35 - Muraille du passé

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9e jour de la saison de la mort 2448

Durant les deux dernières saisons, Serfantor s'était lié d'amitié avec plusieurs autres apprentis dont il y a naguère il croyait qu'une telle chose n'aurait jamais pu se produire. Par contre, il éprouvait toujours de la difficulté à accepter qu'ils étaient maintenant des alliés. Il désirait sincèrement du fond de son cœur éprouver une paix en leur compagnie, mais son premier instinct était la méfiance. Ainsi, il avait gardé une certaine froideur avec ceux-ci. Il n'y avait seulement qu'Arièlla qui avait réussi à le faire sortir un peu plus de sa coquille. Elle l'invitait une fois de temps en temps à prendre l'air dehors tard le soir. Ils devaient parfois se faufiler en douce à leur dortoir car ils violaient le couvre-feu. À ce jour, ils ne s'étaient pas fait prendre grâce à la manipulation de l'ombre de Serfantor. L'elfe gris commençaient à avoir une affinité très développée pour la subtilité ce qui n'était pas étonnant considérant son élément, sa personnalité et la culture dans laquelle il avait grandi.

Ce soir-là, il était au bord du lac avec Shalith qui s'était cachée dans le pauvre saule qui commençait à avoir de la difficulté à l'accommoder car elle ne faisait que grandir. Sa longue queue serpentait en dehors du trou et aurait pu être confondue pour un immense mamba noir, un serpent venimeux et craint.

- Ça semble aller bien entre toi et la petite demi-elfe, siffla-t-elle avec une pointe de taquinerie.

- Arrête, rétorqua l'elfe gris. Toi et Harath, vous êtes positivement affreuses à ce sujet. Qui vous dit que nous sommes intéressés l'un à l'autre?

Shalith renifla à quelques reprises et demeura silencieuse pendant un long moment. Il n'y avait que sa queue qui se balançait sans arrêt. Soit elle était irritée, soit elle était excitée.

- Vous humanoïdes êtes complètement aveugles à vos instincts, dit-elle enfin.

- Que veux-tu dire? questionna l'elfe. Tu me réponds toujours ça, mais tu n'arrives jamais à m'expliquer sa signification.

- C'est impossible à décrire. Il faudrait presque que tu sois dans notre tête pour comprendre. Je suppose que les humanoïdes se sont détachés de leurs racines ancestrales.

Serfantor n'était toujours pas certain de comprendre. Il était au courant de ce qu'il ressentait, mais y avait-il encore plus profond que cela? De toute façon, il n'avait pas le temps de songer à cela. Il avait d'autres préoccupations plus importantes. Ce soir, il devait rencontrer Sir Bregkhon à l'endroit habituel pour un compte-rendu de la situation concernant Azéna et cette plume qui lui empestait la vie. Il était supposé lui enlever la vie et de rapporter cet objet mystérieux à sa mère la Reine. Cette-dernière avait été complètement obsédée par cette plume violette depuis plus d'une année. Il ne l'avait jamais vu aussi fixée sur quelque chose pour aussi longtemps et aussi intensément. Honnêtement, la pensée qu'elle pourrait un jour avoir cet objet entre les mains le rendaient nerveux. Il ne savait pas ce qui se passait exactement, mais il savait que ce n'était pas bon présage. Sa mère cherchait toujours le mal pour ses ennemis et d'après elle, tout ceux qui ne possèdent pas de sang elfe gris le sont.

- Inquiet pour ce soir? devina Shalith.

- Non, mentit Serfantor.

- Bien sûr, répliqua la dragonne en pouffant, libérant un nuage d'ombre qui flotta gracieusement de ses narines vers le ciel étoilée.

Elle ne le croyait pas. C'était inutile de lui mentir; elle le connaissait trop bien puisqu'elle était lié avec lui. Elle pouvait ressentir ses intentions véritables. Elle était très perspicace, contraire à d'autres dragons tel que Tyrath qui était un peu sotte. Malgré cela, l'elfe gris ne pouvait s'empêcher de lui mentir une fois de temps à autre en cause de son instinct qui le poussait à se protéger des autres.

- Tu sais, je commence à apprécier cette grosse grincheuse, mentionna Shalith.

La dragonne ouvrit son unique oeil qui brillait tel une luciole dans la pénombre de l'arbre. Elle observait son interlocuteur avec attention comme si elle cherchait un certain langage corporel; quelque chose en particulier qui serait difficile à cerner.

- Tu parles d'Harath? demanda Serfantor qui demeura calme sans le moindre effort.

- En effet. Elle m'irrite souvent, mais elle a ses qualités qui sont de bons grés dans le fond, un peu comme toi.

Serfantor se surprit à se sentir vulnérable face à la révélation de sa campagne. Dans le fond, il ne savait même pas pourquoi il réagissait de cette façon. Il savait qu'elle le connaissait à fond alors, ce n'était pas une surprise.

- Allez, il te faut des alliés, dit Shalith. Nous ne pouvons pas nous bâtir une muraille, puis agir comme si le monde entier veut nous faire la peau. J'étais comme ça autrefois et ça ne m'a apporté que de la souffrance.

- Je désires entendre l'histoire de ce développement, avoua le dragonnier. Malheureusement, il est temps.

- Bien entendu, siffla Shalith avec contentement. Je serais ravi de tout t'expliquer.

Serfantor fixa la lune gris foncé parmi tant de petits points brillants alimentés par l'espoir. Celle-ci était dépourvue de ses couleurs rayonnantes habituelles. Il s'identifiait à elle en ce moment comme si les étoiles étaient les autres apprentis. Peut-être avait-il le potentiel de retrouver ses teintes lui aussi.

Lorsqu'il détacha son regard du ciel, il remarqua que Shalith n'était plus dans l'arbre et l'attendait silencieusement.

- Désolé, dit-il. J'étais...

- Plongé dans une marée de questionnements, termina la dragonne pour lui. Je sais. Tu penses tellement à ta vie, à ce que tu pourrais accomplir de plus, à ce que tu pourrais faire différemment, à quelles actions prendre... Tout cela n'est pas mauvais, bien sûr. Un jour, le stresse prendra le dessus et j'ai peur de ce que tu deviendras.

- J'en suis conscients. Mes problèmes me rongent à chaque jour. Il nous faut-

- Des solutions et ce, bientôt... Je sais que me rencontrer t'a fait le plus grand des biens puisque tu as enfin trouvé une véritable connexion avec un autre être sur ce monde, mais tu sais autant que moi que ce n'est pas assez. Maintenant, viens. Nous avons une rencontre très importante que j'aimerai de tout mon être qui n'existerait pas.

Shalith avait raison. Elle avait presque toujours raison. Contrairement à lui, elle y voyait plus clair. Lui qui depuis toujours était submergé par sa propre vie. Il se noyait depuis trop longtemps et sa vision était brouillée. Shalith était un peu comme sa lumière, malgré l'ironie de son élément.

De toute façon, il était temps pour eux de partir. Il acquiesça, grimpa sur la maigre jambe de la dragonne puis, il sauta et atterrit sur son garrot. Son poids étant minime dut à son héritage elfique, il ne fut pas surpris qu'elle ne réagisse pas à l'impact. Lentement, il sentit son corps défier la gravité, se dirigeant vers le haut sans efforts alors qu'elle se leva.

Ensembles, ils traversèrent le ciel inaperçus grâce à la noirceur dominante en cette saison à la lune de charbon. Comme durant les multiples fois qu'ils eurent à rencontrer le Heaume Noire, ils se posèrent de l'autre côté du mur qui entourait l'enceinte de l'académie, se retrouvant dans la ville. Cette-fois, Shalith allait assistée à la rencontre malgré l'aversion de la reine à sa présence. Cette année, elle avait un mauvais pressentiment qui refusait de partir. Elle devinait que quelque chose de vil allait bientôt se passer. Ainsi, elle se posa au sommet de la forge d'Atgoren qui était assez large et solide pour l'accueillir sans problème. De là, elle observa Serfantor alors que celui-ci se fraya un chemin derrière le bâtiment jusqu'à un coin sombre qu'aucun humain n'aurait pu discerner dans la pénombre persistante. Shalith le pouvait et elle avait déjà identifier deux présences qui attendaient le dragonnier: une familière et une qui lui était inconnue.

Serfantor entendit la dragonne grogner et il comprit rapidement pourquoi. Devant lui se trouvait celui qu'il recherchait: Sir Bregkhon et un deuxième elfe gris qui portait une longue robe de cérémonie noire aux extrémités décorés de runes étranges. Ce dernier était en fait une femme et dans son visage, on pouvait discerner un sentiment de supériorité. Elle était sûrement en charge. Mais pourquoi était-elle présente? Est-ce que la Reine était en train de perdre patience? Était-elle tout simplement ici pour assurer que Bregkhon accomplit bien son rôle? D'une façon ou d'une autre, ce n'était sûrement pas bon signe.

Il fit une révérence même si cette action le mit mal à l'aise. Pour l'instant, il valait mieux ne pas les provoquer.

- La Reine Son Ombre sera présente ce soir, annonça la femme elfe grise. J'espère pour toi qu'elle sera d'humeur clémente... Il nous a fallut longtemps pour la convaincre de ne pas prendre des mesures extrêmes en ce qui concerne l'objet de ses désirs.

Serfantor n'osa pas la questionner et hocha tout simplement de la tête.

- Comporte-toi bien, lui ordonna Bregkhon d'une voix sévère.

- J'en dirais de même pour toi, trancha la femme en s'adressant à le Heaume Noire. Ne refais pas la même bêtise.

À ces mots, Bregkhon eut le réflexe de porter sa main vers son bras droit comme s'il y avait été blessé. Malheureusement, son corps était dissimulé derrière son armure de plaques noire et Serfantor ne pouvait pas confirmer cette théorie. Décidément, ce dernier commençait à apprécier cette inconnue qu'il suspectait d'être une mage ou une manipulatrice de l'ombre.

D'ailleurs, celle-ci se mit à psalmodier une formule que Serfantor ne comprit pas. Bientôt, elle accumula assez de mana pour accomplir ce qu'elle désirait: la création d'une image fantomatique de la Reine. Elle paraissait bien comme à son habituel avec sa longue robe cramoisie qui étreignait son corps aux courbes généreuses parfaitement. Elle semblait assise, probablement sur son trône, mais l'objet qui la soutenait n'était pas visible comme tout ce qui l'entourait. Elle porta quelque chose à ses lèvres, sûrement une tasse de vin.

- Ma Reine, dit la mage en baissant brièvement le regard.

Les deux hommes s'empressèrent de l'imiter. Eux, par contre, demeurèrent pencher pendant un plus long moment qu'elle, démontrant qu'ils étaient inférieurs à elle.

- Alors, donnez-moi des nouvelles que je vais aimer, ordonna-t-elle en les sondant de ses petits yeux vicieux.

La mage jeta un coup d'œil en direction de son compagnon guerrier et lui fit signe de débuter. Curieusement, elle affichait un sourire en coin qui n'échappa pas à Serfantor. Elle semblait amusée ce qui était mauvais présage. Le prince dut supprimer ses instincts pour ne pas poser sa main sur la dague qui pendait à sa ceinture.

- V-voyez-vous Mon Ombre, commença Bregkhon avec une nervosité qu'il ne réussit pas à dissimuler, nous avons-

Il s'arrêta brusquement. Ses yeux s'écarquillèrent à la vue du visage de la Reine qui semblait en extase comme si... Elle poussa un gémissement qui confirma les doutes de Serfantor. La reine était en train de se délecter de la présence d'un autre homme, probablement pour punir le Heaume Noire de la soi-disant bêtise qu'avait mentionnée la mage. D'ailleurs, celle-ci semblait appréciée ce qui était en train de se passer. Elle avait sûrement été au courant de ce plan du début.

Honnêtement, Serfantor était tellement habitué à ce genre de réaction vil de la part de sa mère qu'il n'éprouva absolument rien sauf de la pitié pour le guerrier face à cette situation gênante. Il attendit tout simplement en silence sans détourner le regard par crainte de provoquer la reine qui était clairement en train de s'amuser.

Au loin, il entendit un grognement de la part de Shalith qui était sûrement déjà à bout de patience avec le comportement disgracieux de la reine.

- Continue ! beugla la mage. La reine attend ton rapport, sale mâle !

Le bas de la robe de la reine venait d'être soulevé par une main qui apparut dans l'image formé par le flux de mana que la mage contrôlait avec aise. Cette main appartenait clairement à un homme. Elle était carrée avec des longs et larges doigts qui se faufilèrent entre les jambes de leur souveraine.

- Vas-y, murmura sensuellement la reine.

Le bras visible débuta un mouvement un de vas et viens qui débuta doucement, mais qui monta en intensité rapidement.

- Ton rapport, dit la mage.

- O-oui, bégaya Bregkhon en avalant avec difficulté. C'est à dire que... Si vous désirez des bonnes nouvelles...

- Allez! hurla la reine avec passion.

Serfantor n'était honnêtement pas certain de si elle avait dit ça à son interlocuteur ou à son amant courant. Bregkhon semblait aussi confus que lui et il se mit à jouer avec ses doigts dans une tentative futile de maîtriser ses émotions.

- L-la plume... Elle est...

Puis, la reine grimaça. Ses membres tremblèrent pendant un long moment pendant lequel personne ne prononça un mot. Elle poussa un long soupirement et repoussa le bras qui la touchait brutalement.

- Demandez à cet infernal prince! se déchaîna Bregkhon qui avait clairement craquer sous la pression. J-je ne sais pas ce qui se passe à ce sujet!

- Je sais, dit la reine sur un ton monotone. Je sais bien.

Évidemment qu'elle était au courant ; elle n'était pas sotte. Elle désirait tout simplement le torturer pour sa bêtise, sachant qu'il éprouvait une grande importance à être son préféré. Pour une fois, Serfantor éprouvait de la pitié pour l'homme qu'il répugnait le plus au monde immédiatement après sa mère bien sûr. Son niveau de dégoût face à sa mère ne faisait qu'accroitre. Elle était tellement immonde, il fallait qu'il lui échappe. Il ne désirait plus la voir, l'entendre ni même savoir qu'elle existe.

- Alors, mon fils, murmura la reine dans un ton sadique, comment te portes-tu?

Serfantor sentit un frisson d'effroi traverser sa colonne vertébrale. Il avait le sentiment que chaque poil de son corps était hérissé, mais il n'en était pas certain. Il n'avait rien de bon à annoncer à sa mère, alors il décida de ne pas s'éterniser.

- Je n'ai pas la plume en ma possession, avoua-t-il.

Immédiatement, la reine fronça les sourcils, clairement mécontente.

- Par contre, continua-t-il avant qu'elle ne puisse répliquer, je suis en train de me rapprocher de sa porteuse.

- De la manipulation, mon fils? questionna-t-elle avec une pointe d'intérêt. C'est nouveau provenant de toi. Malheureusement, ma patience possède une limite très courte comme tu dois le savoir. Nous ne sommes plus intéressés par la plume, mais plutôt par Azéna.

Le sang de Serfantor de glaça soudainement. Comment avait-elle identifié Azéna? Il ne se souvenait pas de lui avoir divulgué ces informations.

- A-ah bon?

- En effet, continua-t-elle en tapant du doigt sur une surface invisible. Alors, tu vas t'organiser pour qu'elle soit en position vulnérable et tu coopéras avec Sir Bregkhon ainsi que Seveth pour la capturer. Ceux-ci demeureront à proximité de l'académie jusqu'à ce que...

- Non! beugla Bregkhon. Ma Reine, je vous en supplie, je ne désire que d'être près de vous!

La mage dénommée Seveth attendit le signal de sa souveraine, enfila un gant à griffes de métal et gifla sauvagement le guerrier qui gémit dans une tentative de réprimer un hurlement.

- Tu restes, répéta la reine. Vous ne revenez pas tant qu'Azéna n'est pas en chaînes et en route pour Norkux.

- Qu'en est-il de son dragon gris? questionna Seveth.

- Tuez-le. Il ne nous causera que des ennuis et il m'importe peu.

- Je vais le faire pour toi, Ma Noirceur, dit Bregkhon avec un étrange mélange d'amertume et de passion.

À cet instant, Serfantor avait qu'une seule envie: de démolir Bregkhon. Il n'avait aucune idée de l'implication émotionnelle qu'était de perdre son dragon, l'unique être en ce monde à qui tu peux réellement faire confiance. Son cœur était douloureux à la pensée qu'Azéna pourrait perdre ce lien si précieux.

Un autre grognement retentit dans la nuit. Shalith avait repérée quelque chose d'intérêt. En effet, un faucon voyageur était sur le point de passer au-dessus de leurs têtes. Il portait sûrement un message important.

- Rapportez-moi cette information, ordonna la reine.

Bregkhon s'en chargeait à l'aide son arbalète. Une fois le parchemin en mains, il déroula celui-ci et se mit à lire tout haut :

Grand Maître,

La mission de sauvetage se porte raisonnablement bien en ce moment. Nous sommes toujours en route pour Myssa. À date, nous avons rencontrés aucun obstacle. Azéna se porte bien malgré son caractère qui laisse à désirer. J'espère que cette expérience était une bonne idée. Je vous enverrai une autre mise à jour bientôt, lors de notre arrivée à Myssa.

Bien à vous,

Capitaine Ruvior

La reine se mit à ricaner et un sourire sournois se dessina sur ses lèvres pulpeuses.

- Alors, notre petite dragonnière est partie pour une mission de sauvetage... Sûrement pour Umah et Yuzia. Quelle bande d'incompétents, ces sauvages. Ils ne la tueront pas... Et je doute qu'ils peuvent arrêtés les dragonniers. Ils sont bien trop puissants pour eux. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'Azéna ne revienne. Préparez-vous à son retour et capturez-la. Elle sera fatiguée et sûrement affaiblit. Profitez-bien de cette occasion.

Serfantor se doutait depuis quelques saisons qu'il y avait une connexion entre le groupe des chamans noirs et le peuple elfe gris, mais sa mère venait de le confirmer. Elle se cherchait des alliés pour atteindre ses buts. Des alliés qu'elle considérait comme des pions sur son échiquier. Elle avait l'intention de bien les utiliser jusqu'à ce que leurs ressources s'éteignent puis, elle allait les jeter à la poubelle, trahissant leur confiance. C'était un jeu qu'elle adorait jouer ce qui n'était rien d'étonnant considérant son titre de Reine des elfes gris.

La reine porta son attention sur Seveth et lui sourit chaleureusement.

- Tu peux t'amuser avec lui comme bon te sembles. Il semble perdre le droit chemin... Il requiert de la discipline, qu'en penses-tu?

- Je suis d'accord, Ma Douce Ombre, répliqua la mage avec un expression sadique qui lui tordait le visage.

- Non, je vous en supplie, murmura le guerrier.

Mais Seveth coupa la connexion du flux de mana et l'image fantôme de la reine disparut.

- Nous nous rencontrerons à nouveau dans trois soirs, décida-t-elle. Jeune prince, soyez assurez que nous allons vous surveiller ainsi que les autres dragonniers. Je m'attends à que vous nous avertissiez lorsque la cible sera de retour.

- Oui, répliqua tout simplement Serfantor.

Elle lui fit signe qu'il pouvait disposer, puis elle disparut dans l'ombre en compagnie de Bregkhon qui n'était maintenant qu'un chien comme les autres elfes gris mâles. Il avait perdu son privilège et pour cela, Serfantor en était ravis.

- Quelle gaffe a-t-il pu commettre? questionna Shalith alors qu'elle et son dragonnier survolait l'enceinte de l'académie en direction de la Tour des apprentis du quatrième cycle.

- Ça n'a pas d'importance, murmura le prince. Nous sommes surveillés à présent. Qu'allons-nous faire?

- C'est comme je te l'ais dis plus tôt, nous avons besoin d'alliés. Une source extérieure nous serait utile.

- Personne ne mérite ma confiance sauf toi.

- Je suis aussi impuissante que toi, tu sais. Je comprends que tu as grandis dans un environnement hostile, mais tu dois faire confiance en quelqu'un. Nous sommes limités, particulièrement maintenant que nous sommes surveillés

Elle se posa sur la toiture de la Tour de la Résistance, celle des apprentis de quatrième cycle. Serfantor sauta en bas de la dragonne et entreprit de se dépêcher à sa fenêtre, mais il fut arrêté par la longue queue mince de sa compagnonne qui lui bloqua le chemin.

- Je n'ai pas terminée avec toi, grogna-t-elle en claquant les mâchoires.

Il se tourna et la fixa droit dans les yeux,

- Je suis exténué. Ce que j'ai vu ce soir m'a bouleversé. Aucun enfant ne désire voir sa propre mère jouir en cause d'attouchements sexuels.

- Eh, pourquoi pas? Je ne vois pas le mal là-dedans. Ma mère désirait plus d'œufs en cause que la population de dragons noirs se faisait mince là où nous vivions, alors lorsque j'étais toute jeune, il y a un ravissant mâle qui était venu la visiter et...

- C'est bon, coupa Serfantor. Je connais la suite. Tenons-en nous à que les dragons et les elfes gris ne pensent pas de la même façon. Quoi qu'il en soit, qu'est-ce que tu voulais me dire?

- Bon, l'histoire que je désirais te partager... Tu sais, je n'étais pas si différente de toi il y a de nombreuses années. J'ai grandi près d'un marécage dans le royaume de Dètmor qui était trop près d'une habitation humaine. Ainsi, la nourriture se faisait rare et la population dragonne aussi puisque nos écailles et nos cornes valent beaucoup d'argent. Comme je te l'avais expliqué, ma mère a essayée de rétablir l'ordre entre notre race et celle des humains en procréant bien plus qu'une dragonne le fait normalement. Elle n'était pas difficile et s'efforçait d'être sociale ce qui sont des comportements contraires à notre nature. De toute façon, elle a fini par périr à la main humaine elle aussi comme tant de mes frères et sœurs. J'ai été l'une des rares chanceuse à survivre si longtemps dans les parages et cela, par moi-même. Éventuellement, les dragons de cette région ont succombé au cannibalisme. C'était un véritable carnage. Je me suis battue contre une immense femelle qui voulait me dévorer. Je ne me souviens même plus comment je l'ai vaincu... J'étais si petite à côté d'elle. Par contre, ce combat m'avait sévèrement blessée.

Elle fit une longue pause.

- Évidemment, ça ne t'a pas achevé, en conclu Serfantor.

- Ça aurait dû m'enlever la vie, dit-elle.

- Qu'est-ce qui a changé cela?

- Une patrouille de dragonniers avait entendu nos cris et ils sont venus, mais un peu trop tard. Notre duel à la mort était déjà terminé... Ils m'ont trouvé, ils m'ont soigné et ils m'ont ramené à Atgoren. Évidemment, j'étais une dragonne sauvage donc, je ne m'accordais pas bien avec les autres dragons et surtout avec les dragonniers. Ça m'a pris des années a leur faire confiance, mais regarde-moi aujourd'hui.

- Tout ça pour me dire que chaque culture, chaque environnement est différent.

- Précisément. La culture elfe grise n'est pas la culture des dragonniers. Ce ne sont pas les mêmes gens, comme d'ailleurs, chaque individu est unique. Il suffit de trouver les bonnes perles qui te complètent.

Sur le coup, l'image du fière visage d'Arièlla ainsi que de la grande carcasse de muscles qu'était sa dragonne apparurent dans son esprit.

- Tu as raison, murmura-t-il.

- Il suffit de passer par-dessus cette muraille du passé.

- J'y travaillerais.

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