Chapitre 21 Les cinq seigneurs
Ella me boudait toujours. Plus froide que la glace, toujours plus dure que le métal, elle m’avait installé dans une petite chambre située dans l’une des ailes de l’hôtel. La décoration était typique de l’après-guerre. Au mur, mon regard pouvait passer de vieilles affiches des plus anciens cabarets de Paris, aux anciennes photos jaunies par le temps. En y regardant de plus près, je pouvais y reconnaitre Charlotte en robe de cabaret, toujours plus élégante que jamais et à côté d’elle, une jeune flûtiste au regard assassin.
« Isabelle ! » Pensai-je en moi-même.
Soudain je crus l’entendre derrière moi. Je me retournai brusquement et je l’entr’aperçus durant l’espace d’une seconde, assise dans un coin de la pièce. J’étais éveillé, mais pour une raison inconnue, je semblais être en mesure de lui parler à travers sa prison. J’essayai tant bien que mal de trouver le sommeil, mais je n’arrêtais pas de penser à tout ce que Charlotte m’avait dit ce soir. Isa abritait la conscience d’une tueuse et un vampire inconnu était après elle pour s’emparer de son pouvoir. En y réfléchissant, je me dis que si Isa m’avait dévoilé son cœur, peut-être était-ce le signe qu’elle envisageait sa disparition… À la faveur d’Isabelle ! Cette idée me terrifiait. N’y tenant plus, je me rhabillais et décidais d’aller la trouver pour lui parler.
Je cherchais désespérément la poignée de la porte dans l’obscurité. Fort heureusement c’était une belle nuit de pleine lune et je finis par la trouver. Mais lorsque je l’ouvris, je vis Charlotte apparaitre tel un spectre, dans le noir, juste de l’autre côté, qui m’attendait dès que j’eusse envie de poser le pied dehors. Je sursautais en poussant un cri aigu.
« Vous allez quelque part ? Demanda-t-elle froidement.
Je bredouillais quelques mots inintelligibles, étant encore sous l’effet de l’immense frayeur qu’elle venait de causer en moi.
-Vous… Je, Voulez vous promener vous pour trouver le…
-Me promener ? Avec vous ?
-Non, je… Attendez, laissez-moi une seconde le temps de récupérer.
Après m’être calmé, je constatai qu’elle était assez mécontente.
-Je suis navrée de vous avoir fait peur, jeune homme, À l’évidence il vous en faut plus pour enfin trouver la paix. Et bien soit, qu’il en soit ainsi, j’espère que vous ne le regretterez pas.
-J’aimerais prendre des nouvelles d’Isa.
-Elle va bien. En ce moment même, elle est sur le toit en train de contempler la ville. Comme dit l’adage, « voir Paris et mourir. »
-Attendez, elle ne va pas mourir, vous allez la sauver n’est-ce pas ?
-Oui, bien sûr, c’est une façon de parler. Comprenez que je sois inquiète pour elle. D’une certaine manière elle est un peu comme ma fille.
-Est-ce que vous pensez qu’Isabelle peut se délivrer d’elle-même ?
-Non. Enfin c’est plus compliqué.
-C’est-à-dire ?
-Venez avec moi. Je dois vous présenter à des amis.
-Vos amis ?
-Les cinq seigneurs ! »
Je la suivais à travers les longs couloirs sombres de la propriété et nous arrivâmes dans une pièce qui ressemblait un peu à un mausolée. Au mur, cinq niches abritant chacune une statuette. Je les inspectais une par une et je vis la dernière, elle me semblait plutôt familière.
«Je vous présente les cinq premiers vampires, dans l’ordre : Lorenzo Bertolucci mon mari, Vladimir Drakov seigneur d’Asie, la Comtesse Élizabeth seule femme du groupe, Isaac Holst seigneur du Nord et enfin Charles Brabant, celui qui nous intéresse.
-Brabant, comme…
-Oui, Charles, le créateur d’Isabelle, Brabant comme votre grand-père. Il y a longtemps, Isa m’écrivait qu’elle avait fait la connaissance d’une enfant qui ressentait la présence des vampires autour d’elle. Il s’agissait d’Élisa, madame votre mère.
Cette dernière révélation m’avait bouleversé. Peut-être qu’au fond de moi, je m’en doutais. Cette étrange capacité que j’avais à détecter les buveurs de sang, devait donc être un héritage de famille. Le dernier vestige d’un pouvoir encore plus ancien transmis par un seigneur vampire à ses descendants.
-Cela veut dire aussi que…
-Isabelle est l’assassin de votre grand-père. Elle l’a tué impitoyablement et si elle revenait, je pense qu’elle s’en prendrait également à vous. Maintenant vous savez quel lien unit Isabelle à votre famille. Afin de la sauver, j’ai créé Isa, la jeune fille qu’elle aurait dû être si elle était restée humaine, puis je l’ai conditionnée pour qu’elle ne puisse plus mordre.
-Isabelle m’a dit que c’était Charles qui l’avait enfermée.
-Oui c’est vrai. Après qu’Isabelle eût tué son premier seigneur, Charles, dernier seigneur survivant, a commencé à prendre peur. Il s’est occupé de sceller la cage que j’avais construite. Moi, je n’avais fait qu’installer les quatre murs en prévision, mais afin de pouvoir continuer à lui parler en rêve, j’ai laissé une petite porte ouverte. Je pense que c’est par cette issue qu’elle pouvait prendre le contrôle d’Isa et se remettre à tuer. Même encore aujourd’hui, je la soupçonne de murmurer à travers les barreaux pour l’influencer. Charles scella la porte, mais il y laissa la vie lui aussi. Élisa et vous-même avaient en commun de pouvoir franchir cette porte quand bon vous semble. Si vous avez effectivement hérité de ses capacités, vous devriez être en mesure de desceller la prison qui retient Isabelle… Mais, je dois vous prévenir que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous en empêcher. »
Sur ces dernières paroles, je vis ses yeux argentés briller et elle me fit sortir de la pièce.
Annotations
Versions