était visiblement inquiet. Comme l'avait ordonné Capitaine Ruvior, il resta à l'écart. Azéna ne pouvait distinguer qu'un point avec une longue queue qui en dépassait. Elle lui présenta un petit sourire même si elle était consciente que son compagnon écaillé ne le verrait pas.
- Ce qu'il est surprotecteur le petit, mentionna Sanah qui observait le drake argenté elle aussi.
La première réplique qui vint à l'esprit d'Azéna fut que Morcan en faisant autant pour l'herboriste, mais elle ne contente d'acquiescer en silence. L'énergie lui manquait et elle ne désirait pas répondre verbalement. Au lieu, pour se changer les idées, elle continua de songer à la fameuse sérénade qui racontait une partie du passé de Reaginn. Malgré les informations additionnelles qui lui avait été partagé, cet homme restait un mystère à ces yeux. Elle se demandait si la sérénade était vraie, peut-être était-elle partiellement fausse... Qui l'avait écrite et pourquoi? Sanah et Morcan n'en avait aucune idée. Ce qui lui trottait le plus dans la tête était si la vie du rôdeur était si triste que dans la sérénade. Apparemment, c'était une chanson assez populaire dans les tavernes, mais l'identité de l'assassin en question n'était connue que par quelques rares personnes. Toute cette histoire la bouleversait légèrement et c'est à ce moment qu'elle réalisa qu'elle s'était un peu attachée à son capitaine. Il était énervant et était très maladroit lorsque ça venait à socialiser certes, mais dans le fond, malgré son choix de techniques, il semblait garder de bonnes intentions.
✦×✦
Quelques heures s'écoulèrent et l'escouade était environs à une demi-journée de marche de Myssa, la petite ville qu'ils cherchaient à atteindre. Azéna avait hâte de voir ce que lui réservait la culture des enfants la Coupe Dorée. Elle était inquiète pour sa grande sœur qu'elle aimait tant. Certes, le roi Lôre et son fils Kiojar semblaient respectables et tout, mais elle ne pouvait s'empêcher de se méfier. Allaient-ils réellement prendre soin d'Argent? Elle était forte, mais elle ne pouvait pas lutter contre un royaume entier. Azéna l'aurait quand-même fait. Vaut mieux mourir libre que vivre enchaînée. À cette pensée, elle pouvait presque entendre Argent rouspéter qu'elle était imprudente. Dans le fond, elle se demandait si elle serait réellement heureuse avec Kiojar. Elle faillit laisser un soupire d'échapper de ses lèvres, mais une silhouette qui passa dans le coin de sa vision attira son attention.
Reaginn avait sauté en bas de sa monture et s'était mis en position défensive face à une nouvelle présence, une dague dans chaque main.
- Qui êtes-vous? interrogea-t-il d'un ton froid.
La nouvelle venue indiqua à sa monture d'avancer, mais le capitaine la menaça avec ses armes alors, elle arrêta son troxx nette qui grogna en réponse au tir brusque sur ses rênes. Celle-ci était clairement humaine. Elle était une jeune adulte, avait la chevelure raide et de couleur sable, des yeux ambre, la peau bronzée, elle était courte et elle possédait un physique moyennement athlétique qui suggérait qu'elle s'entraînait au moins aux quelques jours. D'ailleurs, elle ne portait pas grand-chose ce qui gêna légèrement Azéna. Son corps n'était caché que par une courte jupe, des bottes de cuir et un chandail sans manches qui révélait ses épaules et un décolleté provoquant. Heureusement, sa poitrine n'était pas très généreuse.
- Étrange... un troxx dans le royaume d'Elthen, mentionna Sanah.
- Oh s't'un cadeau que m'a fait un ami elfe de longue date, expliqua l'étrangère. J'sais... sont rares dans le coin et d'toute façon, normalement les humains ne les aiment pas... Sont trop difficiles d'caractère, m'ouais Hortis?
Azéna faillit éclater de rire lorsqu'elle révéla le prénom du prédateur bipède. D'ailleurs, Hortis siffla, clairement mécontent avec la situation.
- Pauvre troxx, dit Sanah. Tu aurais pu lui trouver un nom un peu plus... féroce...
L'herboriste avait volé les mots de la bouche d'Azéna. Encore une fois, l'archère dut cacher ses émotions, mais elle ne put empêcher un sourire en coin.
- Ça suffit, grogna Reaginn. Répondez à ma question... qui êtes-vous? Vous avez un physique typique d'une Elthiènne donc, je suppose que vous êtes de la région. Mais...
Azéna savait que le fait que cette dame possédait un troxx lui était très suspicieux. Les troxxs étaient les montures terrestres préférées des elfes gris et des elfes des bois et justement, leurs cibles étaient de ces races.
- Hortis, j'sais, ricana l'intruse nonchalamment. C'est très étrange, j'l'avoue. J'vous jure que ça fait des années qu'il est mon loyal compagnon. J'l'adore... Vous voyez, les troxxs sont si à l'aise dans l'sable à comparer à un cheval. C'est tellement pratique. En plus, ils n'se déshydrate pas aussi rapidement. Lorsque j'ai rencontré c't'ami elfique dont j'vous parle, il 'vait bien sur un troxx comme monture et j'l'ai remarqué immédiatement et j'en voulais un alors, i'm'en à ramener un.
Reaginn se faisait impatient et ça se voyait dans son visage. Il serra les gardes de ses dagues et plissa les yeux.
- Hon, tout doux, tout doux, dit-elle en balançant ses mains comme si elle essayait de prouver qu'elle venait en paix. J'm'appelle Vërena et j'ai grandis à Myssa. D'ailleurs, j'désirais vous escorter là-bas.
Reaginn pinça les lèvres, clairement pas convaincu par l'histoire de Vërena.
- J'ai d'l'eau! s'exclama-t-elle en désignant les quelques gourdes qui pendaient des deux côtés d'Hortis. Vous avez sûrement soif j'imagine.
Encore pas de réaction du capitaine. Maintenant, c'était Azéna qui se faisait impatiente. Elle était en effet assoiffée.
« Mais qu'est-ce qu'il veut de plus, le mec? songea-t-elle Vërena nous offre une escorte, de l'eau gratuite, elle paraît amicale et... elle est mignonne d'ailleurs.... Juste un peu. Son accent est un peu... je ne sais pas... il est à la fois énervant et exotique... Mais qu'est-ce que je raconte là? Je me parle toute seule dans ma tête... »
- J'suis pas armée...? continua Vërena avec confusion.
- Ça ne me dit toujours pas qu'est-ce que vous faites ici et pourquoi désirez-vous nous aider, expliqua Reaginn. Allez, parlez.
Hortis agita la tête et se déplaça de l'autre côté du groupe contre le gré de sa cavalière qui tentait tant bien que mal de le contrôler. Il siffla lorsqu'elle tira sur ses rênes et ignora son ordre. Au lieu, il baissa son long cou au sol et se mit à déchiqueter une vieille carcasse à moitié séchée d'un petit animal quelconque qui n'était plus reconnaissable.
- Hortis! beugla Vërena. Un peu d'politesse devan'nos invités!
Une grosse veine saillait maintenant de la tempe droite du capitaine qui semblait être sur le point de perdre sa raison. Décidément, Vërena savait exactement comment jouer avec sa patience.
Sanah et Morcan s'échangèrent un regard dominé par un malaise évident. De son côté, Azéna admirait silencieusement le dos bien défini de Vërena et espérait qu'elle ne réussisse pas à contrôler sa monture de sitôt. Malheureusement pour elle, sa vision de beauté ne dura pas très longtemps. Le troxx avait dévorer son repas en quelques instants et avait fait volte-face.
- S'pas trop tôt, marmonna Vërena. S'que t'es impoli!
Elle sourit, satisfaite de Hortis et lui flatta le flanc puis, le sommet de la tête où une petite touffe de plumes orange ressortait contre la couleur terne de ses écailles. Azéna porta plus attention à la créature et l'identifia comme étant un troxx magny. Il était petit, peut-être la hauteur d'un adulte humain de taille moyenne et possédait une griffe rétractable à chaque pied. Sur le coup, Azéna se rappela les paroles de Leith qu'un troxx magny ne pourrait pas porter un humain adulte, mais Vërena semblait légère. Probablement que Hortis pouvait la soutenir, mais ça devait être sa limite, expliquant possiblement pourquoi il a un tempérament si bête.
- Bon, alors voilà... J'suis venue vous offrir mon aide, car j'suis une éclaireuse de Myssa. Not' populace fait beaucoup d'argent avec l'visiteurs et nous tenons à leur confort alors... voilà.
Agacé par la répétition de mots, Reaginn grimaça légèrement.
- Je vois, dit Morcan en se grattant le menton. L'hospitalité est importante pour vous.
- Exactement, confirma Vërena. En plus, j'peux vous offrir un billet pour un repas gratuit à la Caille et les Voyous.
- De quoi?
- Oh désolé. J'oublie qu'vous êtes pas d'ici. St'une taverne en gros...
Après un instant de silence de la part de ses interlocuteurs, elle continua, craignant qu'elle ne se fût pas fait comprendre:
- Restaurant... et hébergement... sous un même toit!
Elle s'efforçait à paraître excitée à propos de cette taverne, mais Azéna détecta de la nervosité derrière son masque. Peut-être était-elle tout simplement fatiguée. Ça devait être long patrouiller toute la journée dans ce désert sauvage.
Toujours pas de réponse. Azéna, Morcan, Sanah et Baldur attendait visiblement la décision de leur capitaine.
- Bon ça va, allons-y, annonça Reaginn avec irritation en rangeant enfin ses dagues.
L'escouade se mit en marche, laissant Azéna traîner derrière. Elle ne désirait pas d'interaction pour le moment. Elle était préoccupée avec ses pensées. Vërena semblait bien s'intégrer; elle discutait avec Morcan et Sanah tout le long de la route jusqu'à ce qu'elle ralentisse pour s'arrêta à la droite d'Azéna. Cette dernière ne l'avait même pas remarqué.
- T'as soif? demanda-t-elle alors qu'elle lui tendit une gourde d'eau remplis de liquide.
L'archère sursauta et cligna des yeux en évaluant sa situation. Après un moment, elle hocha de la tête et accepta l'offre de Vërena en réalisant qu'elle était la seule qui n'avait pas touchée à l'eau. Cette dernière était chaude, mais la gorge de l'adolescente la remercia quand-même. Entre deux gorgées, elle sentit un mouvement près de sa ceinture. Instinctivement, elle agrippa avec la fluidité de son héritage elfique. Lorsqu'elle serra sa pogne, elle reconnue la forme distinctive d'une main féminine. Sur le coup, elle en conclut que Vërena avait essayé de lui voler quelque chose ou encore... de la toucher? Non, la deuxième option était impossible.
- Désolé, murmura l'éclaireuse.
Azéna baissa le regard et se rendit compte que la jeune femme était en train de passer un parchemin scellé, sûrement un message, dans l'un des passants de sa ceinture. Vërena lui fit signe de garder cela un secret et ordonna à Hortis de s'avancer. Azéna dut mettre sa curiosité de côté et attendre d'avoir un peu de privé pour lire le message. Elle posa discrètement le parchemin dans son sac à dos et sombra dans ses songes à nouveau.
✦×✦
Une fois à Myssa, Azéna ne put s'empêcher de s'élancer dans la verdure. Elle s'étendit sur l'herbe fraîche et poussa un long soupir de soulagement. Sanah et Morcan se préparèrent à la rejoindre quand ils furent interrompus par un capitaine malpatient:
- Nous avons affaire à la taverne, rouspéta-t-il les bras croisés.
- D'accord, grommela Sanah.
Vërena poussa un petit rire à la vue d'Azéna qui se roula quelques fois avant de se lever pour rejoindre son escouade. L'adolescente retira ses bottes et marcha nue pieds en évitant les parties plus rocheuses du sol qui était parfois couvert d'herbe et parfois de sable. C'était une région très unique; on aurait dit une espèce d'hybride entre un désert et un champ.
Au centre de Myssa, il y avait une oasis à l'eau clair dans laquelle quelques enfants jouaient entourée de quelques palmiers et de cactus. C'était vraiment beau. Azéna avait envie d'y rester pendant au moins quelques jours, mais elle réalisa rapidement qu'elle n'était pas ici pour des vacances, mais pour une raison bien plus sombre.
- Tu as envie de te baigner, n'est-ce pas? remarqua Sanah.
- M'ou...ouais, hésita-t-elle en jetant un coup d'œil en direction de Reaginn.
- Ne t'inquiètes pas, il est distrait. Et... J'ai très envie moi aussi... de plonger dans cette oasis. Mais bon, ça n'arrivera pas avec monsieur grognon.
Les deux femmes ricanèrent.
- L'eau d'l'oasis est comestible, informa Vërena. Par contre, on demande aux gens de n'pas la boire sauf lorsqu'il pleut pour s'assurer qu'elle n's'assèche pas.
L'éclaireuse guida l'escouade jusqu'à la fameuse taverne dénommée la Caille et les Voyous. C'était sans hésitation l'endroit le plus bruyant et peuplé du village. D'ailleurs, c'était aussi le bâtiment le plus large et le plus sophistiqué. Chaque habitation était à peu près du même style: bâtis avec des briques dorées aux toits carrés avec plusieurs étages au lieu d'être conçues sur la longueur ce qui était le contraire du style de Daigorn.
Azéna remarqua immédiatement la ressemblance de Vërena avec la plupart des habitants de Myssa. Ils étaient tous athlétiques, à la peau bronzée et aux cheveux sable ce qui indiquait leur nature de travailleur discipliné et sa suggérait qu'ils passaient beaucoup de temps sous les soleils. Honnêtement, Azéna les trouvaient magnifiques. Ils paraissaient pour la plupart d'entre eux très joviales. Ils riaient et se taquinaient tout en s'attardant à leurs tâches quotidiennes. Elle remarqua aussi qu'ils avaient tous le même accent que la jeune guide; soit très rural et décontracté.
- Fait attention à ton sac, lui dit Reaginn. Tu es trop distraite.
« Il est paranoïaque le mec, songea Azéna. »
Elle ronchonna et obéit à contrecœur. Il était difficile d'être alerte entourer de ces gens qui paraissaient être en mode vacances en permanence. Azéna aurait mieux aimée se concentrer sur le paysage et sur l'absorption de tout ce bonheur.
- Un peti'lézard en brochette à l'ail? demanda un marchand lorsqu'elle passa devant son kiosk. C'est la spécialité d'Myssa!
- Oh, je n'ai pas de monnaie, avoua Azéna en souriant jaune.
- L'premier est gratuit! Tiens, m'petite demoiselle!
Alors que le grand homme barbu lui tendit le lézard quasi-brûlé fiché sur un bout de bois, Azéna sentit le regard intimidant de Reaginn derrière sa tête. Elle agrippa son encas et rattrapa l'escouade qui avait continué d'avancer sans elle.
- 'Tention aux peti'os, avertit le marchand alors qu'elle s'éloignait.
- Petit os..., répéta Azéna en observant le lézard. Pouaahh!
Dégoutée, elle l'offrit à Hortis qui avala son offrande d'un trait, y compris le bois. En s'excitant, le troxx avait failli renverser sa cavalière.
- Hortis! grogna Vërena. Ralalala, t'sais que t'ne peux pas manger de bois! Tu ne le digères pas! Et après s'moi qui doit ramasser ta merde! Elle est infernale quand t'manges pas bien!
Hortis ronronna et balança sa queue dans tous les sens, ignorant sa maîtresse comme à son habitude.
- Oh j'abandonne, se plaignit Vërena.
- Errr désolée, dit Azéna, un peu embarrassée par son action impulsive. Je ne pensais pas qu'il allait s'agiter comme ça...
- T'ne pouvais pas savoir, grommela Vërena. S't'un fou celui-là! Il l'adore les lézards... En fait, n'importe quelle nourriture tant que c'est d'la viande.
Azéna ne pouvait s'empêcher de se demander si Hortis n'était pas un peu lent. Après tout, les troxx magnys sont supposément de féroces créatures extrêmement difficiles à apprivoiser.
- Bah Hortis lui va bien en fin de compte, lança Sanah.
- Exactement, rigola Vërena. Ah, nous voilà!
Elle désigna la gigantesque taverne des bras et dans ses yeux, on pouvait apercevoir une lueur de fierté. La Caille et les Voyous était sûrement leur plus grand prodige. D'après ce qu'Azéna avait compris, c'était aussi une importante source de revenue, faisant assurément rouler leur économie locale. L'archère remarqua qu'au-dessus des deux portes d'entrées battantes, il y avait un drapeau beige avec le dessin d'une caille dansante et des deux Eltheriens aux allures louches et aux dents croches. Ce logo donnait à la taverne une première impression amicale d'après Azéna. Cette dernière pouvait déjà apercevoir plusieurs têtes à l'intérieur dans l'espace entre les portes et l'encadrement.
- Alors, suiv'moi à l'intérieur, invita Vërena. Lyruh va s'occuper d'vos montures.
Un homme, sûrement le dénommé Lyruh, approcha. Vërena sauta en bas de Hortis et tendit ses rênes à nouveau venues. Reaginn imita l'éclaireuse et fit signe à son escouade de faire de même.
Vërena poussa les portes et se rendit au bar derrière lequel un homme qui paraissait au début de la trentaine l'accueillit chaleureusement avec un bref câlin qu'il exécuta en se penchant par-dessus le meuble qui les séparait.
- T'nous as trouvé des invités! s'exclama-t-il avec un sourire jovial. Approchez, approchez!
- Comme d'hab, l'repas gratuit, mentionna Vërena.
- Ben sûr, rétorqua le barman.
Une fois installé à une grande table carrée, l'escouade se mit à discuter de leur situation. Depuis leur arrivé, Azéna se sentait curieusement observée, mais elle n'arrivait pas à cerner qui lui portait une telle attention. De plus, Reaginn l'avait sévèrement averti de ne pas causer de difficultés alors, même si elle trouvait, elle n'aurait pas pu réagir. Vërena de son côté, s'était assurée qu'ils étaient bien nourris et s'était excusé qu'elle avait du boulot à continuer.
Sous la table, Azéna en profita pour jeter un coup d'œil au fameux parchemin que l'éclaireuse lui avait filé en douce. Malheureusement pour elle, ses mouvements forcés laissaient paraître sa nervosité.
- Qu'est-ce que tu fais? questionna Reaginn qui remarqua immédiatement qu'Azéna agissait hors de la norme.
- R-rien du tout, mentit-t-elle en abandonnant sa mission. Je dois aller au petit coin, c'est tout. C'est gênant...
- Si tu n'es pas de retour dans dix minutes, j'envoie Sanah, avertit le capitaine.
- Très bien.
Elle se faufila dans une foule d'Eltheriens et de voyageurs dont au moins la moitié étaient ivres. L'un d'entre eux perdit son équilibre et faillit tomber sur Azéna qui passait derrière lui. Heureusement, son compagnon agrippa sa longue cape et tira jusqu'à ce qu'il retrouve son sens de coordination.
- 'Tention mec, ronchonna le sauveteur. T'as faillis écrapoutir la p'tite dame.
La petite dame... Azéna fit la moue, se disant qu'elle n'était pas si petite que ça et continua son chemin jusqu'au toilette publique en ronchonnant des jurons. Enfin voir le message que Vërena lui avait donné lui apportait un grand bonheur ce qui lui fit rapidement oublier ses complexes. La salle de bain était vide, alors elle ne prit pas la peine de positionner de façon plus subtile. Dans un coin, elle remarqua une affiche sur laquelle était mis en vedette le visage rayonnant d'une jeune femme dont la longue chevelure châtaine était décorée de billes de différentes couleurs. Sous celle-ci, on pouvait lire:
DEMAIN SOIR VENEZ ÉCOUTER LA FAMEUSE BARDE TRISH ICI MÊME À LA CALLE ET LES VOYOUS! APRÈS SA PERFORMANCE, ELLE SERA DISPONIBLE POUR QUELQUES LECTURES AUX CARTES DE THALIC! NE RÂTEZ PAS CETTE CHANCE UNIQUE!
Honnêtement, Azéna n'était pas intéressée. Elle se doutait bien que cette cartomancienne devait raconter n'importe quoi pour se faire un peu de profit. Rejetant cette pensée, elle passa droit à l'action, déroula le parchemin qu'elle avait caché dans son sac à dos et se mit à le lire:
Nous nous sommes rencontrés à multiple reprises. Je ne suis pas très aimé de tes compagnons, alors je te pris de ne pas essayer de m'identifier à eux. La porteuse de ce message ne me connaît pas non plus. Mes intentions sont simples: t'aider. Ainsi, je vais te partager le dernier endroit où j'ai aperçu Umah et sa dragonne Yuzia. Afin de m'assurer que ce message rejoint bien sa destinataire, je désire te rencontrer cette nuit lorsque la lune sera haute dans le ciel derrière la taverne la Caille et les Voyous. Je t'en prie, viens seule. Si tu ne te sens pas à l'aise ce qui serait compréhensible, demande à ton drake de rester proche.
À bientôt
Sur le coup, Azéna avait une idée de qui était l'auteur de ce message: cette espèce de créature ailée qui ne faisait que la suivre partout. Celui-ci avait raison: elle ne se sentait pas en sécurité de le rencontrer seul. Alors, elle allait appeler Tyrath; elle était confiante qu'avec lui, même si tout ceci était un piège, qu'elle serait capable de s'enfuir.
- Tyrath te pulvérisera s'il le faut, marmonna-t-elle pour elle-même.
Elle planifia de s'échapper de sa chambre qu'elle était supposée partager avec Sanah lorsque celle-ci serait profondément endormie. Elle avait remarqué durant leur voyage que l'herboriste prenait du temps à s'endormir, mais qu'une fois dans le monde des rêves, qu'elle était difficile à réveiller ce qui était idéal.
À présent, il fallait tout simplement attendre l'opportunité. Malgré qu'elle se sente confiante à propos de son plan, elle sentit un malaise et baissa le regard pour remarquer que ses mains étaient légèrement tremblantes. Décidément, elle était stressée.
- Ça va aller, c'est pour le bien de la mission, se dit-elle.
Elle un instant, incertaine de pourquoi elle était si engagée à cette mission. Après tout, Umah n'était pas son ami, ni même une connaissance. Il lui avait causé beaucoup de mal, à elle et à d'autre dragonniers. Elle observa sa réflexion dans un grand miroir suspendu au mur face aux toilettes. Elle discerna immédiatement la vérité dans ses propres émotions: elle le faisait pour Fayne, sa grande amie de toujours et celle qui, pour une raison que l'archère n'arrivait pas à saisir, était attachée à cet elfe des bois. Elle n'était pas jalouse de ce sentiment romantique, mais sa dévotion à Fayne la poussait à tenter de retrouver Umah même si elle n'approuvait pas.
- Merde, jura-t-elle en repoussant l'envi soudaine de balancer un poing sur un mur. Fayne, tu es une sotte quand ça vient à la romance et à tes putains d'elfes des bois.
Elle jeta le message dans une poubelle et la cacha avec quelques papiers hygiéniques, puis elle retourna à la table où ses compagnons l'attendaient avec leurs repas fraîchement servis.
- Te voilà enfin, grogna Reaginn alors qu'il enfonça sa fourchette dans un morceau de poulet avec presque de l'élégance.
- Oh arrête un peu, lança Sanah avant de se tourner vers l'adolescente. On t'as commandé un bon steak et des légumes.
Azéna s'assied, fixa son regard sur son plat et sentit de la bave se former dans sa bouche. Elle avait tellement faim et n'avait pas manger un bon repas depuis quelques jours. La soupe en boîte de conserve de Reaginn n'était pas fameuse, surtout lorsqu'elle était froide.
- Ouaiiiss!! Merci beaucoup. Les légumes ne sont pas mes préférés, mais vous avez eut raison sur le steak!
- Je sais. Reaginn nous as fait la suggestion du steak et j'ai opté pour des légumes puisque tu as besoin de nutriments.
Azéna se sentit soudainement gênée. Reaginn portait plus attention à ces apprentis qu'elle ne le pensait. Elle était honnêtement surprise qu'il connaisse ses préférences alimentaires. Elle resta bouche-bée pendant un long moment, incertaine de comment réagir à la tentative de gentillesse de son capitaine. Finalement, Sanah lui donna un petit coup de coude et désigna le rôdeur des yeux.
- Merci Capitaine Ruvior, s'efforça Azéna à dire.
Reaginn lui accorda un bref hochement de tête, l'unique signal qu'il avait accepté son remerciement.
Azéna se détacha de son sentiment de malaise et se concentra à dévorer son repas. Normalement, elle n'aurait pas toucher aux légumes, mais elle était si heureuse de ne pas manger de soupe froide qu'elle ne s'en plaignit pas.
En plein cœur du repas, une troupe de chevaliers à l'armure de plaques dorée entrèrent brusquement dans la taverne. Ils avaient tous un physique classique d'Elthen ainsi que la masse musculaire d'un gorille, particulièrement celui qui menait le groupe; sûrement leur chef. D'ailleurs, celui-ci fit signe à ses subordonnés de se dispersés et il se rendit au bar pour discuter avec Vërena qui avait remplacé le jeune homme. Décidément, elle devait avoir deux emplois.
L'un des chevaliers se rendit à la table de l'escouade d'Azéna. Immédiatement, elle sentit Sanah se raidir et posa une main près de son couteau de table. Baldur ne lâcha pas le nouveau venu du regard comme le forçait son devoir de garde du corps. Morcan continua tout simplement de siroter sa soupe aux champignons. Reaginn posa sa fourchette à côté de son assiette à moitié vide et fixa le guerrier d'Elthen droit dans les yeux.
- Bonne après-midi à vous Sir.
- Vous de même, répliqua le chevalier. Excusez mon intrusion, mais nous recherchons des voleurs de montures qui ont causé du dommage à quelques habitations dans les parages. On pense qu'ils vont s'arrêter à Myssa prochainement. Savez-vous quoi que ce soit à ce sujet?
Son parler était clair et bien plus propre que celui des Myssiens, suggérant qu'il n'était pas originaire du village, mais sûrement de la capitale. Il paraissait calme à la surface, mais Azéna remarqua qu'il laissait subtilement paraître qu'il était tendu; il avait laissé sa main gauche errer aux alentours de son épée suggérant qu'il allait possiblement s'en servir. Pensait-il que Reaginn et son escouade étaient suspicieux?
- Rien du tout, dit Reaginn après un moment de réflexion. Désolé. Nous venons tout simplement d'arriver et nous ne sommes pas familier avec Myssa et ses habitants.
- Vous en êtes certain? questionna le chevalier. Révéler leur identité serait en votre intérêt.
Azéna se doutait bien que Reaginn devait avoir associé ces vols avec le Sang du Dragon. Mais pourquoi être suspicieux d'eux si aisément ? Les autres chevaliers n'étaient pas très insistants avec les voyageurs.
Azéna remarqua la veine du capitaine qui commençait à bomber, révélant son tic lorsqu'il devenait impatient. Malgré tout, il garda un ton serein et mielleux.
- Si nous avions des informations à ce sujet, nous vous en ferrions part. Afin de mieux vous aider, pourriez-vous nous décrire ces voleurs afin que nous puissions vous assister?
Le chevalier réfléchit pendant un moment, incertain de s'il devait répondre ou pas.
- Les détails nous manquent, mais plusieurs témoins prétendent avoir aperçus un énorme monstre ailé à proximité lorsque les crimes ont eu lieu.
À cet instant, Azéna comprenait maintenant pourquoi ils étaient des suspects. Tyrath était venu s'assurer que tout allait bien à multiples reprises durant leur voyage. Il avait sûrement été aperçu de quelqu'un. Par contre, le dragon que les chevaliers recherchaient était sûrement Yuzia.
« Serait-ce Vërena? se questionna Azéna. De toute façon, il faut que je vienne en aide à Reaginn. »
Alors que le capitaine ouvrit la bouche pour répondre, il fut coupé par l'apprentie dragonnière:
- Vous n'avez pas à vous inquiéter. Nous sommes innocents, je vous l'assure.
La mâchoire de Reaginn se raidit et une goutte de sueur se forma près de sa grosse veine violacée. Azéna savait que si elle ne choisissait pas les bons mots qu'elle allait se faire sévèrement punir. Son cœur se mit à battre plus rapidement, mais elle garda son sang-froid.
- Et quelles preuves apportez-vous? demanda le chevalier qui demeura sérieux.
Soudainement, quelque chose passa entre les jambes d'Azéna. L'adolescente poussa un cri étouffé de peur et baissa le regard. Là, devant elle, sous la table, était une sorte de petit oiseau brun.
- Mais qu'est-ce que c'est? questionna-t-elle.
Elle tendit la main et l'oiseau tenta de la mordre. Instinctivement, elle faillit lui donner un coup de pied.
- Que se passe-t-il? questionna le chevalier.
- Je ne sais pas trop, avoua Azéna. Il y a un petit oiseau là.
Vërena arriva en douce et prit la canaille dans ses bras.
- Excusez-moi, dit-elle, ses joues rosées par l'embarras. C'est l'mascotte d'la taverne. Est parfois vicieuse.
- Vous avez une vraie caille ici? questionna Sanah, soudainement énergétisée par sa nouvelle découverte.
- M'ouais, répliqua Vërena avec un sourire forcé. Désolé, j'dois retourner à mon travail. Encore désolé... Kana est vraiment vilaine quand a veut.
- Kana, répéta Azéna, abasourdie par le prénom de l'oiseau et par le simple fait qu'elle était la mascotte de la place. Bah, par la Mère Aspérule Blanche...
Elle se sentit observée et tourna son attention vers le chevalier qui semblait très impatient.
- Parlez, mademoiselle. Je vois que vous provenez de Daigorn.
Les dernières paroles du chevalier donnèrent une idée à Azéna et ne tarda pas à l'utiliser à son avantage.
- Si, je suis Daigorniènne. Par contre, je suis une apprentie dragonnière voyez-vous. C'est sûrement mon dragon que vous avez aperçu.
Le visage de Reaginn, de Sanah et de Morcan pâlit à cette révélation. L'élémentaliste faillit s'étouffer avec sa soupe, mais Sanah lui donna une bonne tape dans le dos et il s'en remit. Le chevalier de son côté, avait agripper solidement la garde de son épée. Baldur l'avait imité et paru presque ravis par la possibilité d'un peu d'action.
- Expliquez-vous ! ordonna le guerrier sévèrement.
- Nous sommes en mission, continua Azéna, légèrement paniquée. Nous recherchons des filous et ils détiennent un dragon, eux aussi. Peut-être que nous pourrions faire équipe.
Les traits faciaux du chevalier s'accentuèrent. Il n'allait pas se montrer coopérant, alors Azéna recouru à sa nouvelle idée. Malheureusement, elle commençait à sentir sa patience tirer à sa fin.
- Hé oh, je suis la jeune sœur de Dame Argent de la maison Kindirah. Sûrement, vous devez avoir entendu parler de moi, sinon au moins d'Argent. Vous ne pouvez pas être si lent que ça quand-même...
Le chevalier se détendit et soupira longuement comme s'il venait de réaliser à quel point il avait été bête.
- Chevelure argenté à un jeune âge, des yeux d'un bleu pétillant, une attitude de cochon et une apprentie dragonnière... Vous êtes certainement Azéna.
- Comment ça une attitude de cochon !? s'énerva soudainement l'archère.
Reaginn avait levé un bras et avait ouvert la bouche comme s'il allait protester, mais il ne fit que soupirer et détendit son membre.
- C'est ainsi qu'on vous décrit, Dame Kindirah, continua le chevalier.
- Ça ne m'étonne même pas, ronchonna Azéna. Putain, mon père adoptif peut vraiment être une ordure parfois.
Elle fixa le chevalier avec intensité pour s'assurer qu'il comprenne bien ses prochaines paroles:
- Alors, nous sommes innocents, pas vrai?
- Bien sûr, Dame Kindirah. C'est sans aucun doute.
- Ça c'est un bon garçon, lança Azéna entre deux bouchées de steak. S'il y a bien une caille dans cet établissement, ça prend des voyous aussi et ça, c'est toi et bande d'idiots. Maintenant, va jouer ailleurs.
Le chevalier écarquilla les yeux, incertain de comment il devait réagir. Le reste de l'escouade était tout aussi choqué que lui.
- Hé, attend un instant... comment va Argent? questionna Azéna qui se dit qu'elle pourrait en profiter pour avoir des nouvelles de sa sœur.
- Elle... Elle..
Pour une raison quelconque, le chevalier hésitait. Azéna se forçait à ne pas rire. La situation était très ironique. Qu'était-il arrivé au chevalier si rigoureux d'il y a un instant? Maintenant qu'il savait qu'Azéna était issue d'une famille noble et qu'elle avait un lien de parenté avec sa future reine, il n'était plus qu'un agneau en face d'un grand méchant loup et Azéna allait en abuser au maximum pour obtenir ce qu'elle désirait.
- Elle quoi? insista l'archère après avoir avalée un morceau de viande tout rond.
Entretemps, un deuxième chevalier se plaça à côté du premier et resta silencieux. Azéna ne lui porta aucune attention et attendit une réponse de son interlocuteur.
- En fait, nous ne savons pas... Notre capitaine nous as dit qu'elle a disparue.
- Quoi? beugla Azéna, outrée par cette révélation.
Le deuxième chevalier donna un coup de coude au premier.
- Oh elle est saine et sauve avec le Prince Kiojar, corrigea le premier. Ne vous en faites pas, Dame Kindirah.
- Je désire la voir dans ce cas, dit Azéna qui ne croyait pas à un tel mensonge.
- Euhh... Hé bien... C'est...
- Azéna, ne perd pas notre mission de vue, ordonna Reaginn, sauvant le pauvre chevalier de la colère de l'adolescente. Nous sommes ici pour une raison et nous avons comme obligation de nous en tenir à cela.
À cette vérité, Azéna se sentit impuissante. Elle savait que le rôdeur avait raison. Elle s'était dévouée au code des dragonniers. Le mieux qu'elle puisse faire, c'était de se rassurer en se rappelant que Kiojar et Lôre était en possession de bien assez d'hommes pour retrouver et protéger sa sœur.
- Rah d'accord, d'accord, ronchonna-t-elle en se croisant les bras.
- À présent, c'est moi qui parle, souligna Reaginn.
Azéna compris l'insinuation de son capitaine. Elle faisait du dégât et il voulait qu'elle se taise. Elle grogna, se remit à se goinfrer en ignorant son instinct d'aller au secours de sa sœur ce qui était très difficile.
« Peut-être aurait-du je faire comme ma première idée et fuguer de chez mes parents adoptifs pour devenir complètement indépendante, songea Azéna avec une petite touche de regret. Bah.. Nah, j'aime bien ma nouvelle famille. »
En étant dragonnière, elle s'était forgée des liens encore plus forts que ceux de son passé et elle avait renforcie certaines qui étaient préexistantes. Elle était satisfaite de son choix, juste frustrée en ce moment.
- Que savez-vous à propos des activités de ces brigands? demanda Reaginn de sa voix mielleuse.
Il essayait clairement de paraître amical pour manipuler le chevalier. C'était clair qu'il désirait que des réponses. Ça ne lui prit pas grands efforts pour atteindre son but; le guerrier tomba dans son piège aisément.
- Nous les avons traqués jusqu'à ici en réalité, avoua le guerrier aux longs cheveux sable. Désolé de vous avoir pris pour eux. Les dragons sont rares dans cette région.
- Vous êtes pardonné, dit Reaginn, Votre situation est compréhensible et vous n'avez pas de temps à perdre, tout comme nous d'ailleurs. Nous pourrions nous entre-aider comme mademoiselle Kindirah la si rudement suggérer.
Azéna roule les yeux et prit une longue gorgée d'eau avec laquelle elle faillit s'étouffer. Sanah, comme elle l'avait fait avec Morcan un peu plus tôt, lui donna une tape dans le dos et lui lança un regard surprotecteur de maman poule.
- J'en parlerais avec mon supérieur, mais je ne vois pas pourquoi il refuserait votre aide, répliqua le chevalier.
- Je vais aller avec vous, proposa Reaginn.
Il fit signe à Azéna de rester assise, délaissa son repas et suivis les deux guerriers jusqu'au bar où leur chef était toujours en train de discuter avec Vërena qui essayait tant bien que mal de travailler sans offusquer l'homme.
- Pauvre elle, commenta Azéna. Elle mérite bien mieux que ce porc.
- Comment tu le sais toi? questionna Sanah qui s'intéressa un peu trop à la remarque de l'adolescente, probablement par pure curiosité innocente.
- Hé bien...
Azéna avait parler sans penser encore une fois. Elle ne savait pas trop comment expliquer son raisonnement à Sanah qui était probablement attiré par les grands hommes forts.
- Sanah, ne commence pas, supplia Morcan.
- Tu es si raba..., commença l'herboriste, mais elle ne termina pas sa phrase.
Elle avait probablement réalisé que leur conversation divaguait trop de professionnalisme dont ils étaient supposés faire preuve.
Le silence fut pendant un long moment. Les ricanements des autres clients de la taverne n'étaient plus qu'un son ambiant en arrière-plan à présent. Azéna se préoccupa à terminer son repas ainsi que celui de Morcan qui n'avait pas tout manger le sien.
« Pas étonnant qu'il est si mince, se dit Azéna en faisant référence à l'élémentaliste. »
Ça avait l'air de bien se passé entre Reaginn et le chevalier de tête. Ils discutaient et riaient. Azéna en conclut que leur pacte était déjà formé.
Alors qu'elle prenait une bouchée de soupe aux champignons, elle entendit une voix familière pousser un cri d'angoisse puis, un bang puis, une multitude de soupires choqués. Elle leva la tête et aperçut Vërena qui retirait son poing de la figure du chevalier de tête.
- Qu'est-ce que...? murmura Morcan.
- Une vraie championne, commenta Sanah.
Baldur s'était assuré que son capitaine n'avait rien et détourna son attention vers son repas qu'il mangeait horriblement lentement.
- Ça lui apprendra à ce vieux porc, ricana Azéna. Je paris qu'il est allé trop loin avec le batifolage.
Soudainement, le chevalier de tête agrippa le poignet de Vërena et se mit à hurler:
- Tu sais ce que tu mérites pour avoir attaqué l'un des paladins de Sa Majesté le Roi Brun? Hein, ma pauvre folle?
Azéna se leva d'un bond, sa chaise fut débalancée et tomba au sol.
- Non, mais il est hors de contrôle, lança-t-elle. Il va lui faire du mal. Il n'a aucun droit!
- Azéna, reste ici, lui ordonna Morcan qui paraissait inquiet. Nous ne connaissons pas les lois de ce royaume.
- S'en fout des lois! Regarde comment il l'a traite!
- De plus, nous ne pouvons pas saboter notre alliance avec les che..., continua Morcan, mais Azéna cessa de l'écouter.
Son attention était à présent fixé sur Reaginn. Ce dernier réagit soudainement et avec une fluidité surhumaine: il bloqua le poing du paladin qui était dédié à Vërena en l'agrippant avec sa main et serra. Le paladin, choqué par les actions du rôdeur, ne fut pas assez rapide pour anticiper une deuxième attaque et fut repoussé avec force.
- Bah voilà que s'envolent nos alliés, se moqua Sanah.
- C'est peut-être mieux ainsi, commenta Morcan. Le capitaine n'aime pas les gens.
- Un vrai gentleman dans le fond, notre capitaine.
- Tch....
- Oh, arrête un peu, taquina Sanah avec un sourire.
Morcan roula les yeux et accota sa tête contre sa main et continua d'observer la scène.
- Comment oses-tu? demanda le paladin, outré.
- Je ne suis pas d'Elthen, alors je ne connais pas vos coutumes ni vos lois, souligna Reaginn cette-fois sur un ton intimidant. Mais, mademoiselle Vërena ne mérite pas de se faire traiter comme un vulgaire objet de plaisir.
- Tu payeras...
- N'oubliez pas que je suis dragonnier, Messire Runtran, avertit Reaginn.
Le regard du paladin vacilla de peur et ses traits s'adoucirent. Il ordonna à sa troupe de le suivre et partit en trombe de la taverne.
- Bah qui as causé du trouble en fin de compte? Mentionna Azéna avec fierté. Pas moi pour une fois.
- Tu as faillis, dit Morcan. C'est déjà trop. Ouille!
Aux pieds de l'élémentaliste se trouvait Kana qui lui picorait la jambe. Sanah lui vint en aide et apporta la petite caille à Vërena qui remerciait le capitaine. Ce dernier s'excusa pour les dégâts et fit signa aux autres de le suivre à l'extérieur.
- Je vais aller voir si je peux dénicher une piste qui nous mènerait au Sang du Dragon, annonça-t-il.
- Cette bande de chevaliers ne sont probablement pas des bons traqueurs, souligna Sanah. Je suis certaine que tu verras des indices qu'ils ont négligés.
- Pendant ce temps, vous pouvez investiguer comme bon vous semble. Essayez de ne jamais être seul.
- Oui, chef!
Baldur s'avança vers Reaginn et sembla attendre pour quelque chose.
- Protège le groupe, décida le capitaine. Ils auront besoin de toi.
Baldur acquiesça et se positionna à la droite d'Azéna dans un silence total.
- Je suis assez grande pour m'occuper de moi-même, rouspéta l'archère.
- Mes ordres ne changent pas, continua Reaginn.
Le rôdeur se dirigea vers le désert où il allait entamer son investigation.
Le reste de la journée, l'escouade posèrent des questions au villageois et tentèrent de trouver des indices comme quoi le Sang du Dragon était passé par ici. Étrangement, ils n'avaient rien volés ni attaquer personne. En fait, ils désiraient tout simplement de l'eau et un peu de nourriture qu'ils avaient payés pour obtenir.
- Je ne comprends pas, marmonna Azéna qui était lassée des rayons des deux soleils qui l'aveuglaient.
- C'est comme s'ils ne désiraient pas se faire remarquer, dit Morcan.
- Bah, ça fait du sens, dit Sanah avec un sourire malicieux. À partir d'ici, ils savaient que nous étions à leur trousse. Alors... Ils priorisent la sécurité de leur mission, quoique cela soit. Il ne faut jamais sous-estimer les dragonniers. Ils ne sont pas si lents qu'on le croit.
- Probablement... J'espère que le capitaine a trouvé une piste... La chance n'est pas de notre côté.
Encore une fois, Azéna se sentit observée. Cette-fois, lorsqu'elle se tourna, elle aperçut la silhouette d'une femme svelte dont le visage était masqué par l'ombre de son capuchon. Celle-ci lui fit signe de rester silencieuse à son sujet et disparue dans une ruelle entre deux maisons. Azéna cligna des yeux, incertaine de comment réagir. Mais, ses instincts la guidèrent vers l'obéissance. Se doutant que la dame avait peut-être un lien avec le mystérieux message, elle garderait cela un secret, pour l'instant.
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