Chapitre 30 Le spécialiste
Charlotte avait une idée en tête : retrouver au plus vite le cœur de Lorenzo et l’utiliser de force sur Isabelle. Bien sûr, je ferais l’appât, mais je dois dire que je n’étais pas très chaud pour risquer de me faire découper de part en part.
Nous étions sur la N10, bien loin de Paris. Notre objectif était de réunir un triptyque ancien commandé au début de la renaissance par le clan Bertolucci. J’appris alors, que cette série de trois tableaux siégeait autrefois dans le hall principal de l’école des vampires mais qu’il fut perdu sous l’occupation. Charlotte avait néanmoins réussi à retrouver deux d’entre eux. Elle découvrit que les nazis en avaient dérobé la totalité afin d’en faire don aux hauts dignitaires du régime. Cependant, après la capitulation, le triptyque de Charlotte fut confondu avec un autre et restitué en partie au Louvres. Le troisième tableau, lui, restait introuvable, or, Isa était formelle, il nous fallait les trois afin de pouvoir décoder le message laissé par Lorenzo.
« Nous partons pour Rambouillet, s’exclama Charlotte. Nous allons rencontrer un ancien membre du clan, un spécialiste !
-Quel genre de spécialiste ? Demandai-je.
-C’était un ancien détective durant les années 30. Il m’avait demandé de le transformer afin de résoudre un crime. Ainsi, il avait acquis le flair d’un limier. Cela fait bien longtemps qu’il n’exerce plus. Mais il était très doué pour retrouver les objets rares.
-Il va retrouver le tableau manquant.
-Non seulement, il va retrouver le tableau dont nous avons besoin, qui plus est, il va nous aider à identifier votre bibliothécaire. D’ailleurs, à ce sujet, tu as toujours ce que je t’ai demandé ?
-La photo ? Oui, je l’ai toujours avec moi. Ainsi que les pages codées du livre de Lorenzo qu’Isa avait scannées à la BNF. Tout est sur mon téléphone.
-Bien, alors, ne le perds pas. Quant à vous Ella, on accélère, notre hôte nous attend !
-Je me permets d’informer respectueusement Madame que nous roulons toujours à bord d’une voiture recherchée par la Police. Répondit Ella.
-Et bien je dirai que vous m’avez prise en otage ! Ainsi, notre secret sera sauf.
-Quelle brillante idée Madame ! Dit-elle avec un nuage d’ironie. »
Nous arrivâmes de nuit à Rambouillet. À ma connaissance, c’était la première fois que je voyais la nuit avec mes nouveaux yeux de vampire pleinement transformés. Et je dois dire que je découvris le ciel étoilé comme je ne l’avais encore jamais vu auparavant. Les étoiles n’étaient plus seulement de petits points dispersés au loin, sans saveur. Elles étaient devenues de véritables bijoux luminescents, scintillant à travers un ciel pastel, comme extrait d’une peinture de Vincent Van Gogh. Pour la première fois de ma vie, je pouvais contempler la Voie Lactée, traversant le ciel nocturne, reflétant des halos de couleur qui faisaient briller nos yeux dans la nuit.
« C’est beau, n’est-ce pas ? Dit Charlotte.
-C’est exceptionnel ! Répondis-je.
-La plupart des gens pensent que nous vivons dans l’obscurité par amour pour le lugubre et le glauque. La vérité est qu’à partir du moment où nous nous transformons, nous ne connaîtrons plus jamais l’obscurité. La moindre particule de lumière nous suffit pour nous ouvrir au monde invisible.
-Je n’avais jamais imaginé que les vampires puissent avoir accès à autant de merveilles cachées.
-Là où les humains ne voient qu’une étoile, un feu ou un plan d’eau, nous, nous voyons des halos, des trainées de lumière, des courants. La nuit est riche en découvertes… Et ce n’est que le début.
-Et que signifient les couleurs que je vois autour des gens ?
-Tu vois des couleurs sur les gens ?
-Oui, pas vous ?
-Non.
-Comment est-ce possible ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
-Je n’en sais rien, ton sens des couleurs a peut-être été altéré pendant la transformation. Quelle couleur vois-tu sur moi ?
-Argent.
-Mmh ! C’est étrange, cela ne reflète pas vraiment ma personnalité. La couleur d’Ella ?
-Violet.
-Il faudra que j’en parle à mon ami, le spécialiste. Je me demande s’il n’a pas déjà vu un cas similaire. Ce n’est pas normal. Il faut cependant admettre que tu n’es pas n’importe quel vampire.
-Charlotte, est-ce que la couleur anormale de mes yeux est inquiétante, selon vous ?
-Tu étais au courant ?
-Je vous ai entendu à l’Hôpital.
-Alors, c’est que la transformation a été beaucoup plus rapide que la normale. Ne t’inquiète pas, si tu as bien tout entendu, tu dois aussi savoir que cette couleur spécifique a été autrefois portée par les cinq premiers nés. Elle inspirait la terreur chez les reines, les ouvrières et les soldats qui leur vouaient obéissances. »
Charlotte se voulait rassurante, mais je pense avec le recul que la couleur, qui caractérisait mes yeux, n’était que la face cachée de l’iceberg. J’avais eu plusieurs fois l’occasion de me regarder dans un miroir, au bar, à la morgue, dans la voiture d’Ella… Ce que j’y avais vu était ma couleur qui m’entourait, ainsi que celle de mes yeux lorsqu’ils se mettaient à briller. Mes yeux viraient du jaune doré au jaune pâle. Un jaune sinistre et agressif, tel les yeux d’un grand loup noir.
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