Chapitre 6 L'école des vampires
Une fois sortis de l’autoroute, alors que le soir tombait, nous nous arrêtâmes devant une grande bâtisse de style empire. L’école était perdue dans les bois. Officiellement, c’était autrefois un pensionnat pour adolescents perturbés. C’était suffisamment dissuasif pour éloigner les curieux. Les habitants de la région connaissaient de vieilles légendes à son propos. Personne ne savait vraiment quel types de cours y étaient distribués mais tout le monde se figurait que cela avait un rapport avec les disparitions fréquentes d’animaux.
Peut-être devait-elle avoir fière allure en 1890, mais aujourd’hui elle était délabrée. Je poussai la lourde porte centrale et j’eus le malheur de déranger une colonie de chauve-souris, qui, prises de panique, quittèrent les lieux en volant au ras de nos crânes.
« Mon Dieu NON ! S’écria Isa.
Elle se jeta sur moi et me serra fort dans ses bras, mais vraiment fort, trop fort.
-Isa… Je n’arrive plus à respirer…J’étouffe !
Sa tête blottie contre moi, je sentais qu’elle pleurait, mais il devenait urgent qu’elle me lâche avant qu’elle ne me tue par accident ou qu’elle ne me casse quelques côtes.
-Dis-moi qu’elles sont parties ! Je t’en prie ! Et je te lâche. Promis ! »
Je n’avais malheureusement plus assez d’air dans mes poumons pour pouvoir le dire avec force. J’eus voulu le crier, mais je ne pus que le murmurer : « Elles sont parties, pitié, relâche moi. »
Isa me lâcha et s’excusa. Elle avait une peur panique des chauves-souris et n’avait plus vraiment le contrôle d’elle-même lorsqu’elle était terrifiée.
« Mais d’où te vient une telle force ? J’ai encore mal, je crois que tu m’as cassé quelque chose !
-Je suis désolée, je t’assure, je peux faire disparaitre la douleur si tu veux…
-NON ! Non !... Ça ira ! Ça va guérir tout seul !
Évidemment je préférais éviter qu’elle ne me refasse son numéro d’anesthésiste.
-Les chauves-souris, ça me fait penser à des démons, je n’aime pas ces créatures. Pour la force, ça peut arriver lorsque je me sens en danger. »
Un autre cliché venait d’être abattu : les vampires n’aimaient pas spécialement les chauves-souris, sinon dans leur assiette. Elle avait retrouvé un peu de sa lucidité et commençait à me guider à travers les couloirs du vieux bâtiment. À chaque pas j’entendais craquer le vieux plancher vermoulu et je redoutais qu’il ne s’effondre. Nous déambulions et passions devant ce qui devait être d’anciennes salles de classe. Mais que devait-on apprendre lorsque l’on était un étudiant vampire ? Apprendre à mordre par surprise ? Apprendre à suivre quelqu’un sans faire de bruit ? Ou apprendre à entrer dans la chambre de quelqu’un pendant qu’il dort ? Peut-être un peu tout ça à la fois. Apparemment, on se s’improvisait pas vampire, cela s’apprenait tout au long d’une éternité.
Encore un peu traumatisée, elle s’est mise à me raconter des anecdotes douloureuses de sa vie passée entre ces murs.
« Les autres, ils se moquaient de moi à cause de ça. Ils m’en ont même mis une dans ma chambre. Je les ai toujours détestés, eux et leurs chauves-souris. Ils m’ont rejeté dès le premier jour, à cause de mes yeux. J’étais la seule vampire aux yeux bleus, ils ne comprenaient pas que j’étais différente. »
Nous marchions toujours, à travers les étages. Mais alors que nous progressions, j’eus un étrange frisson, semblable à celui que j’avais ressenti lorsque j’avais rencontré Isa, mais cette fois il était accompagné d’une sensation de froid.
« Attends !
-Qu’y a-t-il ? Demanda-elle.
-J’ai l’impression qu’il y a quelqu’un.
Isa s’arrêta et tendit l’oreille. N’entendant toujours rien, elle renifla l’air plusieurs fois dans toutes les directions.
-Je ne sens rien… C’est un vieux manoir, je comprends qu’il puisse te mettre mal à l’aise. »
Cet incident passé, nous entrâmes enfin dans l’ancien bureau de la direction. Je n’étais cependant toujours pas tranquille. Isa fit quelques pressions à l’aide de son pied sur le bois du parquet qui recouvrait le sol puis s’exclama :
« Ça y est ! J’ai trouvé, c’est ici ! Aide-moi. »
Je l’aidais à soulever la planche et nous mîmes au jour un petit coffret en bois verni. Isa le déverrouilla et nous pûmes découvrir ce qu’il contenait.
Il y avait bien, comme elle l’avait décrit précédemment, un ensemble de deux disques gravés de plusieurs lettres, recouvert d’un troisième garni d’un mécanisme inconnu. C’était rond et cela évoquait un peu la forme des compas de navigation. C’était un objet ancien, cependant, il était très bien conservé. Le coffret qui le contenait présentait une phrase gravée sur l’envers de son couvercle :
« Ego Alpha et Omega 1:8. Qu’est-ce que ça veut dire ? Demandai-je.
-Je n’en sais rien. Ça me dit vaguement quelque chose, mais je ne comprends pas le latin.
-Moi non plus, pourtant j’ai déjà entendu ça quelque part. »
Nous emportâmes le coffret et son contenu avec nous puis, nous nous hâtâmes de quitter ces lieux oubliés de la civilisation. Nous montâmes à bord de ma vieille 205 et pendant qu’Isa gardait précieusement le coffret sur ses genoux, je me préparais à la conduite de nuit. C’est au moment où je réglais mon rétroviseur que je le vis lui, cet être sombre aux yeux rougeoyants. Isa et moi sortîmes rapidement de la voiture pour mieux le distinguer, mais il avait disparu.
« Putain, c’était quoi ça !
-Oui je l’ai vu aussi. Dit-elle. Viens il ne faut pas rester là, il connait notre odeur à présent.
-Est-ce que c’était un…
-C’est fort possible, je ne comprends pas ce qu’il fait là. C’est étrange, je ne l’ai pas senti tout à l’heure, ce n’est pas normal. »
Paniqué et terrifié par cette rencontre soudaine, je démarrais en trombe et me dépêchai de mettre le plus de distance entre moi et cette chose.
« Tu crois qu’il était là pour la clé ?
-Peut-être, je ne sais pas.
-Tu ne sais pas ?
-Il aurait pu insister pour nous la prendre, ça me semble étrange qu’il ne nous ait pas empêché de partir. »
Isa resta pensive pendant tout le reste du trajet. Je songeais alors à ce qui nous attendait le lendemain. Nous prendrions le train dans la matinée et je ne reverrais plus jamais cette école sinistre.
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